01 janvier 2006
Pour l'an nouveau
Gloire à Dieu dans les lieux très hauts,
Et paix sur la terre
Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son regard et t’accorde sa grâce !
Que le Seigneur porte sur toi son regard et te donne la paix !
(Nombres 6, 24-26)
Luc 2, 13-21 :
13 Et soudain il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, qui louait Dieu et disait:
14 "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés."
15 Lorsque les anges se furent éloignés d’eux vers le ciel, les bergers se dirent les uns aux autres: Allons donc jusqu’à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître.
16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph, et le nouveau-né dans la crèche.
17 Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant.
18 Tous ceux qui les entendirent furent dans l’étonnement de ce que leur disaient les bergers.
19 Marie conservait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur.
20 Et les bergers s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, conformément à ce qui leur avait été dit.
21 Quand le huitième jour fut accompli, il fut circoncis et fut appelé Jésus, du nom indiqué par l’ange avant sa conception.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux » ont chanté les anges — « multitude de l’armée céleste ». Il s’est passé là quelque chose d’extraordinaire, qui fait chanter toute la création visible et invisible, qui fait chanter jusqu’à toute la « gendarmerie céleste », pour employer le vocabulaire de Calvin parlant des anges.
Car il faut, en effet, se débarrasser de l’imagerie douceâtre qui traduit ces armées angéliques en figures d’angelots joufflus… Exténuant de la sorte le contraste extraordinaire que veut rendre l’Évangile : d’un côté toute la puissance — la Création et ses fondements célestes, toute la terreur, la sainte terreur, que cela peut inspirer ; de l’autre l’humilité de la crèche où naît le souverain de toutes les armées célestes. C’est sans doute le deuxième, pôle empreint de douceur, qu’a voulu rendre l’imagerie des angelots. Mais à quel prix ! Comme quoi nos représentations des réalités célestes, et terrestres, restent inadéquates, contraintes, elles aussi, à l’humilité !
Les armées célestes viennent de se joindre à l’ange annonciateur, et dès lors les bergers non plus ne s’y trompent pas. Ils n’y ont d’ailleurs, sans doute, pas été portés. Un ange, même annonciateur d’une bonne nouvelle, est impressionnant. Et alors, quand s’y joint toute la gendarmerie…
Mais voilà donc que la chose essentielle, celle qu’ils chantent là, s’est passée à Bethléem, s’est passée dans l’humilité, et concerne celui qui vaut que toutes les puissances de la Création y joignent leur louange.
Cela concerne les bergers, et nous concerne avec eux. Cela aussi les anges le clament ! C’est le deuxième aspect de leur chant de louange : « paix sur la terre parmi les hommes de la bienveillance ».
« Parmi les hommes de bonne volonté » a traduit la version latine, la Vulgate, de Jérôme — le fameux saint Jérôme :
« Gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis ».
(« Doxa en uqistoiv yew kai epi ghv eirhnh en anyrwpoiv eudokia ».)
La traduction n’est pas si mauvaise. Elle rend le terme grec littéralement, selon un des sens possibles… cela en posant une difficulté théologique — qui n’est pas sans intérêt.
Car, certes, la paix donnée aux hommes par Dieu en son Fils n’est pas payante, n’est pas réservée à ceux qui l’auraient méritée par leur bonne volonté ! Ou leur bienveillance ! (L’autre sens possible de l’expression grecque serait : « les élus » — paix sur la terre aux hommes de la bienveillance, du bon plaisir de Dieu, aux élus de Dieu.)
Mais justement l’ambiguïté doit alors nous interroger, comme tout propos qui heurte notre sens de l’ordre des choses.
Et si là, précisément, se disait aussi, comme avec les chants des armées célestes plutôt que des angelots, la dimension vertigineuse du contraste qu’il nous est donné de contempler.
Nous voilà au carrefour entre le Dieu créateur de toutes les choses visibles et invisibles, jusqu’aux puissances célestes, et la réalité de l’humanité qui chemine sous la bienveillance de ce Dieu Tout-puissant, exprimée au quotidien dans sa bienveillance à elle, humanité, une bienveillance tout humaine, et trop rare.
Le double sens possible de cette « bienveillance », de cette « bonne volonté » peut alors vouloir dire beaucoup de choses.
Cela rejoint Paul disant aux Romains : « vous êtes sauvés par la foi du Christ » — au double sens de foi en Christ et de foi exercée par le Christ. Double sens qui veut que le salut est en ce carrefour où l’on fait confiance en celui qui est fiable, et qui nous sauve par sa seule fiabilité, reçue dans l’humilité de la foi — salut qui donc dépend de sa foi à lui et non pas de la nôtre qui ne fait que le recevoir et croire.
Ce double sens rejoint aussi celui du « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » — commenté en Matthieu 6, 15 par :
« Si vous ne pardonnez pas, votre Père non plus ne vous pardonnera pas ».
Parole terrible si l’on y voit un Dieu attendant de nous que nous fassions le premier pas vers autrui avant qu’il ne fasse un pas vers nous.
Le double sens ici aussi dit exactement le contraire : dans le pardon inconditionnel de Dieu se fonde votre capacité à pardonner, qui sera pour vous comme donnée en signe de la puissance et de la vérité du pardon reçu.
« Paix envers les hommes de la bienveillance ». La paix de Dieu, sa bienveillance accordée en plénitude, et signifiée ici dans l’humilité de l’enfant pour qui s’élève la louange de toute la Création, se donne à expérimenter dans la bienveillance qui en découle parmi les hommes, puis depuis les hommes qui deviennent par leur bienveillance autant de signes de ce que la bienveillance divine est effectivement octroyée — et qu’elle se répand.
Là est tout le contraste que nous donne ce chant de louange angélique entre la puissance divine dans la Création, la magnificence du Créateur, et l’humilité de l’enfant en lequel il vient à nous.
*
À ce moment le récit entre dans toute son humilité, sa simplicité, ce que nous savons nous figurer : « Marie, Joseph, et le nouveau-né dans la crèche ». Là est tout le salut. « Après l’avoir vu, les bergers racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant. » Rien de plus à dire !
Qu’à s’étonner, comme l’on fait les auditeurs des bergers, et à méditer, comme la mère de l’enfant : « Marie conservait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur. »
Et reprendre nos chemins avec les bergers qui « s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, conformément à ce qui leur avait été dit ».
L’enfant, lui aussi, poursuit sa route d’humilité, chemin des hommes. Déjà ses parents le mènent sur ce chemin et le présentent à sa circoncision : « quand le huitième jour fut accompli, il fut circoncis et fut appelé Jésus, du nom indiqué par l’ange avant sa conception ».
Signe extraordinaire à nouveau de ce qu’en lui est le salut des nations, qui selon les promesses des prophètes, découle de Jérusalem, ville du peuple de la circoncision, Cité des origines et demain Cité céleste.
Ce signe est en ce que l’Église, qui rassemble les nations autour de cet enfant, datera ses années, non pas du jour de sa naissance, mais du jour de sa circoncision : nous avons fêté sa naissance il y a huit jours. Aujourd’hui, 1er jour de l’année nouvelle, est commémoration de sa circoncision.
Le Créateur tout-puissant célébré par les armées célestes a bien répandu sa bienveillance, depuis le cœur de Jérusalem, envers toutes les nations, pour que comme en cascades cette bienveillance qui jaillit de la crèche de l’enfant jusqu’en sa résurrection, se répande désormais parmi les hommes et les femmes ce monde et par les hommes et les femmes de ce monde.
*
Et cela se donne dans ce simple dévoilement : « Christ, Dieu et homme, ne fait qu’une seule personne. Si je veux trouver Dieu, je vais le chercher dans l’humanité du Christ. Aussi, quand nous réfléchissons à Dieu, nous faut-il perdre de vue l’espace et le temps, car Notre-Seigneur Dieu, notre créateur est infiniment plus haut que l’espace, le temps et la création. » (J’ai cité Martin Luther, Propos de Table, Aubier 1992, p. 204.)
Dans et l’espace et le temps, il a donné ce signe de sa présence aux bergers, puis par eux à tous : l’humanité du Christ.
R.P.
13:35 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
24 décembre 2005
Joyeux Noël
Parole faite chair et graines de Lumière |
ean 1, 1-18
1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie.
6 Il y eut un homme envoyé par Dieu, du nom de Jean.
7 Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais (il vint) pour rendre témoignage à la lumière.
9 C’était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a pas connue.
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçue;
12 mais à tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom
13 et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
14 La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.
15 Jean lui a rendu témoignage et s’est écrié: C’est celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m’a précédé car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce,
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n’a jamais vu Dieu; Dieu (le Fils) unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître.
a Parole, créatrice, est au commencement de toute chose — parole prononcée il y a 5766 ans selon la datation du judaïsme — parole qui pose alors le monde, doté de son substrat, de son terreau de temps et de matière de 13 milliards et demi d’années.
Ainsi ont commencé toutes choses, dans une parole qui fait advenir le monde à la lumière, qui a fait advenir le chaos, de 13, 5 milliards d’années, au jour de la parole créatrice prononcée dans la lumière, et qui résonne dans le temps il y a 5766 ans.
Cette même parole est à nouveau au recommencement de toute chose. Car le monde, qui n’est pas pleinement sorti de la nuit, est appelé à renaître, à accéder à sa plénitude en paraissant en pleine lumière.
Et c’est cette espérance séculaire, signifiée par toutes les fêtes de lumière des différents cultes, qui s’est réalisée à Noël, et que nous fêtons, pour la 2005e fois. « Au commencement » dans l’Évangile de Jean, renvoie à la Genèse où le monde est créé par la parole — le « qu'il soit », « sois » — de Dieu. Dieu dit, et la chose existe, le monde existe, nous existons. C'est à cette Parole qu'il est fait référence ici à Noël, et à la lumière qui en est le premier effet. Une lumière qui précède toute lumière. Celle du soleil vient ensuite : cette lumière-là est la vraie lumière, qui éclaire tout être humain venant dans le monde.
n monde extrait des ténèbres antécédentes à cette parole illuminatrice.
C’est en cette Parole, créatrice, qu’est « la lumière du monde », avant même la lumière naturelle, donc (Jean 1, 9-10). Lorsqu'elle s'exprime, la lumière apparaît : « Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut » (Genèse 1, 3). Cette lumière précède la lumière du soleil qui n'apparaît qu'au 4e jour dans le récit de la Création. Cette vraie lumière est la lumière spirituelle dans laquelle le monde prend forme.
Cette lumière-même est celle de Noël. Le déroulement ultérieur de la création est le développement de cette illumination du monde, de sa sortie du chaos et des ténèbres. Les choses s'ordonnent en se distinguant, en se séparant : ainsi en premier, le jour d'avec la nuit.
C'est cette même Parole qui nous fait venir à l'être qui peut aussi nous faire venir à la vie de Dieu, à la vie éternelle, pourvu que nous l'accueillions. Car la Création, le monde, dès lors qu'il ne reçoit pas cette Parole par laquelle il existe, est dans les ténèbres, selon que c'est cette Parole, qui sépare la lumière des ténèbres. Parole, et lumière. Souvenons-nous : « ta Parole est une lampe a mes pieds, une lumière sur mon sentier » (Psaume 119, 105).
t cette parole de lumière vient à Noël, comme petit enfant, de sorte que nous puissions l’accueillir le plus simplement… Donnant, à qui l’accueille, le pouvoir de devenir enfant de Dieu à son tour. Autant de porteurs de cette Parole qui fait venir à la vie, lesquels ne sont pas nés de la chair, mais de la volonté de Dieu. Recevoir la Parole qui fait advenir à la vie dans l’éternité.
Face à cela, les ténèbres naturelles sont le signe qu'il est une seule limite à la pénétration de la lumière. Ne pas l'accueillir.
Mais que de possibilités s'ouvrent au contraire par cet accueil : le pouvoir de devenir enfants de Dieu, juste par l'accueil, dans la foi, de cette Parole et de sa lumière.
C'est là le vrai cadeau de Noël. Que cette Parole, dont nous célébrons la naissance en Marie il y a deux mille ans, Parole éternelle qui nous a créés, Parole éternelle qui nous illumine — naisse en chacun de nous pour nous rendre féconds en Dieu.
Qu'elle fasse germer en nous la grâce de l'accueillir d 'où qu'elle vienne ; de ne pas endurcir notre cœur lorsque nous l'entendons où nous ne l’attendrions pas ; car Dieu a pour habitude de déguiser ses anges, comme il a déguisé Marie et Joseph en étrangers que l'on n'a pas su accueillir. Accueillir la Parole créatrice, illuminatrice, source de la vie nouvelle. Cette Parole est le Fils unique de Dieu, en qui demeure pour nous, le pouvoir de devenir enfants de Dieu à notre tour.
Matthieu 2, 12-13 : « Divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, les Mages se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.
Après [le] départ [des Mages], voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr." »
Les Mages repartant en leur Orient d’origine, Joseph menant l’enfant et sa mère en Égypte. Les deux premiers continents (Asie et Afrique) des trois symbolisés plus tard par le nombre des Mages (le 3e est le nôtre, l’Europe). Matthieu ne nous en a pas dit le nombre. Si on les avait comptés de nos jours, on en aurait eu sans doute cinq : l’Amérique et l’Océanie en plus.
Voilà qu’avec les Mages repartant en Orient et Joseph allant en Égypte, la lumière a commencé déjà à se répandre vers toutes les nations. Comme une graine de lumière, qui va germer jusqu’à nous.
Jésus leur proposa une parabole: « Il en va du Royaume des cieux comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ » (Matthieu 13:24). Et il explique : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme » (Matthieu 13:37). C’est à dire l’enfant de Noël parvenu à la résurrection.
Il leur proposa une autre parabole: « Le Royaume des cieux est comparable à un grain de moutarde qu’un homme prend et sème dans son champ ». (Matthieu 13:31) — la plus petite graine, selon l’Évangile, qui va ensemencer tout l’univers, comme la graine de lumière semée à Noël. « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance » (Jean 12:24). Car c’est de cette graine de lumière là que tout est parti…
R.P.
21:40 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)