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09 janvier 2007

Mages — aller et retour






Les chemins des Mages 





 

(Nébuleuse d'Orion - photo Alain Lopez Villanueva)




Matthieu 2, 1-12
 
1  Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem
2  et demandèrent : "Où est le roi des Judéens qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l'Orient et nous sommes venus lui rendre hommage."
3  A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4  Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s'enquit auprès d'eux du lieu où le Messie devait naître.
5  "A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c'est ce qui est écrit par le prophète :
6  Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c'est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple."
7  Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l'époque à laquelle l'astre apparaissait,
8  et les envoya à Bethléem en disant : "Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant; et, quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j'aille lui rendre hommage."
9  Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route; et voici que l'astre, qu'ils avaient vu à l'Orient, avançait devant eux jusqu'à ce qu'il vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant.
10  À la vue de l'astre, ils éprouvèrent une très grande joie.
11  Entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
12  Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.


*

 

Les Mages. Ils disent la manifestation de Dieu à tous, aux nations, à toutes les nations, « manifestation » selon le sens du terme issu du grec, « épiphanie ». Voici la venue de la lumière dans l’histoire, commémorée à Noël, comme à son zénith. Le Royaume, ici, se fait plus proche.


Qui sont les Mages ?

On sait ce qu'il en est de ces Mages. Les Mages étaient la caste sacerdotale dans l’Empire perse (donc prêtres plutôt que rois — le texte ne les dit pas rois : ils sont devenus rois, « rois-mages », au regard des textes des Psaumes et d’Ésaïe — ; et ils n’étaient pas nécessairement trois — ça, ça vient du nombre de leurs cadeaux, avant de désigner les trois continents — le monde entier d’alors — qu’ils en viendront à représenter : Afrique, Asie, Europe). Des prêtres, au départ, de la caste sacerdotale des Mages, chez les Perses, de religion mazdéenne — un peu comme les Lévites pour les Hébreux.

La religion mazdéenne est connue, elle existe toujours ; elle se réclame du prophète Zoroastre (ou Zarathoustra), prophète de Ahura Mazda (comme les mazdéens nomment Dieu). C’est la dynastie des Achéménides, rois des Mèdes et des Perses dont était le célèbre Cyrus, qui l’adopta. Sous son petit-fils Darius Ier (Ve siècle av. J.-C.), le zoroastrisme est la religion en place. Après lui, son fils Xerxès Ier, puis Artaxerxès Ier (qui régna de 465 à 425 av. J.-C.) en furent aussi des fidèles (tous ces rois sont mentionnés dans plusieurs livres de la Bible : Esdras, Néhémie, Daniel, Aggée, Zacharie, Esther…). Sous leurs règnes s'opéra sans doute une synthèse des enseignements de Zoroastre et de la tradition antécédente. Artaxerxès II (qui régna de 404 à 358 av. J.-C.) vénérait Ahura Mazda, Mithra et Anahita. Le mazdéisme est resté la religion de l’Iran durant douze siècles, jusqu’à sa conversion à l’islam à partir du VIIe siècle ap. J.-C.

Cette religion (où s’opposent le Bien — Ahura Mazda, ou Ormuzd, — et le Mal — Ahriman), et qui, suite à la réforme de Zoroastre, est globalement monothéiste ; cette religion a des racines communes avec l’hindouisme, et par lui, aussi le bouddhisme. Et ses prêtres, ainsi dotés d’une représentativité universelle, sont les Mages.
 

*


Comme on va le voir, le texte de Matthieu renvoie, figurez-vous, à une prophétie mazdéenne, qui incluait une référence aux astres. Un signe, que selon leur croyance, ces Mages interprètent de la sorte : un roi des Judéens est né.

Un roi des Judéens, les Mages vont donc chez Hérode : normal, il s'agit du roi de Judée en place, ils vont à la famille royale. Et c'est alors la prophétie de l'Écriture juive qui éclairera plus précisément leur chemin : ce sera plus humbles que les palais de Jérusalem. Ce sera Bethléem.

L'étoile réapparaît alors — v.10 : "à la vue de l'étoile, ils éprouvèrent une grande joie" — comme un dernier clin d’œil.

Mais attention, ici les choses, parlant de prophétie, prennent une tournure inattendue. Matthieu, on le sait, bâtit son récit de l’Enfance sur les prophéties de la Bible hébraïque. Et voilà que, chose étonnante, il y introduit une prophétie issue d’une autre religion ! 


Une autre prophétie

Des Mages aux prises avec un roi qui veut les utiliser — ici contre un rival royal potentiel. Des Mages conduits où ils ne voulaient pas aller, de Jérusalem à Bethléem…

Où l’on retrouve un épisode parallèle dans le livre des Nombres, et qui n’est pas sans éclairer celui des Mages : Balaam. Comme les Mages, « Balaam s'en alla et retourna dans son pays ; et Balaq s'en alla de son côté » (Nb 24, 25) — comme Hérode du sien. Balaam est un genre de devin, comme les Mages. Balaq lui demande de maudire Israël, comme Hérode qui dans la suite du texte, en massacrera les enfants. Et poussé par Dieu, que lui répond Balaam le devin ? — « Il n'y a pas d'augure en Jacob, ni de divination en Israël : en temps voulu il est dit à Jacob, à Israël, ce que Dieu fait » (Nombres 23, 23). Et voici ce qu’annonce Dieu par Balaam : « Je le vois, mais ce n'est pas pour maintenant; je l'observe, mais non de près : De Jacob monte une étoile, d'Israël surgit un sceptre » (Nombres 24, 17).
 
Étoile annoncée par Balaam, et que rencontrerons les Mages qui lui ressemblent sous l’angle où comme lui, ils sont des prophètes païens. Étoile qui est Jésus.
 

*


C’est sans doute par ce type de biais qu’est introduit dans la tradition chrétienne ce qui est connu à l’époque comme une véritable prophétie étrangère, zoroastrienne.
 
Un texte arabe de l’Église primitive affirme :
—Zoroastre, qu’il identifie justement à Balaam — Zoroastre annonça, je cite (ch. 1, v.2), que :
« La vierge sera enceinte sans avoir connu d’homme [...]. Son enfant par la suite ressuscitera des morts ; et sa bonne nouvelle [sera connue] dans les sept climats de la terre » ; cela avec pour signe une étoile. Et plus loin, le même texte (ch. 5, v1) : « Des Mages arrivèrent d'Orient à Jérusalem, selon ce que Zoroastre avait prédit ».
 
Eh bien ! cette prophétie est effectivement connue par ailleurs. L’historien des religions Salomon Reinach, dans son
Histoire Générale des Religions rappelle l'essentiel des croyances mazdéennes à ce sujet. Je cite : « À la fin des siècles, Ahura Mazda engagera une lutte décisive contre Ahriman et l'emportera grâce à l'archange Sraoscha (l'obéissant), vainqueur du démon Ashéma. Une Vierge concevra alors un Messie, le Victorieux, le second Zoroastre qui fera ressusciter les morts et d'abord le premier mort, l'homme primitif : Gayomart ».
 
Les historiens précisent en outre qu'en Iran oriental des Mages se recueillaient chaque année sur une montagne pour y guetter durant trois jours — c’est une partie de leur culte — l'étoile du grand roi.
 

*


Du coup, pour étrange qu'il nous apparaisse, notre récit sur les Mages prend tout un sens. Dans le cadre de leur attente mazdéenne, des zoroastriens à Jérusalem ? Eh bien, c’est tout à fait envisageable ! Depuis longtemps, des contacts étaient noués entre Israël et les peuples où il a été dispersé. La Bible parle en bien du roi Cyrus.
 
Le dialogue interreligieux est à l’époque chose naturelle. Ça l’est resté jusqu’au Moyen Âge occidental, où l’Europe a été coupée du reste du monde suite aux invasions de la fin de l’Antiquité. Le contact avec les autres religions et cultures est alors devenu agressif puisqu’on ne les connaissait plus et qu’elles étaient perçues comme menaçantes pour la foi. Cette habitude a parfois persisté même après la redécouverte du reste du monde. Quand on a pris l’habitude de se croire seul… on garde des réflexes, qui en l’occurrence témoignent au fond d’une foi mal assurée, réflexes qui peuvent cesser quand on sait en qui l’on a cru.
 
À l’époque du Nouveau Testament, le dialogue avec les autres cultures et religions était naturel. On se nourrissait même de la réflexion d’autrui. Et dans les deux sens. On sait par exemple que Perses, justement, croyaient à la résurrection non seulement avant la résurrection du Christ, mais même quatre ou cinq siècles avant : c’est leur réflexion qui les avait amenés à une conviction que le judaïsme a lui aussi reconnue juste.
 
Et en sens inverse, l'attente messianique juive avait rejoint des convictions d’autres peuples, et dépassait alors largement les frontières d'Israël. La Bible est alors traduite en grec depuis deux siècles !
 
Le contact est plus particulièrement étroit avec les pensées les plus proches de le religion du Dieu unique (ainsi Paul et les philosophes d'Athènes — Ac 17). Et donc avec une religion comme le zoroastrisme — la religion des Mages, donc.
 
Un signe des temps, ces temps prophétisés par Ésaïe, et dont Paul deviendra le grand annonciateur. Voilà un Dieu qui accompagne ceux qui cherchent son salut, même païens, même de façon confuse, jusque dans leur démarche confuse.
 
Un Dieu qui prend le risque de frayer sur les chemins de ce monde, qui prend le risque de l'Incarnation, pour mener ce monde, pour mener la chair, jusqu'à la folie de la rencontre d’un enfant, qui est en fait le Fils de Dieu.
 
Un enfant humble de parents humbles chez qui entrent de prestigieux prêtres étrangers, déposant aux pieds de l'infini mystère la richesse de leur or, l'encens de leurs prières, et la myrrhe qui parfume les vivants et les morts. À nous de les y accompagner.
 
Le message de Dieu a rompu les frontières : c'est ce qui est au cœur de ce récit : Dieu est manifesté au monde. Il nous a accompagnés, et nous accompagne dans les méandres de nos réalités afin que nous vivions de sa seule grâce au cœur du monde où nous frayons.
 

Le chemin de Dieu
 
Car voilà que face à la recherche de la sagesse, Dieu a opposé la folie de sa présence dans un enfant ; la foi miraculeuse à la faiblesse d’un enfant. À ce point, c’est à nous d’emboîter le pas des Mages et de leur histoire étrange.
 
Rappelez-vous (v.9-10) : « l'astre, qu'ils avaient vu à l'Orient, […] vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant. À la vue de l'astre, ils éprouvèrent une très grande joie. » « De Jacob monte une étoile » avait dit Balaam. Arrêtée au-dessus de l’enfant, l’étoile est le signe de sa provenance, céleste. Cet enfant vient des cieux à notre rencontre, sur nos chemins, même tortueux comme celui des Mages païens ; avec nous mystérieusement, comme la trace d’une étoile, jusqu’à ce carrefour où s’arrête l’étoile et où l’on repart « par un autre chemin ».
 
Un chemin d’humilité : voilà des Mages arrivés dans la ville royale, Jérusalem, s’attendant au palais d’Hérode — et qui se retrouvent dans un village pauvre. Les voilà qui, loin des honneurs royaux, repartent en catimini, dans l’humilité. C’est la leçon qui nous est donnée aussi : on rencontre le Messie dans l’humilité, une humilité qui seule élève : où peut-être les Mages seront perçus à juste titre comme des rois, représentant les continents lointains — d’une royauté qui n’est pas celle des vanités humaines…
 
Un autre chemin. L’enfant était l’étoile, il est désormais le chemin. Nous n’avons pas eu le cheminement des Mages. Nous avons eu chacun les nôtres, ceux de nos espérances, de nos étoiles confuses, de nos religiosités, de nos soucis, de nos fardeaux, jusqu’à l’enfant, qui mystérieusement, nous a guidés et accompagnés jusque là. À présent l’étoile s’arrête, dévoilant l’enfant, nouveau chemin, lumineux, où nous sommes à présent envoyés avec lui... « un autre chemin ».





R.P.
Antibes 07.01.07
et 08.01.07 (AEF)

     



11:05 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

01 janvier 2007

2007...






Pour une année bénie…
   

 

 

 

 

 

 

 


« Nous avons vu

son étoile apparaître

et nous sommes

venus l’adorer. » (Matthieu 2, 2)

 

 

 

(Photo Northwest Territories Tourism)

       

10:30 Écrit par rolpoup dans Silence & paroles | Lien permanent | Commentaires (0)

26 décembre 2006

Noël

 

 

 

 

 

Né à Bethléem

  

 

 

 

(Paul Klee – Il gardino del Tempio)

 

 

Matthieu 2, 1-12
1  Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2  et demandèrent: "Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage."
3  A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4  Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.
5  "A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète:
6  Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda: car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple."
7  Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait,
8  et les envoya à Bethléem en disant: "Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage."
9  Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.
10  A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.
11  Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
12  Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.
 



*


(Cf. 1ère partie - 24.12.06)

Humble lumière de Bethléem. Une lumière qui resplendit pourtant jusqu’aux confins du monde…
 


*


Les Mages la perçoivent, en signe : une étoile. Signe confirmé, et corrigé, peut-on dire, par la prophétie biblique : ce sera Bethléem, tandis que les Mages avaient pensé : Jérusalem.

Puis ensuite, c'est un ange, perçu en songe, qui dévoile aux Mages l’importance de cet enfant, qui va entraîner avant même d’avoir grandi, des troubles politiques ; ange à nouveau, après qu’ait été dévoilé à Joseph de la même façon son rôle dans la venue de ce Messie.

Rêve prophétique, comme celui de tous les prophètes bibliques, rêve prophétique comme celui d’Adam découvrant celle qui est chair de sa chair. Pour Joseph, il découvre que Marie est celle qui lui a été donnée de la même façon, et par lequel il devient le premier témoin de la venue du salut.

Pour les Mages, comme pour Joseph, l’ange confirme la prophétie biblique : précédant le songe, le rêve prophétique, c’est la prophétie biblique qui est la lumière des premiers témoins de ce qui s’est passé en Marie — premiers témoins : Joseph, puis les Mages.
 


*


Voilà donc qu’arrivent des Mages d’Orient. Ils vont découvrir cela eux aussi. L’étoile qu’ils ont vue, selon leur sagesse propre, ne saurait dire ce qu’est le message de Noël. Elle les conduit, non pas à une affirmation, mais à une question : « Où est le roi des Judéens qui vient de naître? ».

Quand Dieu écarte toute initiative humaine, comme il a écarté l’initiative de Joseph dans la naissance de Jésus, on ne saurait être que questions. Les Mages ne viennent pas avec leurs réponses et leurs certitudes. Ici on ne sait pas, on ne sait plus, c’est Dieu qui ouvre des chemins inconnus, ces chemins inconnus par lesquels repartiront les Mages : « divinement avertis en songe, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin » (v. 12).

Ici les Mages ne savent et ne peuvent savoir qu’une chose : « Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus l’adorer ». Comme Joseph et les Mages, nous ne pouvons rien à ce cadeau qui nous est fait — rien qu’adorer. Sa lumière a brillé jusqu’à nos confins. Humble lumière, comme celle qui maintenait l’espérance dans le Temple et qui deviendra rayonnement universel dans le Temple de son corps qui se bâtit ici pour toutes les nations.

Si nous avons compris, comme les premiers témoins, avec Joseph, puis les Mages, que Dieu seul prend l’initiative, alors nous pouvons à notre tour, nous en retourner par un autre chemin, celui de sa paix. Oui nous pouvons entrer dans sa paix. Le message de Noël est au-delà de nos intelligences, de notre compréhension, et c’est par cela que Dieu nous sauve.

Nous aussi pouvons dire et chanter à présent : « Nous avons vu son étoile apparaître et nous sommes venus l’adorer .»



R.P.,
Antibes, 25.12.06




Luc 2, 13-15
13  […] il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, qui louait Dieu et disait:
14  Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée!
15  Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux: "Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître."

Matthieu 2, 1b-6
1  … Des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2  et demandèrent: "Où est le roi des Judéens qui vient de naître? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage."
3  A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4  Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.
5  "A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète:
6  Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs — lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple."



*


Le tournant de notre histoire a lieu lorsque les yeux s’ouvrent sur ce qui semblait petit. À un bout une crèche, une mangeoire pour animaux ; puis, à l’autre bout, apparaîtra une croix — dressée vers le ciel… et qui mène à la crèche.

Jésus avait dit de la croix qu’il y serait « élevé de la terre ». Il parlait de son élévation dans les cieux depuis le moment où il devient le plus insignifiant, le plus petit pour les hommes. Mais c’est par là qu’il se dévoilera ainsi comme présent, en tous lieux, et présent auprès de nous, avec nous : « quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12:32).

C’est lui, le Ressuscité, qui dira ainsi : « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Mais comment savons-nous cela ? Eh bien, cela commence tout petit. C’est ce qu’ont découvert anges, Mages, et bergers.

Cette présence que nous ne pouvons pas atteindre nous est donnée, nous est devenue proche, offerte en un enfant ; qui ne se voyait pas.

N’y avait-il pas là de quoi faire louper cette vérité de la présence de Dieu à un ange, un Mage, ou un berger ? Ne cherchaient-ils celui que les cieux ne peuvent pas contenir — dans quelque chose de glorieux, d’évidemment glorieux, plutôt qu’en un lieu apparemment insignifiant ?

Les Mages vont à Jérusalem, ville royale, pas dans un village campagnard ! Et la prophétie les envoie en ce petit lieu : Bethléem.

N’y a-t-il pas là pour un Mage de quoi se dire : « des richesses, de l’or en présent pour un signe si insignifiant : un enfant pauvre, dans un pauvre village » ? Ne serait-il pas bien venu d’en garder un peu, de cet or — pour en faire meilleur usage !

Et pourtant c’est là et nulle par ailleurs que nous est donnée cette présence sans cela inaccessible, et qui vaut que l’on donne tout. C’est là que ce qui nous apprend et qui nous donne la présence du glorieux.

Et les bergers… Nous les avons entendus après la parole de l’ange : « Allons donc jusqu’à Bethléem ». N’y a-t-il pas là de quoi, comme les Mages, se dire en arrivant : « c’est tout ? — Un enfant pauvre dans la paille ? »

Et où les simples élargissent un sourire attendri, n’est-on pas tenté d’offrir une moue perplexe : « non, le Dieu éternel est dans les cieux, pas ici ! » Eh si, c’est là qu’il s’est rendu présent, avec nous — comme il le dira plus tard : tous les jours, jusqu’à la fin des temps.
Là présent, dans la paille — à Bethléem, pour nous faire découvrir sa présence dans une humble fragilité.

Bergers ou Mages, les hommes ne sont bien sûr pas seuls à être fondés à douter : les anges même ont de quoi douter ! — « Ne célébrons-nous pas Dieu dans la gloire céleste, nous autres anges ? » Or, il n’y a pas d’autre don de la présence universelle, même pour les anges, qui désirent y plonger leur regard, qu’à Bethléem.

La louange immense est ainsi donnée à Dieu en ce qui est donné petit ; notre louange commence à Bethléem avec celle des anges. Et c’est ici que notre sourire devient possible. Et c’est ici que donner devient possible.

Qui de nous humble berger, ou même riche Mage, voire même ange glorieux, atteint à l’immensité des cieux ? Alors l’immensité des cieux, dans la parole qui les a posés, nous a rejoints — qui permet enfin la louange : « Quand je regarde tes cieux, ouvrage de tes mains, La lune et les étoiles que tu as établies — Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui ? » (Psaume 8, 4-5).

Il nous a rejoints, en réponse à cette question pour louange — louange qui se fonde ainsi dans le simple sourire d’un berger, et qui nous ouvre avec les Mages, au don — même humble, pour commencer.

« Qui donc a méprisé le jour le jour des petits commencements ? » (Zacharie 4 :10).

C’est là que tout nous est donné ! En ce petit commencement qui conduira à l’élévation aux cieux, de celui que les cieux des cieux ne peuvent contenir. Il est donné là, aujourd’hui, sans sa fragilité.

Col 1, 15-20a :
15  Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création.
16  Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui.
17  Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui.
18  Il est la tête du corps, de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier.
19  Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
20  et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, [...].



R.P.
Antibes, veillée — 24.12.06





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