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23 octobre 2006

La demande des Zébédée

 

 




«SI QUELQU’UN VEUT ÊTRE
LE PREMIER»











Hébreux 4:14-16
14  Ayant un grand prêtre éminent, qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, tenons ferme la confession de foi.
15  Nous n’avons pas, en effet, un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses ; il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans pécher.
16  Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être aidés en temps voulu.

Marc 10:35-45
35  Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : "Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander."
36  Il leur dit : "Que voulez-vous que je fasse pour vous ?"
37  Ils lui dirent : "Accorde-nous de siéger dans ta gloire l’un à ta droite et l’autre à ta gauche."
38  Jésus leur dit : "Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ?"
39  Ils lui dirent : "Nous le pouvons." Jésus leur dit : "La coupe que je vais boire, vous la boirez, et du baptême dont je vais être baptisé, vous serez baptisés.
40  Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder: ce sera donné à ceux pour qui cela est préparé."
41  Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean.
42  Jésus les appela et leur dit : "Vous le savez, ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination.
43  Il n’en est pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur.
44  Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous.
45  Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude."


*


De nos jours, lorsque les élections approchent, certains font bloc autour de l'élu potentiel — ne suivez pas mon regard ! —, en vue d'avoir les meilleurs postes ministériels dans le futur gouvernement, Conseil, équipe dirigeante, ou que sais-je…

Au temps de notre épisode du Nouveau Testament, on approche des Rameaux : dans l’espérance des disciples, un nouveau gouvernement s'annonce ; le gouvernement messianique. Les disciples, comme leurs contemporains, sont empreints de l'espoir qui sera celui de la foule des Rameaux : ils attendent une prochaine intronisation de Jésus comme roi. Car Jésus semble de plus en plus proche de prendre le pouvoir, dans l'attente de plusieurs, en remplacement d’un roi impopulaire, Hérode, voire même en passe de chasser les Romains.

D'où la question des frères Zébédée : les frères Zébédée cherchent naturellement des porte-feuilles ministériels. Comme membres de l'entourage du futur dirigeant, ils sont en proie à « la fièvre des sondages » ; et s’inquiètent de savoir qui parmi eux est le plus grand, c'est-à-dire à qui seront distribués les meilleurs postes. De jour en jour, la fièvre monte.

Le texte d'aujourd'hui nous montre que la réponse de Jésus quelques chapitres auparavant ne les a pas apaisés : contrairement à ce qu’il en est dans ce monde, dans le Royaume de Dieu le premier est le dernier, leur avait-il dit après avoir placé un enfant au milieu d'eux. Et revoilà quelques épisodes plus loin, suite à une annonce renouvelée et précisée par Jésus de sa mort et de sa résurrection, à Jérusalem, la même interrogation par deux disciples, mais précisée, elle-aussi ; explicite cette fois.

Deux parmi les disciples, décidément persévérants, les fils de Zébédée, posent la question directement : « donne-nous d'être assis l'un à ta droite, l'autre à ta gauche dans ta gloire » (Mc 10, 37) : Premier ministre et ministre des finances.

D’emblée la demande des frères Zébédée provoque l'indignation des dix autres disciples : indignation qui peut-être n’a pas d’autre sens que la demande des Zébédée, d’ailleurs. Signifie-t-elle en effet autre chose que : « et nous alors ? »

Décidément, on apprend difficilement. Évidemment les disciples n'ont sans doute pas clairement compris, ici comme dans l'épisode précédent, que Jésus vient de leur parler de lui en mentionnant le Fils de l'Homme. Et ils n'ont pas reçu ses annonces de sa propre crucifixion, présentée comme la coupe et le baptême qu'il doit boire, de façon littérale.

Mais Jésus vient ainsi de leur donner une réponse, apparemment obscure, il est vrai. Elle concerne sa prochaine persécution. Pourront-ils la partager ? Plutôt que le triomphe, c’est le rejet qui les attend. Ils le partageront, il est vrai, chacun à sa façon, comme tous les disciples. Mais ce qu'ils demandent, ils l'ignorent, leur répète Jésus. On va y revenir, pour saisir mieux de quoi il s'agit en fait dans les « positions » à droite et à gauche de Jésus.

Comme tout au long de l'évangile, les disciples ont de la peine à comprendre et à accepter que Jésus va mourir, et mourir ainsi, crucifié — selon le châtiment que pratiquent les Romains — par des Romains que eux s’attendaient sans doute à voir renversés. Il leur semble tellement invraisemblable que Dieu veuille que celui en qui ils voient le Messie meure ainsi qu'ils n'arrivent pas à l'entendre même quand Jésus le leur répète de façon explicite. C'est qu'ils attendent un règne, l’élévation de Jésus dans la gloire divine, pas une vie humiliée, « brisée par la souffrance » ; pas une vie donnée en rançon pour beaucoup, pour reprendre les termes des prophètes que Jésus s’applique.

Évidemment donc, une fois encore les disciples n'ont pas compris ce que Jésus donnait en réponse aux frères Zébédée. Alors, il les éclaire à nouveau — un peu plus : le plus grand dans son Royaume est celui qui est serviteur de tous…

Mais que cela est lourd, sinon à saisir, du moins à vivre !

Et nous ? Quel poste revendiquons-nous dans les ministères de ce Royaume où il n'y a ni Juif ni païen, ni homme ni femme, ni esclave ni libre ? Quel service attendons-nous de celui ou celle vers qui Dieu nous envoie pour servir ?

Mais voilà — en un monde où prime la compétition — voilà qu’une autre dimension est offerte par le Christ, mystérieuse et cachée — la source d’un vrai apaisement ! Laisser à Dieu le soin de savoir ce qui revient à chacun. Et puis, ce que nous sommes vraiment, Dieu le sait, Dieu qui nous envoie servir, simplement, tel que nous sommes.

En attendant le Royaume donc, être simplement serviteurs : le trône du Christ est sa croix, sa couronne est d'épines. La coupe qu'il doit boire est son supplice, son baptême est son engloutissement dans les eaux sombres de la mort.

Voilà certes qui semble peu enviable, quand on espère des postes similaires à ceux des royaumes de ce monde. Mais mon Royaume n’est pas de ce monde dira bientôt Jésus à Pilate. Et du cœur de cela, je vous donne ma paix. Vous recevrez ce que Dieu vous prépare, le meilleur pour vous.

Il est donc vrai que les disciples recevront de toute façon la place qui leur est réservée dans le Royaume. Mais comme Dieu l'entendra — en fait à travers la souffrance partagée du Christ.

Concrètement il est aussi question des épreuves de nos vies (chose qui, on le sait, existe) mais transfigurées par lui ; ce qui n’est donc évidemment pas nécessairement dans un martyre personnel. Ce qu’il faut rappeler car, quant aux places à sa droite et à sa gauche, pour en parler maintenant, on saura alors bientôt ce qu’il en est : celles des brigands crucifiés de part et d’autre de Jésus (cf. Mc 15, 27).

Et puisque les postes à sa droite et à sa gauche sont ceux de ces hommes, point exemplaires, on le sait, qui l'entourent sur la croix, il est encore ici question d’humilité ; pas question non plus dès lors pour les disciples d’entrer dans les paradoxes de la folie, qui feraient de la mort une gloire, pour s'octroyer cette prétendue gloire du martyre ; au prix des pleurs et de la souffrance d’autrui.

Quoiqu’il arrive, c’est Dieu qui décide, et pour nous aussi ; pour certains disciples, comme pour Jésus (il parle à quelques jours du moment tragique que l’on sait) ; pour lui, pour certains aussi de ceux qui ont lutté par la suite pour notre liberté d’aujourd’hui, il faudra certes mourir. Mais rien à arracher dans je ne sais quel orgueil. Servir simplement, chose peut-être plus malaisée que le martyre !

Pour nous aussi il nous appartient simplement de servir, et c’est au fond cela qui est difficile quant à suivre de Jésus ; servir, non être servis, quelle qu’en soit la façon. C’est bien sûr le programme pour lequel nous sommes appelés, si nous voulons le suivre. Et nous en sommes bien incapables. D’où cette consolation — Hé 4, 14-16 : « il a été éprouvé en tous points comme nous, mais sans pécher — c’est-à-dire sans succomber à l’orgueil, fût-ce celui d’un martyre glorieux, à la corruption, à la facilité, etc. Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être aidés » quand nécessaire : il a été à notre place.



 


R.P.,
Vence, 22 octobre 2006





08:30 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

16 octobre 2006

L’homme riche



 

  

« Alors qui peut être sauvé? »



 


 
 

   

 



Marc 10:17-31

17  Comme il se mettait en route, quelqu’un vint en courant et se jeta à genoux devant lui; il lui demandait: "Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage?"
18  Jésus lui dit: "Pourquoi m’appelles-tu bon? Nul n’est bon que Dieu seul.
19  Tu connais les commandements: Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne feras de tort à personne, honore ton père et ta mère."
20  L’homme lui dit: "Maître, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse."
21  Jésus le regarda et se prit à l’aimer; il lui dit: "Une seule chose te manque; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi."
22  Mais à cette parole, il s’assombrit et il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
23  Regardant autour de lui, Jésus dit à ses disciples: "Qu’il sera difficile à ceux qui ont les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu!"
24  Les disciples étaient déconcertés par ces paroles. Mais Jésus leur répète: "Mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu!
25  Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu."
26  Ils étaient de plus en plus impressionnés; ils se disaient entre eux: "Alors qui peut être sauvé?"
27  Fixant sur eux son regard, Jésus dit: "Aux hommes, c’est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu."
28  Pierre se mit à lui dire: "Eh bien! nous, nous avons tout laissé pour te suivre."
29  Jésus lui dit: "En vérité, je vous le déclare, personne n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Evangile,
30  sans recevoir au centuple maintenant, en ce temps-ci, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et dans le monde à venir la vie éternelle.
31  Beaucoup de premiers seront derniers et les derniers seront premiers."



*



L'homme et les commandements

Renvoyé à Dieu seul ! L'homme riche en appelle à Jésus qu'il sait à si juste titre pouvoir considérer comme "bon Maître". Jésus le renvoie à Dieu seul en lui rappelant le résumé de la Loi : ses responsabilités à l'égard de ses prochains. Seul responsable devant Dieu. Voilà qui semble ne pas l’aider !

Et l'homme d’affirmer alors s'en être tenu aux commandements dès sa jeunesse ; ce qui renvoie au temps où il a appris à connaître la Loi, le temps de la "bar mitsvah", âge de la responsabilité devant Dieu.

Matthieu et Luc l'ont souligné en parlant d'un jeune homme riche, le titre courant de notre passage.

Marc, lui, ne parle jamais de la jeunesse de l'homme, malgré ce que nos habitudes lui attribuent, ce qui nous permet de bien saisir que cela nous concerne évidemment tous, quel que soit notre âge.

Nous connaissons les commandements de Dieu, source de la libération, nous connaissons l'Évangile de la liberté, à nous de vivre cette liberté. Responsables devant sa Loi, et appelés à la liberté.

Dieu ne cesse de nous appeler hors de notre esclavage pour nous accorder une liberté qui nous coûtera nécessairement cher — le texte parlera carrément de persécutions —, cher donc, y compris sur le plan strictement financier.


L'homme et la liberté

Et là on va passer du premier plan de notre texte, la relation aux commandements qui nous place dans la responsabilité, celle de servir, à un second plan, celui où en même temps le commandement nous dépouille de notre volonté d'être servis, comme des riches ; un plan où il nous met dans l'humilité devant Dieu, en nous disant l'exigence qui est celle de l'obéissance.

Face au commandement reconnu, nous sommes à nu, dans une radicale humilité, disponibles à être aimés. Jésus l'aima, dit le texte à propos de l'homme en question.

Dépouillés, seuls devant Dieu. C'est ce que Dieu nous demande à tous.

Rupture d'avec tout ce qui nous fait exister à nos propres yeux. Rupture notamment, donc, d'avec nos biens, et même d’avec nos proches et puis d’avec nous-mêmes. Au devant de cela, il est question de nos biens. C'est là le test décisif. C'est là que Jésus rend le problème de son interlocuteur visible. Les parents, les proches, il y revient après, avec ses disciples.

C'est fondamental, mais plus difficilement visible. La question de ses biens rend l'esclavage de l'homme clairement visible : il n'est pas face à Dieu, comme l'exige la "bar mitsvah", mais face à son statut social, à ce que l'on pense de lui, à la façon dont on le regarde, ou en termes de biens, face au crédit que lui donne sa richesse. Où le respect des commandements, réel, et utile — rien à dédaigner dans ce comportement d’un homme que Jésus apprécie — s’avère fonder son vrai sens, quant à la liberté.

Car en regard de ce qu’il en est pour cet homme de son statut et de son prestige, où ce respect des commandements devient un des éléments du prestige social  — s’il n’est question que de cet angle-là, l’homme y perd sa liberté, ou plutôt il ne l'a pas acquise : il a reçu du commandement non pas l'humilité qui libère et que crée l'exigence de l'obéissance, mais la prestance de celui qui est donné pour être en règle.

Où il perd la liberté de considérer les autres autrement que de haut ; dans notre texte, celle de considérer les pauvres comme dignes de bénéficier eux aussi de sa richesse, puisqu’il s’agit de la leur distribuer ; mais elle a trop d'importance pour sa vie !

Où l’on touche au cœur des choses ! Au point que — je crois pouvoir dire qu’en prédication (et Jésus prêche à ce moment-là pour cet homme) — c’est un lieu particulier de problème que de toucher concrètement ces questions-là. Ce qui semble traduire — le problème du coût de la grâce. Un malaise que peut percevoir tout prédicateur au point d’être tenté face à cela — c’est un aveu — de se laisser aller à nuancer d’Évangile, voire changer de sujet de prédication !

Je pense à plusieurs exemples de ces lieux de malaise : tel sujet de prédication faisant allusion à l’insignifiance des hiérarchies sociales pour Jésus quant au salut par exemple — voilà une confrontation (notamment en présence de notables) qui quand elle est concrète, coûte plus qu’on ne croit — ; tel autre sujet qui questionne le vrai coût, infini, de la grâce en comparaison de celui, bien moindre au fond, qu’indiquent pour symboliser la valeur de l’être de leurs patients psychanalystes, médecin — ou même à un tout autre plan, plombiers. Et l’on pourrait multiplier les exemples concernant la question du coût d’un vrai rapport avec Dieu, et la gêne de le mentionner. Comme aussi dire ce que sont prêts à payer les croyants des pays persécutés pour célébrer Dieu, à ce que, dans notre pays, on a accepté de payer aux temps des persécutions, aussi.

Quand on devient concret à ce point, celui du coût de la grâce, on risque toujours de se susciter une sourde résistance — sans compter celle qu’on sent en soi-même d’abord, sous la forme de la tentation : « nuance tout cela, arrondis l’Évangile, d’autant plus que tu te sens visé toi-même ». Une résistance qui se traduit de diverses façons : car on n’est attaqué que rarement de front à ce point-là. Cette résistance peut se traduire depuis des accusations de : « légalisme » à « trop compliqué » en passant par « trop simple », et par la question « où est l’Évangile dans tout cela ? ». Sous entendu : prêcher de la sorte n’est pas de l’Évangile !

Eh bien précisément l’Évangile est là et nulle part ailleurs ! Il ne nous rencontre que là. Ailleurs, il est abstrait, n’engage pas. Ce qu’a bien perçu l’homme de notre texte, d’où sa tristesse.

La grâce coûtera tout. Voilà ce que dit Jésus par ses propos à notre homme. Et c’est là ce que l’on évite en permanence, se contentant de l’Évangile comme scandale pour la raison — quand on aura dit les miracles et la résurrection — ; si encore on n’atténue pas même cela !

Mais le vrai scandale est plus que celui de la seule raison qui refuse ce qui n’est pas raisonnable. Le scandale de l’Évangile est en ce qu’il faut abandonner ! La parole de la croix, n‘est pas la peinture d’un crucifix. Prendre sa croix est suivre Jésus en abandonnant jusqu’à sa propre vie. On l’a à nouveau à la fin de notre texte, lorsque Jésus explique aux disciples ce qui s’est passé avec le riche triste. Tout abandonner, et cela concrètement…

Car les disciples ont compris l’enjeu : qui peut être sauvé, à ce compte ?

 

*



Revenons à notre homme. Il vit dans le mensonge de sa propre justice — apparente, quoique réelle. Il n'est dès lors pas libéré — non plus que de la dépendance des hommes, à commencer par le regard de ses proches. Il est, comme l'ont relevé Matthieu et Luc, un jeune homme, un perpétuel jeune homme, dont la "bar mitsvah" manque toujours de sa conséquence : la liberté.


L'homme frustré

L’homme est à présent face au Christ auquel il s'est adressé au départ, mais frustré. C'est qu'il n'est d'être à l'image du Christ, d'être vrai, que devant Dieu seul, seul bon. Et cela suppose, tôt ou tard, l'abandon de tout ce dont notre vie serait censée dépendre, à commencer bien sûr par les parents et tous les proches — Jésus le dira à ses disciples, et jusqu'à tout ce qui peut donner un statut social, et notamment par la richesse. Et là c’est concret. Que cela paraît difficile !

Mais il n'est en dehors de cela pas de liberté possible, pas de libération évangélique, pas d'être digne du Christ. Pas plus d'entrée dans le Royaume de Dieu qu'il n'est pour un chameau de passage à travers un trou d'aiguille. Impossible, donc, comme le remarquent les disciples.

Impossible aux hommes !… mais pas à Dieu. Encore le même retour : se placer sous son regard, hors du mensonge.

Sans quoi reste la tristesse d'être toujours dépendant, toujours frustré, de passer sa vie à s'en repartir tout triste.

Il faut en fait « abandonner père, mère, ses biens, etc., pour être digne de moi », dit Jésus. Cela pour mettre fin à la frustration de n'être jamais soi-même. Et Jésus l’a dit concrètement à l’homme triste : « tes biens ! » Car çà, c’est concret, pour lui. On sait en effet très bien qu’abandonner se proches ne veut pas dire partir au désert et les laisser se débrouiller. Ici l’abandon est en quelque sorte symbolique : par exemple se préparer à l’inéluctable. Comme pour sa propre vie : il faudra partir… Mais en son temps. Donc tout va bien pour le moment. Mais pour notre homme, Jésus a eu l’occasion de dire ce qu’il en est concrètement : la grâce gratuite te coûtera tout, tôt ou tard. Tu devras tout laisser, et donc le savoir, l’accomplir, dès maintenant. Ce à quoi tu veux t’engager en me posant ta question, celle du salut, je te dis à présent ce qu’il en est. Tu veux connaître le salut ? Mais ça va tout te coûter. Tout. Dieu ne te laissera rien. Alors va, vends tout, distribue tout.

« Ce salut est impossible », ont dit les disciples. « C’est vrai ! » répond Jésus. Alors, « comptez sur Dieu… Suivez son appel avec confiance, jour après jours, sachant que cela vous coûtera tout. » Tout !

Et cela nous vaudra de recevoir dès cette vie, au centuple ce qu'il nous a semblé si dur de lâcher. Cela coûte tout, jusqu'à la persécution : déjà celle de subir la moquerie, pour prix de n'être pas comme un mouton.

Il n'est pas facile de se résoudre à recevoir ce qui ressemble à sa propre mort, renoncer à toute possession ; mort à soi-même indispensable pour la naissance d'en haut, la naissance à la liberté.


Un monde nouveau

Alors seulement, un monde nouveau, prémisse des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, peut advenir. Un monde de relations humaines basées sur la reconnaissance de l'autre pour lui-même, être créé selon l'image de Dieu manifestée en Christ. Où l’on voit que c’est bien là l’Évangile, ou sa réception concrète.

S’ouvre alors une réelle possibilité d'accueil du prochain (n’oublions pas, il est question des commandements dans ce texte) ; accueil du prochain, celui qui s’approche, tel qu'il nous est donné sous le regard de Dieu, tel qu'il est, un regard qui nous en dévoile la valeur infinie. Les proches, Jésus y revient avec ses disciples. Un prochain radicalement autre, personnellement à l'image de Dieu, c'est-à-dire irréductible à ce à quoi nous voudrions le limiter. Le fruit de ce que dit Jésus au riche : « distribuer ses biens aux pauvres ». Qu'elle est dure, la liberté !


*



Voilà tout un programme, et qui n'est pas facultatif — qui est le salut. Qui permet une réelle découverte de Dieu et de notre prochain ! Cette découverte de ce prochain, riche en Dieu face à nous-mêmes — à commencer par ces prochains que sont nos enfants, nos parents… —, et de nous-mêmes, ne se fera qu'à travers la rupture que le Christ opère entre eux et nous, entre nous et nous. Qu'à travers notre abandon à Dieu ! Et concrètement, il s’agit d’abord bel et bien, de nos biens, de tous nos biens.



R.P.,
Antibes, 15 octobre 2006

       




11:20 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

14 octobre 2006

Lumière...






Lumière du monde






 



Louange :
Jésus dit : Moi, je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. (Jean 8:12)

Confession du péché :
En chemin, Jésus voit un homme qui était aveugle depuis sa naissance.
Quelques-uns demandent: "Sommes-nous des aveugles, nous aussi?"
Jésus leur répond: "Si vous étiez aveugles, vous ne seriez pas coupables; mais comme vous dites: Nous voyons, vous restez coupables." (Jean 9 v.1 & 40-41)

Paroles de grâce :
Jésus Il dit à l’homme aveugle : "Va te laver à la piscine de l’Envoyé". L’aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait. (Jean 9 v. 7)

Volonté de Dieu :
Pendant qu’il fait jour, nous devons accomplir les oeuvres de celui qui m’a envoyé. La nuit s’approche, où personne ne peut travailler. (Jean 9 v. 4)

 

*

 

Jean 1, 1-9
1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie.
6 Il y eut un homme envoyé par Dieu, du nom de Jean.
7 Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais (il vint) pour rendre témoignage à la lumière.
9 C’était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.

*


« Imagine des hommes dans un endroit souterrain, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière. Ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés ; ils ne peuvent ni bouger ni voir ailleurs que devant eux : la chaîne les empêche de tourner la tête.
La lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin. Entre le feu et les prisonniers passe une route sur la hauteur : imagine au long de cette route un petit mur, un peu comme celui qui est devant un théâtre de marionnettes et au-dessus duquel on les fait bouger.
Imagine maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre en bois ou autre chose ; parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.

Voilà un étrange tableau et d'étranges prisonniers.

Penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?

Comment feraient-ils s'ils sont forces de rester la tête immobile durant toute leur vie ?

Et pour les objets qui défilent, auraient-il vu autre chose que leur ombre?

Eh bien, non !

Si ils parlaient de cela ensemble, est-ce qu’il ne prendraient pas pour des objets réels les ombres qu'ils voient ?

Si.

Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des porteurs parlerait, est-ce qu’ils croiraient entendre autre chose que l'ombre qui passe devant eux?

Non !

De tels hommes ne croiront vraies que les ombres des objets. Imagine maintenant ce qui leur arrivera si on les délivre de leurs chaînes et qu'on leur permette de voir la réalité. Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement, à tourner la tête, à marcher, à lever les yeux vers la lumière.
En faisant tous ces mouvements, il souffrira et l'éblouissement l'empêchera de bien voir ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres. Que crois-tu qu'il répondra si quelqu'un lui vient dire qu'il n'a vu jusqu'alors que des ombres, mais qu'à présent, plus près de la réalité et tourné vers les choses réelles, il voit plus juste ?
Et si, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l'oblige à force de questions, à dire ce que c'est ? Ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé ? Est-ce que les ombres qu'il voyait tout à l'heure ne lui paraîtront pas plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant ? Si on le force à regarder en pleine lumière, ses yeux n'en seront-ils pas blessés ? N'en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu'il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu'on lui montre?

Si, probablement !

Et si on le fait sortir de sa caverne de force, qu'on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la lumière du soleil, est-ce qu’il ne souffrira pas vivement ? Est-ce qu’il ne se plaindra pas de cette brutalité ? Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière, pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies ?

Il ne le pourra pas, du moins pas tout de suite.

Il aura besoin d'habitude pour voir les objets en pleine lumière. D'abord, ce seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes.
Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière.
A la fin on peut imaginer, ce sera dans la lumière du soleil — non ses images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit — mais dans la lumière du soleil lui-même, qu'il pourra voir les choses telles qu'elles sont.

Sûrement !

Après cela, il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui détermine les saisons et les années, qui éclaire les choses dans le monde visible, et qui, d'une certaine manière, est la cause de tout ce qu'il voyait avec ses compagnons dans la caverne. Alors, se souvenant de sa première demeure, de ce que l'on y enseigne, et de ceux qui furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu'il se réjouira du changement et plaindra ces derniers?

Si, certes.

Et s'ils se décernaient entre eux des prix et des félicitations, s'ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l’œil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble,
et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme serait jaloux de ces distinctions, qu'il envierait ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et respectés ? Ou est-ce qu’il ne préféra pas mille fois un pauvre et un serviteur, et souffrir tout dans la vraie réalité plutôt que de revenir vivre dans les ténèbres de son ancienne caverne ?

Je suis de ton avis, il préfèrera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon là.

Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s'asseoir à son ancienne place : n'aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil? Et s'il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n'ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que ses yeux ne se soient remis (or l'accoutumance à l'obscurité demandera un temps assez long), n'apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu'étant allé là-haut, il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n'est même pas la peine d'essayer d'y monter?
Et si quelqu'un essaie de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils puissent le tenir en leurs mains et le tuer, ne le tueront-ils pas ?

C’est bien probable.

Maintenant, il faut appliquer point par point cette image et comparer le monde que nous voyons au séjour de la prison et la lumière du feu qui l'éclaire, à la puissance du soleil.
Quant à la montée dans la région supérieure et à la contemplation de ses objets, si tu la considères comme la vraie vie, tu ne te tromperas pas, puisque tu désires la connaître. Dieu sait si elle est vraie.
La vraie vie, qui est lumière, est difficile à imaginer, mais en la recevant, on découvrira la cause de tout ce qu'il y a de vrai et de beau en toutes choses ; ce qui, dans le monde visible, a donné la lumière de la vérité. »
[…]

« La Caverne de Platon », extrait et adapté de Platon, La République - Livre VII.

*


Jean 1, 10-18
10 La véritable lumière était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a pas connue.
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçue;
12 mais à tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom
13 et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
14 La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.
15 Jean lui a rendu témoignage et s’est écrié: C’est celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m’a précédé car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce,
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n’a jamais vu Dieu; Dieu (le Fils) unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître.


*


Confession de foi :

Jésus vint alors trouver l’homme qui avait été aveugle et lui dit: "Crois-tu, toi, au Fils de l’homme?"
Et lui de répondre: "Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui?"
Jésus lui dit: "Eh bien! Tu l’as vu, c’est celui qui te parle."
L’homme dit: "Je crois, Seigneur" et il se prosterna devant lui. (Jean 9, v. 35-38)

 

R.P.,
KT, Antibes, 14.10.06

 

 

19:45 Écrit par rolpoup dans Pause caté | Lien permanent | Commentaires (0)