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18 décembre 2006

3e dimanche de l'Avent






COLÈRE ET CONSOLATION











Ésaïe 12, 1
Tu diras, ce jour-là : Je te rends grâce, SEIGNEUR, car tu étais en colère contre moi, mais ta colère s’apaise et tu me consoles.

Luc 3, 7-20
7 Jean disait alors aux foules qui venaient se faire baptiser par lui: "Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient?
8 Produisez donc des fruits qui témoignent de votre conversion; et n’allez pas dire en vous-mêmes: Nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, des pierres que voici Dieu peut susciter des enfants à Abraham.
9 Déjà même, la hache est prête à attaquer la racine des arbres; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu."
10 Les foules demandaient à Jean: "Que nous faut-il donc faire?"
11 Il leur répondait: "Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même."
12 Des collecteurs d’impôts aussi vinrent se faire baptiser et lui dirent: "Maître, que nous faut-il faire?"
13 Il leur dit: "N’exigez rien de plus que ce qui vous a été fixé."
14 Des soldats lui demandaient: "Et nous, que nous faut-il faire?" Il leur dit: "Ne faites ni violence ni tort à personne, et contentez-vous de votre solde."
15 Le peuple était dans l’attente et tous se posaient en eux-mêmes des questions au sujet de Jean: ne serait-il pas le Messie?
16 Jean répondit à tous: "Moi, c’est d’eau que je vous baptise; mais il vient, celui qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la lanière de ses sandales. Lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu;
17 il a sa pelle à vanner à la main pour nettoyer son aire et pour recueillir le blé dans son grenier; mais la bale, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas."
18 Ainsi, avec bien d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
19 Mais Hérode le tétrarque, qu’il blâmait au sujet d’Hérodiade, la femme de son frère, et de tous les forfaits qu’il avait commis,
20 ajouta encore ceci à tout le reste: il enferma Jean en prison.


*


Une humble lumière qui croît vers la délivrance qu’elle annonce ; dans les ténèbres extérieures, les ténèbres du monde, les ténèbres des tortuosités des chemins du monde. Un contraste donc, où les ténèbres s’épaississent au fur et à mesure que se dessine et se précise l’humble lumière qui reflète ici-bas la gloire de Noël.

Signe de cela, les textes de Sophonie (ch. 3, 14-20) comme celui d’Ésaïe (ch. 12) proposés à notre lecture, sont des cris de louange pour une délivrance — mais qui nous situent entre colère et consolation. C’est à nouveau ce qui est en jeu dans la prédication du Baptiste : « engeance de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? » Quiconque prêcherait ainsi aujourd’hui se verrait réserver une belle volée de bois vert de son auditoire. Voilà une prédication qu’on enrobe volontiers du sirupeux qui voudrait la dissoudre. Car on confond volontiers évangéliser et caresser dans le sens du poil…

Mais arrêtons-nous d’abord sur le texte d’Ésaïe, en nous souvenant qu’il clôt une série de textes lus traditionnellement en cette période de Noël. Précédant ce psaume de louange, ces textes « de Noël » — Emmanuel (ch. 7), la lumière qui illumine le pays des ténèbres (ch. 9), le rameau de Jessé (ch. 11) — émaillent une prophétie annonçant un péril redoutable pour le pays du prophète, la Judée — il est question de la menace des puissances syrienne et assyrienne ; tandis ce psaume de louange fait le lien avec le passage suivant, où il sera question d’une autre menace, celle de Babylone.

Menaces donc. On est dans le cadre d’une histoire chargée de dangers et de violence, où les puissants et les empires se disputent le pouvoir et piétinent les peuples. S’annoncent aussi en filigrane d’autres périls similaires… qui valent pour le temps du prophète, le VIIIe siècle avant Jésus-Christ, n’est-ce pas ? — puisque l’on admet que tout va bien, à présent, au niveau politique mondial. Quoique les passages qui suivent Ésaïe 12, eux, discernent déjà la puissance de Babylone, pourtant peu significative au temps dont parle le texte qui concerne Syrie et Assyrie. Et le Baptiste, bien plus tard, fulminera encore, pour sa part contre l’immoralité au pouvoir avec les Hérode — ce qui le conduira en prison — puis à la mort.

Quoiqu’il en soit de l’agitation et des menaces des puissances, quoiqu’il en soit des douleurs terribles que tout cela engendre, la promesse de Dieu fait son chemin — usant même des empires et de leurs menaces : l’Assyrie devient, pour le passage précédent notre psaume de louange, « le bâton de la colère de Dieu » !

Dans la prophétie d’Ésaïe, le royaume du nord d’Israël, Éphraïm — séparé de la Judée depuis le lendemain du règne de Salomon — est en passe de s’allier à la Syrie contre la Judée et Jérusalem. Une alliance redoutable. Bien faible est le peuple témoin de la fidélité de Dieu à David, face au chaos des empires. Mais rassurez-vous, il s’agit donc du VIIIe siècle avant Jésus-Christ ! — Et comme on le sait, aujourd’hui la paix triomphe…

Voilà une alliance redoutable, apparemment, que celle des puissances contre le peuple faible ; mais elle vouée à l’échec, annonce Ésaïe : le seul fondement de la Syrie, rappelle-t-il, est le résident de sa capitale, son roi, à Damas ; et dès lors, dans le cadre de ce pacte de deux rois, le seul fondement du royaume du nord est le roi résident en sa capitale, Samarie. Deux rois bien fragiles finalement, malgré les apparences, face au fondement de la Judée, l’Alliance scellée par Dieu avec David…

Pour Ésaïe, le royaume du nord, ou plutôt son roi, a fait le mauvais choix en optant pour la puissance politique de son temps plutôt que pour l’Alliance de Dieu avec David !… Même si, en attendant, la menace est réelle.

Et ici, se dessine la façon dont Dieu agit de manière toujours surprenante. Dieu délivre, de manière toujours surprenante. Les puissances sont piégées de la sorte à Noël, à commencer la famille des Hérode, qui va jusqu’au massacre de Bethléem ; une famille Hérode qui ressemble bien à cette dynastie qui s’allie avec les ennemis de Jérusalem dont parle Ésaïe.

Face à la menace que fait peser sur la Judée cette alliance d’alors entre Samarie et Damas, le prophète apporte une parole d’encouragement qui sera confirmée par un signe : un enfant naîtra prochainement — on est alors encore très loin de d’enfant de Noël : VIIIe siècle avant Jésus-Christ. On est, selon le cadre immédiat de la prophétie, dans l’entourage du roi d’alors, en place à Jérusalem. Avant que l’enfant en question alors ne sorte de l’enfance, la menace sera écartée. Telle est la promesse immédiate et le signe en question.

Pour annoncer cette naissance, un passage devenu célèbre (ch. 7, v.14) — « la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » — passage cité par Matthieu (1, 23) dans la version grecque des Septante, qui rend : « la vierge sera enceinte ». Avant cela, loin de Noël, dans Ésaïe, dans le cadre immédiat de la prophétie, l’annonce d’une naissance, comme signe, est encore ambiguë puisqu’il est en même temps question de celle de l’enfant nommé « Maher-Shalal-Hash-Baz », c’est-à-dire « Prompt-Butin-Proche-Pillage » ! — tel sera le nom du fils du prophète — en pendant d’Emmanuel…

Où, dans le cadre immédiat de l’énonciation de la prophétie, la naissance annoncée d’un enfant est signe aussi de l’ambiguïté, au moins dans un premier temps, des événements à venir. La délivrance de la Judée face à la menace de la Syrie et de Samarie qui s’y est alliée, est en effet pour le moins ambiguë ! Elle passe par l’invasion assyrienne. Et voilà donc que le chaos menace à nouveau ; faisant présager un futur immédiat lourd d’ambiguïtés — « délivrance » entre guillemets seulement. Voilà ce qu’il faut attendre des hommes et du pouvoir des hommes. Pour la vraie délivrance, il faudra un autre signe…

C’est que les nations — c’est que l’Assyrie, dans le cas précis en Ésaïe, ne perçoit pas sa vocation comme celle d’un empire libérateur de l’insignifiante Judée ! Le salut du monde en viendra disent les prophètes ? Qu’est-ce que l’Assyrie en a cure ?! Les nations n’ont que faire de la promesse de Dieu — surtout si elle doit coûter de l’humilité… du repentir ! « On en a marre de se repentir » clament-elles tour à tour. « Engeance de vipères » répond en écho le Baptiste aux pseudo-repentis occasionnels : « qui vous a appris à fuir la colère à venir ? »


*


Jean à présent : voilà un prophète qui a bien mauvais caractère ! Après tout c’est lui-même qui prêche le repentir, qui invite les foules à venir confesser leurs péchés, d’urgence, avant le jugement ! Mais nous ne sommes pas tous le roi Hérode tout de même, ou un quelconque puissant de ce monde ! Mais Jean s’adresse aussi à tout un chacun — qui à son humble mesure peut aussi faire obstacle à la venue de celui qui est la lumière du monde. Il s’agit pour chacun de pouvoir entonner le chant de louange d’Ésaïe : « Je te rends grâce, SEIGNEUR, car tu étais en colère contre moi, mais ta colère s’apaise et tu me consoles ». Et pour cela de reconnaître la légitimité de cette colère pour chacun de nous : « engeance de vipères ». Car celui qui se voit sérieusement sous les traits d'une vipère est en bonne voie.

Précisément, il a bien vu. Et justement, il est toujours temps de produire du fruit de repentance, tout de suite. Pour cela, il faut recourir à la grâce, par la foi c’est-à-dire avec confiance, en fonction d'une désespérance de soi-même dans l'exil loin de Dieu. On ne voit que brouillard et désespérance. Effectivement tout cela est désespérant : je suis impur et pécheur, au milieu d’un monde pécheur, disait Ésaïe au début de la même prophétie (ch. 6) — le chaos menace ; malheur à moi. Il n’y a alors qu’un recours : repentir, retour à Dieu.

On voit aussi combien cela ne s’exige pas. Cela se fonde sur la prise au sérieux de la Loi de Dieu, qui révèle la culpabilité ; et qui met le doigt sur la cause de cet exil dont Dieu promet la fin dans le Messie — cause productrice du chaos contre lequel prophétisait Ésaïe.

C'est là ce que Jean le Baptiste nous invite à méditer : la justice sera établie, « les collines abaissées et les vallées comblées » ; c’est-à-dire : les fiers seront humiliés et les humbles seront relevés. La Loi est l'instrument de cette justice : qui la transgresse connaît le jugement dont l'exil loin de Dieu est déjà l'expression, jugement impitoyable. Or, tous la transgressent : « engeance de vipères » dit le Baptiste à ces enfants d'Abraham, qui ont tout pour être fiers de leur passé et refuser la « tyrannie de la repentance » — ce refus tant à la mode. Jean, lui, dit clairement qu'il n'y a ni excuse, ni exception face à cette exigence de prise au sérieux de la Loi, c’est-à-dire de repentir, de conversion, de retour à Dieu.


*


Alors s’annonce Noël ; qu’après celui du livre d’Ésaïe — c’était un signe ambigu celui-là — c’est d’un autre enfant qu’il devra être question pour que vienne la délivrance ; pour que la délivrance promise au milieu des tempêtes et des violences des nations, et de nos tempêtes et nos brouillards, vienne enfin — sur des chemins préparés par la repentance.

Revenons à Ésaïe : après l’avertissement contre le royaume du nord qui s’est allié à la Syrie contre la Judée et qui connaîtra les affres de l’invasion assyrienne, voilà pour le peuple du nord une grande promesse — qui vaut aussi pour la Judée : Ésaïe annonçait la réconciliation future autour d’un descendant de David, héritier du trône de Jérusalem. Promesse surprenante, concernant le peuple du nord, que cette annonce d’un grande lumière resplendissant sur lui — pour annoncer sa réconciliation avec la Judée de David. Dans la suite des temps, on se saisira de cette promesse pour y reconnaître la figure de Jésus.

Jésus, Galiléen — du nord donc — et fils de David à la fois… Où l’on a reconnu ce rameau de Jessé, le père de David, qui est donné à présent comme racine de la future réconciliation de tous autour de Jérusalem. Un roi juste en Judée sera la garantie de la paix universelle.

Il reste encore du chemin à parcourir. Le temps promis n’adviendra pas sans qu’il n’y ait eu, entre temps, bien des difficultés dues à la tortuosité des hommes, et contre lesquelles fulmine encore le Baptiste. Mais le jour de la justice pointe déjà. Une justice qui promeut ainsi la paix de loin en loin pour un rayonnement universel depuis la Judée et Jérusalem et son roi venu comme David, de Bethléem.

Mais — Philippiens 4, 4-7 : — « (5b) Le Seigneur est proche. (6) Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute occasion, par la prière et la supplication accompagnées d’action de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. (7) Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus Christ. »

Après les épreuves — tant la menace des puissances et des empires, que de toutes les conséquences du péché, qui coûte tant de catastrophes ! — au-delà de ces temps difficiles, s’annonce dans le chant d’Ésaïe 12, un temps de consolation, un temps de paix et de bonheur. Un temps de réconciliation du peuple divisé, aussi, autour de la dynastie légitime restaurée à Jérusalem — cela pour le bien de toutes les nations :

Ésaïe 12 :
1 Tu diras, ce jour-là : Je te rends grâce, SEIGNEUR, car tu étais en colère contre moi, mais ta colère s’apaise et tu me consoles.
2 Voici mon Dieu Sauveur, j’ai confiance et je ne tremble plus, car ma force et mon chant, c’est le SEIGNEUR ! Il a été pour moi le salut.
3 Vous puiserez de l’eau avec joie aux sources du salut
4 et vous direz ce jour-là : Rendez grâce au SEIGNEUR, proclamez son nom, publiez parmi les peuples ses œuvres, redites que son nom est sublime.
5 Chantez le SEIGNEUR, car il a agi avec magnificence : qu’on le publie par toute la terre.
6 Pousse des cris de joie et d’allégresse, toi qui habites Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !


 

R.P.,
Antibes, 17 décembre 2006





09:10 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

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