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25 décembre 2006
4e dimanche de l'Avent
EMMANUEL
(Kandinski – Improvisation n°19)
Matthieu 1, 18-25
18 Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint.
19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement.
20 Il avait formé ce projet, et voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit saint,
21 et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés."
22 Tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :
23 Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : "Dieu avec nous".
24 À son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit: il prit chez lui son épouse,
25 mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.
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Nous célébrons à Noël celui s'est bâti dans le sein de la Vierge Marie, sans l'intervention de l'homme, un Temple, un Tabernacle, par lequel sa lumière demeure perpétuellement au milieu de nous (Jean 1).
Comme l’on sait, Matthieu et Luc sont les deux seuls auteurs du Nouveau Testament à donner un récit de la naissance de Jésus. Si Luc nous place pour cela dans la proximité de Marie, Matthieu s'intéresse plus particulièrement à Joseph. À travers un portrait attachant qu’il trace de cet homme — comme père de Jésus, tout en n'en étant pas le géniteur, — transparaît que Dieu seul a l'initiative.
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Le hasard — faut-il l’appeler ainsi ? — ; le hasard des calendriers liturgiques fait que ce temps d’hiver et des fêtes de la lumière, fasse correspondre Noël et la fête juive de Hanoukka.
La fête de Hanoukka, ou de la Dédicace, mentionnée en Jean 10:22, et que le judaïsme célèbre jusqu'à nos jours, commémore la purification du Temple qui avait eu lieu après sa profanation par Antiochus Epiphane, lors de l'occupation grecque, au temps des Maccabées (cf. 1 M 4 ; 2 M 10). Selon la tradition juive, Dieu pourvoyait miraculeusement à l'huile nécessaire pour que brille la lumière du chandelier du Temple.
Et nous nous rappelons aujourd’hui comment s'est bâti un Temple, le corps du Ressuscité. Et comment cette parole de salut germe comme petit enfant — parole engendrée dans le sein de la Vierge Marie, sans l'intervention de l'homme. Dévoilement d’un Temple, par lequel sa lumière demeure perpétuellement au milieu de nous.
Le dilemne de Joseph
En abordant le récit évangélique, il convient de se défaire des considérations gynécologiques voulant expliquer, ou refuser parce qu’inexplicable, l’éblouissement de l’Incarnation. Évidemment que c’est incompréhensible et inexplicable ! Mais précisément, comme celui de la Genèse n’est pas un traité de paléontologie, les récits de l’enfance du Nouveau Testament ne sont pas des traités de gynécologie. Je vous propose donc d’aborder le récit selon ce qu’il veut être…
Le texte ne nous disant pas comment Joseph savait que Marie était enceinte par l'action du Saint Esprit —, on imagine qu’il suggère qu'à un certain point de la grossesse, il commençait à se poser des questions sur l'embonpoint croissant de sa fiancée. Puis à acquérir des certitudes.
Passant sur ce comment de l'acquisition de ces certitudes, le texte nous présente Joseph au moment où il envisage de prendre des résolutions : rompre secrètement — car il était un homme de bien, nous dit l'Évangile.
Pour signaler la gravité de la chose, rappelons qu'à l'époque, les fiançailles étaient un contrat que l'on ne rompait pas. C'était déjà un mariage, en quelque sorte, une rupture étant donc comme un divorce. Et il était inconcevable qu'avant le mariage proprement dit, le fiancé « connût » sa promise.
D'où le problème qui se pose à Joseph : s'il ne rompt pas, on va le soupçonner lui ; et naturellement, il n'était peut-être pas non plus forcément enthousiaste à l'idée d'épouser une femme apparemment si prompte à le tromper. Et s'il rompt, il expose Marie à l'opprobre public, et par là-même à un avenir des plus sombres : ce qu'il préfère lui épargner.
Joseph envisage donc une voie moyenne : la rupture secrète. C'est un ange, perçu en songe, qui le retient de mettre son projet de rupture à exécution et le rassure sur la probité de Marie. (Joseph nous sera souvent montré dans son sommeil — trois fois — rencontrant des anges. Avec l'avertissement onirique des Mages, cela fait quatre rêves angéliques en deux chapitres.) Le songe est le lieu de communication entre notre monde et les mondes supérieurs. Et Joseph doute d'autant moins de la parole angélique qu'il est vraisemblablement prêt à faire confiance à Marie.
L'initiative divine
A cela s'ajoute son espérance de la venue prochaine d'un Messie, sauveur du peuple. Et voilà que c'est à lui qu'il est confié. Le nom de Jésus — Dieu sauve —, répandu à l'époque, qu'il devra donner à l'enfant, ne peut qu'avoir aussi pour effet de rassurer Joseph...
Ainsi Joseph, à son réveil, obéit à la vision angélique. Et, selon le texte, ayant pris Marie dans sa maison, ce en dépit des ragots inévitables, il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle ait enfanté.
On déduit souvent de ces paroles qu’elles indiqueraient, ou voudraient impliquer, que Joseph la "connut" après, et que les frères de Jésus mentionnés ailleurs sont des fils des Marie — ce que certes ces autres textes n’entendent pas nier ! Signalons simplement par parenthèse que, faisant leur la position devenue alors classique depuis st Jérôme (Ve s.), commune de leur temps, les Réformateurs, Calvin comme Luther, défendaient la virginité perpétuelle de Marie !
Pour ce qui en est de notre texte, il reste, en deçà des autres textes parlant des frères et sœurs de Jésus, qu’il ne faut pas entendre la non-rencontre sexuelle du couple jusqu'à l'enfantement comme une indication du fait qu'une union sexuelle des conjoints aurait eu lieu après, mais plutôt comme un soulignement du fait que l'enfantement de Jésus ne doit rien à Joseph ! On pourrait le dire ainsi : Joseph ne connut pas Marie de telle sorte que finalement, elle enfanta selon Dieu… Pas plus. Bref : ne façon de nous dire que Dieu écarte toute initiative humaine dans la venue au monde du Messie.
L'accomplissement de la prophétie
C'est ce que confirme la citation d'Ésaïe 7 comme prophétie accomplie de la naissance du Messie. Car l'usage qui en est fait, plein de richesses paradoxales, va aussi dans le sens de la liberté d'initiative qui est celle de Dieu dans le salut de son peuple.
Le texte hébreu, ne parle pas d'une vierge, mais d'une "jeune fille". Le mot, almah, peut désigner une vierge, mais n'est pas le terme technique pour ce faire. C'est la version grecque des LXX, que reprend Matthieu, qui a traduit ce mot par "vierge".
Or sachant qu'un prophète n'est pas un devin, il est improbable, qu'ayant employé ce mot, Ésaïe ait pensé à une vierge. Pour lui il s'agit d'un signe adressé au peuple de Juda de son temps et au roi Akhaz, pour les rassurer quant à la menace que fait peser l'alliance d'Israël, royaume hébreu du Nord, et de la Syrie, contre Juda. Le signe est alors le nom d'un enfant à naître dans l'entourage royal, Emmanuel — signifiant Dieu avec nous. Ésaïe use de ce nom pour dire à Akhaz que Dieu n'a pas abandonné Juda, et qu'avant que l'enfant soit adulte, la menace israëlo-syrienne aura cessé, dans une promesse ambiguë — comme ce nom qui semble forcer Dieu, que la jeune fille donne à son enfant, — promesse ambiguë puisque Juda connaîtra alors la menace assyrienne par laquelle le danger précédent aura été écarté.
Quant à la jeune fille, par elle le signe en question prend sa valeur incontournable : il s'agit probablement d'une jeune fille dont on ne s'attend pas à la voir enfanter — peut-être une des raisons, entre autres, de la traduction, "vierge", de la Bible des LXX. Mais cela ne nous dit pas ce qu'il en était.
Signe ambigu de toute façon, et c'est là qu'est tout l'intérêt de la relecture de cette prophétie par Matthieu, qui va dans le même sens que celui de la mise à l'écart de Joseph par le Dieu libre de ses initiatives. Dans le texte d'Ésaïe, le nom donné à l'enfant marque une vraie présomption face à Dieu : un Dieu que l'on fait venir au milieu de nous, fût-ce par des pratiques religieuses, un Dieu que l'on décrète être au milieu de nous, est une idole.
C'est là qu'est le puissant signe de l'accomplissement de la prophétie que nous signale Matthieu. Ici Dieu écarte toutes nos initiatives, qui ne sauraient qu'être sacrilèges, il place dans le monde, au milieu de nous, le Messie, le Sauveur, sans que l'homme n'y puisse rien. Et c'est alors seulement que Dieu, et non telle ou telle idole que l'on s'en ferait, se manifeste comme Dieu avec nous.
R.P.
Vence, 24.12.06
09:20 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
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