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06 mars 2006

Carême





 « La Descente aux Enfers »   






 

1 Pierre 3:18-22

18  Le Christ lui-même a souffert pour les péchés, une fois pour toutes, lui juste pour les injustes, afin de vous présenter à Dieu, lui mis à mort en sa chair, mais rendu à la vie par l’Esprit.
19  Ce que par cet Esprit, il est aussi allé proclamer aux esprits en prison,
20  aux rebelles d’autrefois, quand se prolongeait la patience de Dieu aux jours où Noé construisait l’arche, dans laquelle peu de gens, huit personnes, furent sauvés par l’eau.
21  C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant: il n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience; il vous sauve par la résurrection de Jésus Christ,
22  qui, parti pour le ciel, est à la droite de Dieu, et à qui sont soumis anges, autorités et puissances.
 
Marc 1, 12-15
12  Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert.
13  Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.
14  Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Évangile de Dieu et disait:
15  "Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché: convertissez-vous et croyez à l’Évangile."
 


*

 
L’Évangile de Marc est très sobre dans le récit de la tentation qui ouvre le ministère de Jésus : quelques brèves notes qui font écho : le désert, les bêtes sauvages, les quarante jours…
 
Avec en regard naturel, la traversée du désert par le peuple de l’Exode, et en arrière-plan plus lointain, le tohu-bohu, le chaos initial des premiers versets de la Genèse. Où s’annonce et se préfigure que l’on est en présence de celui qui va conduire la Création à son achèvement et à sa plénitude comme nouvelle Création : les anges le servaient.
 
Mais avant cela, il va s’agir de confronter le chaos, de le mater, ce chaos où la Création est en risque permanent de retourner, comme par le Déluge ; ce chaos du désert des bêtes sauvages, ce chaos qui vise à nous envahir jusque depuis notre intériorité pour nous empêcher d’advenir comme êtres à l’image de Dieu, comme ressuscités. Il s’agit donc d’être confronté avec cette part de soi-même : tel est le sens du Carême comme passage au désert.
 
Et pour Jésus, cela se traduit par une confrontation au Principe même du refus de la Création de Dieu, le satan, pour une victoire de Jésus d’où va sortir enfin la Création nouvelle. C’est tout ce que nous donne l’Évangile de Marc.
 
Le terme de ce conflit contre ce chaos remontant aux temps initiaux, aux temps antédiluviens, nous sera donné dans le texte de la première Épître de Pierre que nous avons lu.
 
1 Pierre 3:18-22, ou — bien que l’expression ne soit pas dans le texte — la descente aux enfers, ce sur quoi on se penchera un moment.
 
La descente aux enfers, un thème fécond, qui a inspiré depuis l'art dramatique jusqu'aux concepteurs d'attractions foraines, en passant par le cinéma fantastique.
 
Ici aussi, toute une série d’échos, d’une autre nature. On connaît le mythe fondamental derrière cette fameuse descente aux enfers des artistes, qui est évidemment celui d'Orphée. Orphée descendant aux enfers chercher sa bien-aimée Eurydice. Un thème qui, du coup, n'a pas forcément grand chose à voir avec la descente aux enfers du Christ, me direz-vous peut-être.
 
Sauf à l’entendre comme C.S Lewis, l’auteur de Narnia à présent connu grâce à Walt Disney. Théologien anglican, connu aussi comme philologie de l’Université d’Oxford, C.S. Lewis, estime que le Christ accomplit dans sa chair ce que les mythes avaient dessiné en images.
 
Un des plus célèbres de ces mythes est celui de la caverne de Platon où il est question d'un homme venu du monde de la lumière qui descend dans la caverne où nous vivons tous, et où nous prenons pour la réalité les ombres que la lumière de l'extérieur projette sur les murs. Et lorsque l'homme de la lumière leur dit la vérité, les hommes de la caverne, scandalisés par la vérité, se proposent de le mettre à mort. La crucifixion du Christ porteur de lumière a été souvent perçue comme l'accomplissement de cela.
 
Eh bien, figurez-vous que le mythe d'Orphée trouve peut-être son accomplissement dans le thème la descente aux enfers de Jésus. Reste à savoir la signification de tout cela.
 
Le mythe d'Orphée concernait les Titans, ces personnages mythologiques qui s'étaient révoltés contre Dieu et avaient été enfermés au fond des enfers, dans le Tartare. Orphée avait subi on ne peut plus cruellement cette révolte, puisque lui-même, fils de Zeus, avait été dévoré par les Titans… Depuis en fermés au Tartare, le cercle le plus bas des enfers.
 
Eh bien, selon la seconde épître de Pierre, les esprits qui se sont rebellés au temps de Noé, dont il est question dans notre texte, ces esprits rebelles à Dieu ont été justement enfermés dans le Tartare. Je lis le passage : avant de préciser (2 P 2: 5) que Dieu "n'a pas épargné non plus l'ancien monde, mais il préserva, lors du déluge dont il submergea le monde des impies, Noé, le huitième des survivants, lui qui proclamait la justice" ; 2 Pierre 2:4 note : "Dieu n'a pas épargné les anges coupables, mais les a plongés, les a livrés aux antres ténébreux du Tartare, les gardant en réserve pour le jugement." Coïncidence intéressante, non ?
 
Qu'est-il donc allé faire dans cette galère, Jésus ? "Prêcher aux esprits rebelles", qu'est-ce à dire ? Les commentateurs de l'Écriture, les grands théologiens à travers l'Histoire et autres pères de l'Église, en ont usé de l'encre et de la salive sur cette question.
 
"Prêcher aux esprits emprisonnés". Est-ce pour leur permettre d'être sauvés eux aussi ? Certains l'ont envisagé ; dérivant parfois vers les zones les plus farfelues des mythes, vers des croyances bizarres, que l'on retrouve dans les films sur les maisons hantées ou les théories brinquebalantes des spirites voulant des médiums capables de soulager les pauvres fantômes qui errent avec chaînes et boulets pour expier leurs péchés passés.
 
Si certains ont imaginé cela, d'autres ont préféré s'en tenir plus rigoureusement au texte. Le terme traduit par "prêcher" signifie littéralement "proclamer".
 
Ce qui ne veut pas forcément dire une prédication avec appel, imaginant Jésus invitant les mauvais esprits, démons, et autres anges rebelles au repentir, tel un Jean-Baptiste des enfers.
 
Littéralement, proclamer parle d'une annonce. C'est le terme exact qui est employé pour les premières annonces de la résurrection. Les Apôtres proclament la victoire du Christ sur la mort. Telle est la prédication de sa résurrection.
 
C'est ainsi que ceux qui si l’on s’attache au sens strict des mots, et ici du mot "proclamer", la descente aux enfers de ce passage marque le tournant de la victoire totale du Christ. C'est la résurrection proclamée jusqu'aux abîmes les plus sombres de l'univers. Le Christ est vainqueur total. Il n'est aucun lieu, aucun temps, qui ne soit vaincu par le Ressuscité. La descente aux enfers est le scellement premier de la résurrection. Cette proclamation du Christ est cette victoire qui est la sienne, la résurrection.
 
Rendu à la vie par l'Esprit, dit même le texte, c'est alors qu'il est allé prêcher aux esprits en prison. Ressuscité. Ce qui nous place à côté de la question d’une sorte de chronologie : mort, descente aux enfers, puis résurrection : il s’agit de la proclamation de sa victoire par le ressuscité. Au-delà des temps, puisqu’elle concerne jusqu’aux jours d’antan, et aux esprits rebelles des origines...
 
Proclamation intemporelle. C'est la victoire d'une résurrection qui fait éclater la reddition de notre temps chargé de douleur et de mort, cette mort que, nous dit le texte, Jésus a porté en sa chair, lui juste pour les injustes.
 
C'est pourquoi le Ressuscité est le sauveur même de Noé, l'homme par lequel le monde a traversé le temps des esprits rebelles. L'épître aux Hébreux (11:7) le dit ainsi : "Par la foi, Noé [fut] divinement averti de ce que l'on ne voyait pas encore", de sorte que le déluge devient, selon notre texte, la figure du baptême, qui est participation symbolique à la résurrection du Christ. Comme pour une irisation de lumière éternelle qu'annonçait cet autre signe de l'alliance, l'arc-en-ciel.
 
Si la victoire est intemporelle, le combat du vainqueur, Jésus, l'est aussi.
 
C'est pourquoi l'on nous donne à juste titre aujourd'hui le texte sur sa tentation en même temps que celui de la descente aux enfers. Le combat de Jésus est celui de la tentation qui inaugure son ministère et qui le taraude encore à la fin, au Gethsémani et à la croix. C'est pourquoi Calvin considérait que la descente aux enfers nous situait en fait en ces moments là. Au moment où le Christ juste souffre le plus intensément pour les injustes.
 
Une précision : le thème de la descente aux enfers, dont on a entrevu un peu de sa richesse, ce thème biblique, au fond, n'est pas ce que nous confessons lorsque nous disons le Symbole des Apôtres, puisque le mot latin y est inferos, et non inferna. Inferos signifie tout simplement le séjour des morts, voulant dire que le Christ est réellement mort, mis au tombeau, descendu au séjour des morts. Cet aspect du Credo renvoie, non pas tant à notre texte d’aujourd’hui, où l’on ne trouve pas exactement le simple séjour des morts, qu’à d’autres textes du Nouveau Testament parlant du hadès, à savoir le shéol hébreu, bref du séjour des morts (Ac 2:27,31).
 
Cela dit, le carrefour de notre texte s'y retrouve en ce sens que la réelle mort du Christ est le fondement de toute la puissance de sa résurrection, de toute son universalité, concernant les sommets les plus sublimes des cieux et de la spiritualité et les zones les plus sombres de cette création, abîmée dans les griffes du malheur et de la mort.
 
Proclamons à nouveau cette victoire du Christ ressuscité, le Christ de la transfiguration. Proclamons-le tout à nouveau pour cette entrée en Carême. Proclamons-le à la face de l'univers et jusqu'au fond des abîmes du malheur : le Christ ressuscité, le victorieux, nous y accompagne et vient nous y racheter, comme Orphée son Eurydice. Pour nous, il n'est plus rien à craindre : il nous sauve par sa résurrection, il siège à la droite de Dieu, toutes les puissances lui sont soumises.


R.P.
 
 

 

17:35 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

26 février 2006

Infidèles témoins…




… d’un Dieu fidèle









La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Seigneur.


(Déroulement liturgique sur les textes du jour :)


(Psaume 103 :)

Louange
1 […] Mon âme, bénis l’Éternel! Que tout en moi bénisse son saint nom!
2 Mon âme, bénis l’Éternel, Et n’oublie aucun de ses bienfaits!
3 C’est lui qui pardonne toutes tes fautes, Qui guérit toutes tes maladies,
4 Qui rachète ta vie du gouffre, Qui te couronne de bienveillance et de compassion,
5 Qui rassasie de biens ta vieillesse, Qui te fait rajeunir comme l’aigle.

Confession de péché
6 L’Éternel fait justice, Il fait droit à tous les opprimés.
7 Il a fait connaître ses voies à Moïse, Ses hauts faits aux fils d’Israël.

Seigneur, nous confessons devant toi que nous ne t’avons pas été reconnaissants, que nous ne nous sommes pas conformés à tes voies.

Grâce
8 Le SEIGNEUR est miséricordieux et bienveillant, lent à la colère et plein de fidélité.
9 Il n’est pas toujours en procès et ne garde pas rancune indéfiniment.
10 Il ne nous traite pas selon nos péchés, il ne nous rend pas selon nos fautes.
11 Comme les cieux dominent la terre, sa fidélité dépasse ceux qui le craignent.
12 Comme le levant est loin du couchant, il met loin de nous nos offenses.
13 Comme un père est tendre pour ses enfants, le SEIGNEUR est tendre pour ceux qui le craignent;
14 il sait bien de quelle pâte nous sommes faits, il se souvient que nous sommes poussière.

(2 Co 3, 4-5 :)
4 Telle est l’assurance que nous avons par le Christ auprès de Dieu.
5 Non que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre capacité, vient de Dieu.

Loi (Psaume 103 :)
15 L’homme! ses jours sont comme l’herbe; il fleurit comme la fleur des champs:
16 que le vent passe, elle n’est plus, et la place où elle était l’a oubliée.
17 Mais la fidélité du SEIGNEUR, depuis toujours et pour toujours, est sur ceux qui le craignent, et sa justice pour les fils de leurs fils,
18 pour ceux qui gardent son alliance et pensent à exécuter ses ordres.
19 Le SEIGNEUR a établi son trône dans les cieux, et sa royauté domine tout.

Voici donc son commandement :
20 Bénissez le SEIGNEUR, vous ses messagers, qui, de toutes vos forces, êtes au service de sa parole, qui obéissez dès que retentit sa parole.
21 Bénissez le SEIGNEUR, vous toutes ses armées, vous ses ministres qui faites sa volonté.
22 Bénissez le SEIGNEUR, vous toutes ses oeuvres, partout dans son empire. Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme.


*


Lectures :

Osée 2, 16-20 (-22)
16 Et il adviendra en ce jour-là - oracle du SEIGNEUR - que tu m'appelleras "mon mari", et tu ne m'appelleras plus "mon baal, mon maître".
17 J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, et on ne mentionnera même plus leur nom.
18 Je conclurai pour eux en ce jour-là une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel, les reptiles du sol ; l'arc, l'épée et la guerre, je les briserai, il n'y en aura plus dans le pays, et je permettrai aux habitants de dormir en sécurité.
19 Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi par la justice et le droit, l'amour et la tendresse.
20 Je te fiancerai à moi par la fidélité et tu connaîtras le SEIGNEUR.


Marc 2, 16-20 (13-22)
16 […] Des scribes pharisiens, voyant qu'il mangeait avec les pécheurs et les collecteurs d'impôts, disaient à ses disciples : "Quoi ? Il mange avec les collecteurs d'impôts et les pécheurs ?"
17 Jésus, qui avait entendu, leur dit : "Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs."
18 Les disciples de Jean et les Pharisiens étaient en train de jeûner. Ils viennent dire à Jésus: "Pourquoi, alors que les disciples de Jean et les disciples des Pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas ?"
19 Jésus leur dit : "Les invités à la noce peuvent-ils jeûner pendant que l'époux est avec eux ? Tant qu'ils ont l'époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner.
20 Mais des jours viendront où l'époux leur aura été enlevé ; alors ils jeûneront, ce jour-là. […]


*


Les interlocuteurs de Jésus expriment leur trouble à le voir manger avec les pécheurs, infidèles à Dieu, qui frayent avec les occupants Romains, représentants d'un pouvoir idolâtre. Lui, ayant cité le proverbe populaire : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades », de préciser : « je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »

S’ensuit une question sur le jeûne puisque outre le fait de manger avec les pécheurs en question, les disciples prennent par-dessus le marché le jeûne par-dessus la jambe. Et Jésus ne les reprend même pas !

Infidélité des publicains ? Infidélité de ceux qui frayent avec eux ? Jésus, alors, renvoie au thème biblique des noces, qui évoque automatiquement le Cantique des Cantiques, ou, surtout, parlant d’infidélité, le prophète Osée.

*


Osée : nous ne savons rien de lui sinon qu’il est cocu. Osée nous raconte ses déboires conjugaux avec son épouse infidèle, nommée Gomer. Osée, naturellement, souffre de ces déboires, et c’est de là que va partir sa prophétie. Il va comparer ses propres malheurs avec sa femme et ceux de Dieu avec Israël, infidèle lui aussi, comme dans Marc les publicains.

On sait qu’Israël s’est coupé en deux après le règne de Salomon. Osée parle à Israël, royaume du Nord, séparé de la dynastie qu’il considère comme légitime, celle du Sud, Juda (ch. 3 v.5). Les indications chronologiques placées en tête du livre [sont nommés des rois de Juda, le Sud, et Jéroboam II, du Nord] permettent de dire que la prophétie réfère à une époque située entre 786 et 724 av. J.-C., époque sur laquelle on a quelques informations.

Jéroboam II, ici mentionné, a régné à Samarie, capitale du Nord, pendant 41 ans, dès 785 av. J.-C., env. ; rendant la prospérité au royaume.

Mais, avec la prospérité, la corruption, les injustices, l’abandon de Dieu et l'idolâtrie se développent ; le fossé entre les riches et les pauvres se creuse toujours davantage : les nantis vivent dans un luxe inouï, oppriment les plus pauvres, multiplient les injustices et les abus.

Et après la mort de Jéroboam II, la situation se dégrade. Ce sera la période la plus sombre de l'histoire d'Israël : des usurpateurs s'emparent du pouvoir, puis sont renversés à leur tour (4 successeurs de Jéroboam sont assassinés durant cette période) ; bref, c'est le règne du despotisme et de la confusion.

Le message d'Osée est principalement dirigé contre l'idolâtrie qui accompagnait la prospérité matérielle. Dès son entrée en Terre promise, Israël avait été confronté au culte de Baal, dieu de la pluie et de la fertilité. On subit les influences de l'idolâtrie. Le livre d'Osée témoigne d’un temps où la masse du peuple a adhéré au culte de Baal et d'Achéra, le plus immoral de tout l'ancien Orient : plusieurs fois par an, leurs fêtes étaient accompagnées de prostitution rituelle, violence et beuveries, etc.

Osée veut amener son peuple au repentir, le faire revenir au Dieu qui ne se lasse pas de l'aimer et de l'attendre. Comme lui, le prophète Osée, aime et attend Gomer.

Le livre commence donc par l'histoire du mariage et des malheurs conjugaux d'Osée : le texte nous dit que Dieu lui demande d'épouser une prostituée qui fatalement, quelque temps plus tard, lui devient infidèle. Non pas, probablement, que Dieu l’ait envoyé épouser une femme préalablement prostituée – qui plus est dans le but d’en faire sortir une prophétie ! Mais c’est rétrospectivement qu’Osée considère que ses déboires sont dans le regard de Dieu qui a évidemment prévu les choses. Et sachant que selon le Proverbe, c’est Dieu qui donne sa femme à chacun : « celui qui a trouvé une femme, c’est là un don de Dieu » ; Osée considère que la femme que Dieu lui a donnée, il la lui a donnée en sachant très bien l’aboutissement de chose : un Osée malheureux comme son Dieu. C’est une façon de nous dire que ce qu’Osée en est venu à découvrir à travers son vécu douloureux avec son épouse, correspond à ce que Dieu vit avec son peuple, qui se prostitue avec des divinités illusoires qui se font célébrer dans la prostitution dite sacrée, adultère à l’égard de Dieu.

Ainsi Osée peut s’identifier à lui, en quelque sorte, le comprendre. Quoiqu’il en soit de savoir si Gomer était déjà au moment du mariage ce qu'elle est devenue, Dieu connaissait ses dispositions profondes et il avait une intention prophétique : à travers cette histoire, il va parler à son peuple. C’est ainsi qu’Osée l’interprète.

Dieu n'avait-il pas, lui aussi, pris son peuple pour le combler de son amour, bien qu'il ait connu d'avance ses dispositions profondes et ce qui allait s'ensuivre ? Et le prophète de rappeler certaines choses : dès le désert du Sinaï, Israël a adoré le veau d'or (ch. 13 v. 2) ; puis entré en Terre promise, il a sacrifié à l’idole Baal (ch. 2. v 7s.), il a consulté les voyants (ch. 4 v. 12)... Tout cela équivaut à de l'adultère à l’égard de Dieu, à de la prostitution. Osée utilise cette image du mariage que bien des prophètes (Jer 2.2; 3.1-4; Isa 54.5; Eze 16.33) et des auteurs du Nouveau Testament (2 Co 11.2; Eph 5.23-32, etc.) reprendront pour décrire les relations de Dieu avec son peuple.

C’est de la sorte qu’à travers ses souffrances conjugales, Osée comprend celles de Dieu. Sa fidélité à l'épouse infidèle reflète la patience et l'amour de Dieu, inébranlable et fidèle. Le "prophète au cœur brisé" peut apporter le message — qui vaut à travers les siècles, jusqu’à nous — du Dieu dont le cœur est meurtri par les infidélités de son peuple. Reste cette promesse : Israël saura de nouveau quel est son Dieu et reviendra à lui.

C’est l’histoire du boulanger de Pagnol parlant à la chatte Pomponette pour lui expliquer le malheur du chat Pompon. Le boulanger qui parle en fait à sa femme, qui parle de sa femme. Osée parlant de son épouse parle en fait de Dieu.

Et Osée de souligner ainsi la sainteté de Dieu et son horreur pour le péché (2.4-5 ; 6.5; 9.9; 12.15, etc.), ainsi que son amour pour Israël (2.16-18, 22-25 ; 3.1; 11.1-4, 8-9; 14.5, 9 [4, 8], etc.). Le péché, en dernière analyse, est, sous sa plus terrible forme, une infidélité à l'amour. Il frappe Dieu au cœur.

La pensée essentielle du message d'Osée est alors la suivante : l'amour, puissant, inaltérable de Dieu pour le peuple, ne sera satisfait que lorsqu'il aura rétabli une parfaite harmonie entre le peuple et lui.

*


Jésus a renvoyé ses interlocuteurs religieux au thème biblique des noces, qui évoque automatiquement face à la question de l’infidélité, ici des publicains que dénoncent les religieux, le prophète Osée.

Eh bien ! Jésus renvoyant implicitement à Osée, se présente comme celui qui vient accomplir enfin la promesse, celle du temps d’Osée, que l’amour de Dieu finira par triompher ; cette promesse que n’ont pas su accomplir ses collègues pharisiens qui au fond, si l'on en croit la façon dont ils l'interpellent à ce moment-là, se sont comportés du coup comme les prêtres, rois et prophètes du temps d’Osée : ils ont en quelque sorte donné le mauvais exemple : ils reprochent aux percepteurs à la solde des Romains leur infidélité ; à juste titre...

Sauf que cela conduit à oublier que Dieu aime même ces pécheurs-là, comme au temps d’Osée, il a aimé son peuple adultère. Sauf que de lasorte, on est mené à mal accueillir ceux d’entre ces pécheurs qui se repentent, comme Dieu le veut. Ce qui revient à une façon subtile à une trahison de Dieu. À en donner pour autrui un visage dont on n’aimerait pas se le voir présenter à soi. Le visage impitoyable de celui qui n’est pas prêt à accueillir celui qui revient à lui. Du coup, on s'en est éloigné soi-même, incapable de mener à son accomplissement la promesse de Dieu pour son peuple pécheur. Alors Jésus est envoyé, pour l’accomplir, lui, cette promesse. À savoir que Dieu, s’il ne supporte certes pas l’infidélité de son peuple, s’il en souffre atrocement ; Dieu est toujours prêt à l’accueillir quand il revient à lui. C’est humiliant, certes, mais quel bonheur. Ce message vaut aussi pour ses interlocuteurs, qui sans s’en rendre compte — pensez ! ils sont tellement pieux ! Car ils le sont réellement ! — sont en fait, de cette façon-là, éloignés de Dieu. C’est le sens du message de Jésus venu réconcilier les pécheurs, comme un médecin guérit les malades.


R.P.



17:25 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

19 février 2006

Voyant leur foi...



... Jésus lui dit...








La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Sauveur.

Louange (Ps 118, 1-4)
Célébrez le SEIGNEUR, car il est bon, et sa fidélité est pour toujours.
Qu’Israël le redise: "Sa fidélité est pour toujours!"
Que la maison d’Aaron le redise: "Sa fidélité est pour toujours!"
Que ceux qui craignent le SEIGNEUR le redisent: "Sa fidélité est pour toujours!"

Confession du péché
Sa fidélité est pour toujours. Et « si nous sommes infidèles, Lui demeure fidèle, Car il ne peut se renier lui-même » (2 Tim 2, 13) : nous pouvons venir à lui dans l’humilité, confesser nos fautes avec confiance :
« O Dieu! fais-moi grâce selon ta bienveillance,
Lave-moi complètement de ma faute, Et purifie-moi.
Car je reconnais mes fautes, j’ai fait le mal à tes yeux,
En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement. » (Psaume 51, 1-4)

Paroles de grâce (Ps 118, 16-20)
La droite du SEIGNEUR est levée! la droite du SEIGNEUR fait un exploit!"
Non, je ne mourrai pas, je vivrai pour raconter les œuvres du SEIGNEUR:
Certes le SEIGNEUR m’a repris, mais il ne m’a pas livré à la mort.
Ouvrez-moi les portes de la justice, j’entrerai pour célébrer le SEIGNEUR.
- C’est la porte du SEIGNEUR; que les justes entrent!

(Ésaïe 43, 18-19 & 25)
Ne vous souvenez plus des premiers événements, ne ressassez plus les faits d’autrefois. Voici que moi je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne; ne le reconnaîtrez-vous pas ? J’efface, par égard pour moi, tes révoltes, je ne garde pas tes fautes en mémoire.

Toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur OUI dans la personne du Fils de Dieu, le Christ Jésus. Et celui qui nous affermit en Christ et qui nous donne l’onction, c’est Dieu, lui qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2 Corinthiens 1, 20-22).

Loi (Ps 118, 21-23)
Je te célèbre car tu m’as répondu, et je te dois la victoire.
La pierre que les maçons ont rejetée est devenue la pierre angulaire.
Cela vient du SEIGNEUR: c’est une merveille à nos yeux!
(V. 17 :) « Je vivrai pour raconter les œuvres du SEIGNEUR. »
Allez le vivre et le dire !

Prière avant la lecture des Écritures
Dieu, qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2 Co 18, 22), répande sur nous son Esprit qui nous ouvre à sa parole.

 

(La base liturgique ci-dessus - cf. le souhait d’un lecteur de ce blog - est reprise de textes du jour.)

 


Marc 2, 1-12

1 Quelques jours après, Jésus rentra à Capharnaüm et l’on apprit qu’il était à la maison.
2 Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. Et il leur annonçait la Parole.
3 Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par quatre hommes.
4 Et comme ils ne pouvaient l’amener jusqu’à lui à cause de la foule, ils ont découvert le toit au-dessus de l’endroit où il était et, faisant une ouverture, ils descendent le brancard sur lequel le paralysé était couché.
5 Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé: "Mon fils, tes péchés sont pardonnés."
6 Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs:
7 "Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul?"
8 Connaissant aussitôt en son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, Jésus leur dit: "Pourquoi tenez-vous ces raisonnements en vos cœurs?
9 Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé: Tes péchés sont pardonnés, ou bien de dire: Lève-toi, prends ton brancard et marche?
10 Eh bien! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre…" -il dit au paralysé:
11 "Je te dis: lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison."
12 L’homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant: "Nous n’avons jamais rien vu de pareil!"


Tout d'abord, imaginons la scène. Quatre plans principaux, quatre niveaux dont les acteurs vont chacun intervenir : d'abord, le cercle le plus excentré, la foule. Au centre, Jésus. Entre ces deux plans, le paralysé et ses amis qui se sont démenés farouchement pour venir à Jésus, d'une part ; et les scribes, de l’autre.

Jésus prononce une parole qui laisse tout le monde pantois : "Tes péchés sont pardonnés", dit-il au paralytique. Etonnement de la foule, bien sûr, mais aussi, en premier lieu, du paralysé, et — bien sûr — des scribes.

Le paralysé, tout d'abord. Mettons-nous à sa place. Il était — lui avec ses amis —, fondé à attendre autre chose qu'une déclaration de pardon des péchés. Sachant la réputation de Jésus qui a attiré cette foule nombreuse, il est peut-être déçu, étant venu chercher autre chose qu'une telle déclaration. Que va-t-on chercher à Lourdes ? Si l'on n'y attendait que des déclarations de pardon, il y aurait vraisemblablement moins de monde...

Autres acteurs qui entrent alors en jeu : les scribes. Eux, leur trouble est d'une autre nature. Il ne relève pas de la déception. En connaisseurs de la Bible, leur trouble est d'ordre légal. Et — Jésus le sait — il est parfaitement légitime. C'est là, sans doute, qu'il a joué de la provocation.

Jésus sait qu'ils ont forcément raison : qui peut pardonner, sinon Dieu seul ? — Pour comprendre, pensons aux débats contemporains sur le pardon : Shoah, déportations et exploitation esclavagistes... L'immensité de l'offense permet de savoir qu'il est des pardons que l'on ne peut pas exiger d'autrui. Des offenses dont les conséquences sont si immenses que Dieu seul peut en avoir la perspective, et donc que lui seul peut en envisager le pardon. Ici, requérir d'autrui l'octroi du pardon relève même de l'indécence. Et c’est vrai, au fond, de toute offense : qui peut la mesurer pour autrui ? Alors si, certes, ma paix est à ce prix : pardonner de tout mon cœur l'offense qui m'a été faite — qui suis-je pour exiger d'autrui qu'il pardonne des offenses qui ne m'ont pas été faites à moi et, à plus forte raison, pour carrément octroyer le pardon pour le tort qui ne m'a pas été fait à moi ? ! Jésus exagère, pensent les scribes. Ils ont raison, sait Jésus.

Et là se place le second coup d'éclat, après la première provocation : la guérison du paralysé. Lui est content, cette fois. Mais Jésus laisse l’assistance de plus en plus perplexe. Est-il en train de confirmer ce vieux discours, réfuté par le livre de Job, réfuté aussi par tant d'autres parmi les scribes et les pharisiens, discours qui voudrait que maladie ou handicap soient bien mérités par leurs victimes ? Pécheurs qu'ils sont, ils ne l'ont pas volé ! Discours toujours actuel sous couleur d'ordre médical : cancer ? Fumeur ou buveur. Sida ? Transgression des règles prophylactiques d'usage de la sexualité, etc…

Certes, Jésus n'a jamais minimisé le péché ni la gravité de ses conséquences ; on vient de le dire à propos du pardon, mais ne nous y trompons pas. Son second coup d'éclat ne dit rien de cela. Le pardon n'est pas un préalable pour une guérison qui supposerait absence de péché.

Autre perplexité parallèle : le pardon des péchés est-il donc considéré par Jésus comme moindre quantité que la guérison d'une paralysie ? Le paralysé, lui, et on le comprend, peut être porté vers cette autre idée suite au miracle dont il bénéficie. Mais il ne s'y trompe pas, ni lui, ni les scribes. Jésus n'est pas en train d'expliquer l'énormité de sa parole de pardon par un geste qui voudrait la minimiser de cette autre façon : je sais faire mieux, le pardon des péchés n'est pas grand-chose, ce n'est que des mots. Non ! Pas question de glisser à cette autre aberration.

Par ces deux coups d'éclats successifs, sa parole de pardon et son miracle, Jésus est en train de donner une leçon époustouflante sur la grâce. C'est le pardon des péchés, cette libération infinie, qui est la chose fondamentale, énorme. Les scribes le savent. Et, pour appuyer la chose, la souligner encore, pour que tous voient, il renvoie le paralysé guéri ! Lui ne demande pas son reste. Il aura de quoi méditer dans les jours qui suivent.

Les scribes sont abasourdis : qui est donc celui-ci ? La foule, l'acteur périphérique, réapparaît alors pour leur donner la réponse : "Nous n'avons jamais rien vu de pareil", et de rendre gloire à Dieu. Celui-ci, le Fils de l'homme qui est dans les cieux, est ce que l'on soupçonne. Il a réellement, comme il le prétend, le pouvoir de pardonner les péchés. Par lui, le Royaume de Dieu s'est bien approché. Les cieux s'ouvrent...

Est apparu u un détail vertigineux. Reprenons la scène initiale : une foule compacte. Tous se pressent, faisant fi de la chaleur, de la transpiration, des odeurs, de l'ambiance... Il y a là plus important que nos fiertés et nos répugnances, on le pressent, on le sait. Et voilà les amis de notre paralysé, bien décidés à présenter leur homme à Jésus, malgré la difficulté. Ils dégarnissent le toit. Regards désapprobateurs. Persistance quand même ; ils réussissent enfin à présenter leur ami à Jésus. Et là apparaît le détail exorbitant, l'immensité de la grâce : voyant leur foi, dit le texte, leur foi à eux, Jésus déclare le pardon des péchés de leur ami. Il n'est pas sauvé par sa foi, mais bien par la grâce, signifiée non pas à sa foi à lui, mais à celle de ses amis.

Si nous hésitons encore sur le poids de la prière, sur le poids de la confiance en la grâce, sur toute la solidarité, de prière donc, déjà, qu'elle permet, alors méditons bien ce texte : voyant leur foi, celle de ses amis, Jésus dit au paralysé : « Tes péchés sont pardonnés ».

Aujourd'hui, Jésus octroie une grâce plus grande que notre foi. Notre foi ne consiste qu'à demander à Jésus de venir au secours de notre incrédulité. Alors nous sommes tous comme autant de paralysés, qui ne savons pas marcher dans l'espérance, rongés d'un pessimisme bien naturel quand on voit ce que nous apporte le monde de douleurs et d'angoisses. Nous sommes des paralysés nous soutenant les uns les autres. La foi des uns vient au secours de l'incrédulité des autres. Le paralysé est sauvé à cause de la foi de ses amis. Ou plutôt de la grâce de Dieu qui précède tous les appels que nous lui adressons. Il n'y a pas à compter sur notre justice, aussi grande soit-elle ; il n'y a pas à compter sur notre foi, aussi grande la croirions-nous. Notre secours est en Dieu seul et en la grâce qu'il nous a montrée en Jésus-Christ, le même qui, ressuscité, est vivant aujourd'hui au milieu de nous.
Paul a cette formule superbe qui résume cela à merveille : nous sommes sauvés par la foi de Jésus-Christ. Le Christ croit pour nous ; c'est cela le cœur de la grâce : il croit pour nous, comme les amis du paralysé ont cru pour lui.


Que Dieu nous donne les oreilles pour entendre cette parole, qu'il nous donne de repartir avec toute la confiance en la grâce, avec la foi à la puissance de l'intercession, celle du Christ, d'abord, avec le flot de lumière et de grâce qui découle de ce Fils de l'homme, Jésus, qui a sur la terre pouvoir pour pardonner.


R.P.



16:55 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)