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27 novembre 2006
À l'approche de Noël
Noël : de l’éternité à la crèche
Dieu est très proche de nous, nous sommes loin de lui. Alors il s’est approché de nous : c’est Noël.
*
Un chrétien anglican du XXe siècle, C.S. Lewis, l’auteur de Narnia, a écrit un essai qui s'appelle « Le Mythe devenu Fait ».
À Noël, le mythe devient réalité. Qu’est qu’un mythe ? — C’est une histoire imaginaire qui porte des vérités. Le mythe de Noël le plus connu est celui du Père Noël. Qu’est-ce qu’il dit ce mythe ? — Qu’il est possible de donner secrètement et gratuitement, par amour.
Nous avons entendu il y a un mois, un autre mythe, intitulé « le Mythe de la Caverne », écrit par Platon : un homme venu de la lumière descendait dans la nuit d’une caverne pour y porter la lumière aux hommes dans la nuit.
Ce mythe est devenu réalité à Noël : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean 3, 16). C’est le grand cadeau de Noël. Dans la nuit de notre hiver — pensez à l’hiver perpétuel du mythe de Narnia — descend celui qui est la lumière du monde.
Un chrétien célèbre qui vivait aux IV-Ve siècles, connaissait bien les livres de Platon. Ce chrétien s’appelait Augustin, plus connu comme saint Augustin.
Voici ce qu’écrit Augustin — Confessions, livre VII, ch. 9 — :
« Dans plusieurs livres platoniciens, j’ai lu, non en propres termes, […] "qu’au commencement était la Parole ; que la Parole était en Dieu, et que la Parole était Dieu; qu’elle était au commencement en Dieu, que tout a été fait par elle et rien sans elle : que ce qui a été fait a vie en elle ; que la vie est la lumière, des hommes, que cette lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise." Et que l’âme de l’homme, "tout en rendant témoignage de la lumière, n’est pas elle-même la lumière, mais que la Parole de Dieu, Dieu lui-même, est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ;" et "qu’elle était dans le monde, et que le monde a été fait par elle, et que le monde ne l’a point connue. Mais qu’elle soit venu chez elle, que les siens ne l’aient pas reçue, et qu’à ceux qui l’ont reçue elle ait donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu, à ceux-là qui croient en son nom ;" c’est ce que je n’ai pas lu dans ces livres. J’y ai lu encore : "Que la Parole-Dieu est née non de la chair, ni du sang, ni de la volonté de l’homme, ni de la volonté de la chair ; qu’elle est née de Dieu." Mais "que la Parole se soit faite chair, et qu’elle ait habité parmi nous (Jean, I, 1-14)," c’est ce que je n’y ai pas lu. »
À présent, en Jésus, à Noël, le mythe est devenu fait.
Le même Augustin pourra alors dire : « Deus intimior intimo meo » — ce qui veut dire : Dieu est plus proche de moi que je ne suis proche de moi-même.
Dieu est très proche de nous, nous sommes loin de lui. Alors il s’est approché de nous : c’est Noël.
R.P., KT, Antibes, 25.11.06
08:35 Écrit par rolpoup dans Pause caté | Lien permanent | Commentaires (0)
13 novembre 2006
L'offrande de la veuve
que tous les autres..."
Marc 12, 35-44
35 Prenant la parole, Jésus enseignait dans le temple. Il disait: "Comment les scribes peuvent-ils dire que le Messie est fils de David?
36 David lui-même, inspiré par l’Esprit Saint, a dit: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Siège à ma droite jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis sous tes pieds.
37 David lui-même l’appelle Seigneur; alors, de quelle façon est-il son fils?" La foule nombreuse l’écoutait avec plaisir.
38 Dans son enseignement, il disait: "Prenez garde aux scribes qui tiennent à déambuler en grandes robes, à être salués sur les places publiques,
39 à occuper les premiers sièges dans les lieux de culte et les premières places dans les dîners.
40 Eux qui dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement, ils subiront la plus rigoureuse condamnation."
41 Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l'argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup.
42 Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes.
43 Appelant ses disciples, Jésus leur dit: "En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc.
44 Car tous ont mis en prenant sur leur superflu; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre."
*
« Assis vis-à-vis du tronc, Jésus regardait comment la foule y mettait de l'argent ». Voilà de quoi comprendre concrètement comment Jésus dérange. Imaginez Jésus en train de se pencher sur le panier d'offrandes et de regarder combien vous mettez ! Eh bien, c'est exactement ce qui se passe au moment de l'offrande ! Jésus est vivant, il est au milieu de nous, son regard s'abaisse sur nous. Et il nous le rappelle : « Ton Père qui voit dans le secret » voit aussi le secret de ton aumône (Mt 6:4).
Prenons toutefois garde à ne pas faire de ces textes des armes à culpabiliser en en déplaçant le sens. Ceux à qui s'en prend Jésus sont ceux qui font de l'exhibition en s'arrangeant pour que tous sachent combien ils sont pieux et quelle belle offrande ils donnent : « ils ont déjà leur récompense », nous dit-il. Et il donne en exemple la veuve — c’est-à-dire à l’époque, sans ressources financières — qui vient de mettre quelques piécettes ; elle veuve spoliée, finalement, en quelque sorte, par les donneurs de leçons de piété, en ce sens qu’elle donne en fait beaucoup, puisque cela empiète sur son nécessaire, son minimum vital : « gardez-vous des scribes... ils dévorent les maisons des veuves et font pour l'apparence de longues prières. Ils subiront une condamnation particulièrement sévère » (v.38, 40). Et ils font, aussi « pour l'apparence », de belles offrandes (c'est qu'ils ont les moyens, contrairement à la veuve) : ils ont déjà leur récompense. C'est contre cela que Jésus intervient : pour toi « que ton offrande se fasse dans le secret », « que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite », ce qui ne signifie pas un retour à la case départ ! Jésus lui-même, n'en regarde pas moins dans le panier d'offrandes, mais lui seul.
*
Il faut, pour éclairer le propos, se rappeler le sens précis du mot « aumône » dans la tradition biblique. Le terme traduit ainsi renvoie au mot hébreu signifiant « justice ». L'aumône devient la restitution d'un équilibre qui a été rompu. La richesse, sous l’angle où elle est productrice de déséquilibres, est mal notée par les auteurs bibliques. Nous avons trop facilement tendance à tempérer leurs propos en distinguant plus ou moins arbitrairement bonne et mauvaise richesse. En fait la richesse devient mauvaise, si elle n'est pas purifiée par l' « aumône », par la justice, qui corrige le déséquilibre qu’elle produit naturellement, puisqu’il est dans sa nature de croître exponentiellement (voir la parabole des talents). Et c’est même en cela qu’elle est signe de bénédiction ! Mais à terme cela mène au déséquilibre si ce n’est pas purifié par l’ « aumône » qui ne signifie rien d’autre que la « justice ».
C'est pourquoi il est abusif que l'on trouve dans nos traductions de la Bible des introductions de paragraphes nous annonçant, par exemple : « la parabole de Lazare et du mauvais riche » ! Ce faisant, on nous laisse loisir de ne pas en percevoir le message : nous sommes de bons riches n'est-ce pas ? Le texte parle du riche tout court.
Ne pas le voir est pour nous tout simplement une façon subtile de nous masquer qu'il est un certain déséquilibre, accepté, jugé normal ou fatal, mais qui relève tout simplement du péché. « Malheur à ceux qui ajoutent champ à champ » criait le prophète — ce qui est pourtant censé être signe de bénédiction ! Exemple concret, pourtant, de la liberté devenant celle du plus fort d'opprimer le plus faible. Où l'accumulation des uns spolie les autres.
La question que pose la Bible à travers la dénonciation de l'accumulation a pris de nos jours la taille d'un problème qui atteint des proportions internationales aux conséquences considérables, internationales elles aussi.
Exemple : nous savons que nos villes et les écoles que fréquentent nos enfants sont des lieux de vente de drogue. Quel rapport, me direz-vous ? Eh bien, le voici : de nombreux pays du sud sont endettés au point de devoir consacrer l'essentiel de leurs ressources au remboursement des intérêts de leur dette, cela au déficit de leurs dépenses de santé ou d’éducation par exemple. Combien le poids de la dette entraîne-t-il de morts ? Combien d’illettrisme avec ses conséquences funestes à long terme ? Le rapport avec la drogue dans nos rues ? — me direz-vous. Eh bien c'est que — ce n’est pas un scoop — pour certains paysans d'Amérique latine par exemple, ou d’Asie, l'offre des cartels de la drogue leur proposant d'employer leurs champs à cet effet ressemble à une solution. Non que ce soit une excuse ! Mais c’est une vraie tentation. Et le produit de leur récolte se retrouve dans les cours de nos écoles. Voila comment un usage abusif du droit des plus riches fait retour de plein fouet. « Remets-nous nos dettes comme nous remettons à nos débiteurs », prions-nous.
Tout cela est troublant, certes. Et c'est tout simplement la réalité de notre monde. Alors, que faire ? En premier lieu, dans la Bible, la richesse nous est accordée par Dieu comme à ses gestionnaires. La terre lui appartient à lui. Sur la terre, chacun ses dons. Celui qui a plus a en quelque sorte le don de gestionnaire. C'est-à-dire que ce qu'il a reçu lui a été donné pour le service d'autrui, pour contribuer à ordonner les choses selon un équilibre dont la perte nous mène tous ensemble au malheur.
Et l’Église dans tout cela ? Avec ce récit d’offrande de la veuve… Eh bien c’est que l’institution du Temple en son temps, l'Église ensuite, ont été données au monde aussi comme instrument de rééquilibrage ; et ça se vérifie souvent concrètement.
*
Revenons-en donc aux scribes et à la veuve. Cela pour dire que, l'habitude de la transgression aidant, les plus faibles en viennent à penser que leur situation relève de la fatalité, et qu'elle est donc normale et légitime. Peu de doutes pour la veuve que la richesse exorbitante de ses prochains riches — les choses et la loi de l'argent étant ce qu'elles sont —; peu de doutes pour elle que, finalement, il n'y a là que fruit de justice et de sain labeur. Et la voilà qui peut-être admire les belles offrandes, ces gouttes dans la mer de leur aisance, qui dépassent son minimum vital à elle.
Si la Bible prévoit la même contribution pour tous — en pourcentage : la dîme ; sa dîme à elle, ses quelques centimes, la dîme de ce qu'elle a pour vivre semble peu.
Et pourtant non seulement ses quelques centimes ne sont pas moins que la grosse dîme de ceux qui sont plus aisés — et qui ne sont pas mauvais pour autant — ; mais, dit Jésus, ces quelques centimes sont plus ! Car, on l’a entendu, ils portent atteinte à son nécessaire ; leur grosse dîme à eux, qui est proportionnellement équivalente, et qui est apparemment, et numériquement, bien plus impressionnante, n'atteint en fait que leur superflu.
Aussi, pas de quoi pavoiser en faisant l'aumône — à savoir la justice — ! Pas de quoi pavoiser, pour les scribes, au moment de l'offrande. Au mieux, elle est normale. À l’instar de la dîme qui relevait de la Loi, en vue donc, de la restitution naturelle d'un équilibre déstabilisé — par le péché ; — « vous aurez toujours les pauvres avec vous », rappelle Jésus. (Et l’aumône biblique est à l’origine de nos modernes caisses de sécurité sociale et de solidarités diverses.) Pas de quoi s'enorgueillir donc, d'un geste dont le fruit n’est, le cas échéant, que restitution d’une infime partie de ce qui fait la pauvreté des veuves. Autant de raisons pour lesquelles Jésus réclame le secret de l'offrande. Dieu sait et voit. C'est là l'usage légitime de la Loi : pas pour se faire valoir.
Cela dit, l'offrande, si elle doit être secrète, n'en est pas moins institution divine. Il ne faudrait pas déduire de ce que Jésus peste contre l'offrande des exhibitionnistes du portefeuille que la dîme et la pratique de l'aumône, de « la justice », sont abolies. Mise au secret n'est pas abolition.
Une des voies est peut-être encore et à nouveau le sens de la gratuité qui nous échappe si facilement, d’autant plus que nous vivons dans le monde du profit à tout prix. Où il s’agit d'apprendre à ne pas faire du profit l'idole de nos vies, le Mammon qui nous prive de la vraie liberté. Simple test : notre prière est-elle digne d'une interruption de notre travail ?
Où il est question de l’Évangile qui libère de la peur de manquer. Et où la culpabilisation n’arrange évidemment rien, et est sans doute révélatrice d’un problème assez commun.
Ce problème est que dans ce domaine-là, dont on ne parle pas, et donc, où l’Évangile de la libération et du pardon passe peu. Il s’agit de l’avarice comme captivité, fruit d’une peur, d’un manque de foi.
En ces termes : « Dieu pourvoira-t-il à mon lendemain ? Alors au cas où, je m’assure moi-même, je thésaurise ». Or, voilà une attitude assez commune. Qui n’a pas été l’attitude de la veuve. Et donc Jésus loue aussi sa rareté : elle n’a pas craint de donner de son nécessaire. Cela contre l’attitude assez commune de thésauriser que l’on pardonne donc peu aux autres. L’avarice suscite peu la compassion, et pourtant elle est souffrance.
C’est ce qui me fait dire que l’Évangile du pardon libérateur est peu passé dans ce domaine. On a peu reçu de pardon sur un domaine où l’on a peu confessé, et où donc on pardonne peu. « Celle à qui il a été beaucoup pardonné a beaucoup aimé », dit ailleurs Jésus, d’une autre femme.
C'est peut-être là la source de l'offrande, du don : recevoir le don, le pardon, de Dieu pour notre manque de foi, qui nous fait — et thésauriser, et être sévères sur la pingrerie des autres, qui n’est jamais qu’une autre captivité qui demande aussi libération !
Où il s’agit de découvrir une autre richesse, juste celle-là : « Apportez la dîme... mettez-moi ainsi à l'épreuve, dit Dieu, et vous verrez si je n'ouvrirai pas pour vous les écluses du ciel, si je ne déverse pas sur vous la bénédiction au-delà de toute mesure » (Ml 3:10).
*
Pour illustrer ce texte et terminer sur une note encourageante, voici une petite histoire rapportée il y a quelques années par un pasteur de ce qui était alors l'Allemagne de l'Est (Richard Wurmbrand) : « un rabbin avait mis de côté 200 pièces d'or comme dot de sa fille pour le jour où elle se marierait. Il avait un serviteur, qui quelque temps avant le mariage de la jeune fille, partit ouvrir un petit commerce dans une ville voisine. Comme le jour du mariage de sa fille approchait, le rabbin ouvrit le tiroir pour en retirer les pièces d'or. Et voici qu'elles avaient disparu. Les soupçons de la famille se portèrent sur le serviteur devenu commerçant. Le rabbin avait pourtant confiance en son ancien serviteur. Mais sur l'insistance de ses proches, il alla le trouver et lui dire les soupçons qui pesaient sur lui. Le serviteur ne protesta pas et il dit : c'est bien moi le voleur, et donna 200 pièces d'or au rabbin, ce qui réduisit ses économies à zéro. Mais voilà que quelque temps après, on découvrit le vrai voleur. Le rabbin retourna donc voir son ex-serviteur pour lui demander des explications. Celui-ci lui répondit : "J'ai vu votre tristesse et celle de votre fille. J'étais prêt à vous donner tout mon argent pour compenser la perte, mais je savais que vous n'accepteriez pas ce sacrifice de ma part. C'est pourquoi je me suis fait passer pour le voleur". Le rabbin le bénit et dit : "Que Dieu vous récompense de cet acte en vous donnant de grandes richesses, ainsi qu'à vos descendants". » C'est là une histoire vraie nous dit le pasteur qui la rapporte ; le serviteur du rabbin s'appelait Rothschild.
« Voir s'ouvrir les écluses des cieux », telle est la promesse que Dieu fait à qui ouvre son cœur et ce qui le recouvre... la veuve de l’histoire est alors bien plus riche qu’on ne croit, bien plus riche que les scribes…
R.P.,
Vence, 12 novembre 2006
08:05 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
08 novembre 2006
Philo-Sophia - programme 2006-2007
Le Cercle
Philo-sophia
Place Sophie Laffitte - Salle BERENY
le vendredi, entre 12h15 et 13h45
Président Fondateur :
Vincent-Paul TOCCOLI
Bureau : - direction :
Jean-François MATTEI
- programmation : Eve DEPARDIEU
- intervenants :
Bruno Giuliani, Roland POUPIN, Elie-Léo GUEZ, Pierre GOUIRAND, Vincent-Paul TOCCOLI, Eve DEPARDIEU.
CONTACT : evedepardieu@aol.com
04.93.13.01.45
OCTOBRE 2006 – JUIN 2007 : VENDREDI, 12h15-13h45, place Sophie LAFFITTE, salle BERENY, SOPHIA-ANTIPOLIS.
- 13/10/06 Séance d'ouverture avec Eve DEPARDIEU
- 20/10/06 Bruno GIULIANI
L'éthique ou la philosophie du bonheur, des origines à nos jours
- 10/11/06 Roland POUPIN
La république survivra-t-elle aux colonies ? I – 1492-1685
- 24/11/06 Elie-Léo GUEZ
Construction d'une échelle des valeurs pour construire un coaching spirituel
- 1/12/06 Pierre GOUIRAND
Philoxénologie, la théorie de l'accueil
- 8/12/06 Vincent-Paul TOCCOLI
De l'insolence : nécessité de la question permanente
- 15/12/06 Eve DEPARDIEU
Nos représentations, en crise ? I – Etats Généraux
- 22/12/06 Elie-Léo GUEZ
Approche mystique de la sagesse hébraïque (la Kabbale) et son rapport avec le développement de la conscience morale
*****************************************************
- 12/01/07 Vincent-Paul TOCCOLI
De l'exigence : nécessité de la transgression permanente
Dans le cadre : modifications récentes du programme annoncé :
19/01/07 |
Bruno GIULIANI |
SPINOZA précurseur de la révolution scientifico-éthico-politique à venir |
26/01/07 |
Eve DEPARDIEU |
Nos représentations, en crise ? II - Entre apparences et illusions |
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2/02/07 |
Pierre GOUIRAND |
Xénopraxie : la pratique de l'accueil |
9/02/07 |
Vincent-Paul TOCCOLI |
De la frugalité : la nécessité de l'indifférence pratique |
16/02/07 |
Robert MATHIS |
TEILHARD de CHARDIN : hominisation et/ou mondialisation ? |
*23/02/07 |
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16/03/07 |
Pierre GOUIRAND |
Le Royalisme |
- 23/03/07 Vincent-paul TOCCOLI
Du songe : la nécessité de l'impossible
- 30/03/07 Roland POUPIN
La république survivra-t-elle aux colonies ? II – 1794-1802
- 13/04/07 Roland POUPIN
La république survivra-t-elle aux colonies ? III – 1848-1931
- 4/05/07 Elie-Léo GUEZ
Introduction à la logothérapie, l'analyse existentielle de Victor FRANCKL
- 11/05/07 Elie-Léo GUEZ
La question du sens et de l'éthique dans l'entreprise
- 25/05/07 Roland POUPIN
La république survivra-t-elle aux colonies ? IV – 1945-2006
- 1/06/07 Vincent-paul TOCCOLI
De l'illusion : la nécessité de la profanation et du blasphème
- 8/06/07
- 15/06/07 Séance de clôture-bilan avec Eve DEPARDIEU
10:30 Écrit par rolpoup dans Philo-Sophia, Rencontres & Causeries | Lien permanent | Commentaires (0)
06 novembre 2006
"Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu."
Le cœur de la Loi
et la proximité du Royaume de Dieu
Marc 12, 28-34
28 Un scribe s’avança. Il les avait entendus discuter [de la résurrection] et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda: "Quel est le premier de tous les commandements?"
29 Jésus répondit: "Le premier, c’est: Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur;
30 tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.
31 Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là."
32 Le scribe lui dit: "Très bien, Maître, tu as dit vrai: Il est unique et il n’y en a pas d’autre que lui,
33 et l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices."
34 Jésus, voyant qu’il avait répondu avec sagesse, lui dit: "Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu." Et personne n’osait plus l’interroger.
*
« Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices » a dit le scribe à Jésus.
Où le scribe a-t-il trouvé cela ? — : Le Talmud annonce que dans le Royaume de Dieu, les sacrifices seront abolis — sauf le sacrifice d’action de grâce ; action de grâce adressée à Dieu. Or qu’est-ce qui nourrit l’amour ? L’action de grâce ! En effet, si vous voulez aimer, demandez-vous le bien que vous recevez de qui vous voulez aimer. Si vous entretenez les récriminations, vous allez finir par trouver celui ou celle contre qui vous récriminez désagréable ! Rendez grâce, c’est-à-dire, comptez les bienfaits — vous connaissez le cantique — vous obtiendrez l’effet inverse : comment aimer Dieu ? Vous connaissez la réponse…
Reprenons le texte au début : « un scribe s’avança. Il les avait entendus discuter et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda: "Quel est le premier de tous les commandements?" »
De quoi « les » a-t-il entendus discuter ? Jésus vient de discuter avec les Sadducéens de la résurrection des morts ; et donc du Royaume de Dieu, dans la perspective du scribe — Royaume dans lequel pour le scribe subsiste, comme seul sacrifice, l’action de grâce. D’où la question du scribe à Jésus. Rien d’anodin en tout cela. Il veut aller un peu plus loin quant à savoir ce qu’en dit Jésus, de ce Royaume. Ou n’y a-t-il que théorie dans son discours ?
Et voilà donc Jésus en plein accord avec les scribes. Ce qui ne devrait pas nous surprendre : il est question ici du fond des choses. Point de désaccord à ce niveau.
Il est question du texte du Deutéronome qui est au cœur de la foi juive : le « Sh’ma Israël » qui est l’appel fondateur, énoncé quotidiennement, écrit symboliquement sur la main, le front, les portes de la maison. Point de discussion évidemment là-dessus.
Quant au second commandement, qui lui est semblable, il est lui aussi au cœur de la Torah, Lévitique 19, 18, au cœur d’un passage qui commence par « vous serez saints, car je suis saint, moi, le Seigneur, votre Dieu » (Lv 19, 1).
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même », littéralement « pour ton prochain comme pour toi-même », est donc naturellement perçu par les scribes comme central — au point qu’en Luc (ch. 10), ce n’est pas Jésus qui énonce le double commandement comme ici, mais un scribe. Et ici, on voit donc qu’il n’y a pas débat. Le scribe interroge Jésus pour savoir s’il est bien au courant, dans le foisonnement des préceptes de la Torah (on sait que Maimonide, au XIIe siècle, en dénombrera 613) — de ce qui en est le cœur.
Chérir Dieu de tout son cœur, c’est-à-dire du fond de son être ; de toute son âme ou, autre traduction, de toute sa vie ; de toute sa pensée, ou intelligence — ce qui rend non seulement vaine, mais impie cette idée selon laquelle un croyant serait censé faire abstraction de son intelligence ! Non, l’intelligence est appelée à être cultivée, ce qui demande un vrai travail certes, un effort, qui permet de soupçonner de paresse intellectuelle cette façon de dire que ce qui concerne Dieu devrait être simple, pour ne pas dire simpliste. L’amour de Dieu est commandé aussi à notre pensée. Forme intense de prière, où la prière est aussi prière de l’intelligence, combat intellectuel, travail sérieux de la raison appliquée à tous les domaines, la méditation de la Loi, des Écritures, et des événements où Dieu se dévoile ; y compris la méditation de la création de Dieu, car comment chérir Dieu de toute son intelligence, sans le louer dans la contemplation, la recherche étendue à toute sa création, bref, la science… Et tout cela, cet amour de Dieu, se vit avec toute sa force — autre traduction : tous ses moyens. Tu chériras le Seigneur ton Dieu de tous tes moyens, y compris, naturellement, financiers. Ce qui se comprend tout seul : comment peut-on prétendre aimer le Nom de Dieu, et s’arranger pour le faire passer pour mesquin, doté d’institutions qui vivotent, d’une Église qui vivote, a fortiori quand on est dans une société d’abondance…
Où aussi, l’idée devient naturelle que le second commandement est semblable au premier. Dieu, on ne le voit pas, on ne prononce même pas son Nom. Aussi, on le chérira dans ce qui le représente : on cherche Dieu avec son intelligence en étudiant ce qui parle de lui dans sa création et sa Loi.
On chérira Dieu donc, dans ce qui le représente, et en premier lieu celui que Dieu place proche de nous, le prochain, cet être humain fait selon son image.
Comment prétendre aimer Dieu qu’on ne voit pas si l’on n’aime pas le prochain, le frère, que l’on voit ? demandera la 1ère épître de Jean (1 Jn 4, 20). C’est ainsi que Paul, lui, résume toute la loi à cette seconde partie : « la Loi tout entière trouve son accomplissement en cette unique parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Galates, 5, 14).
En tout cela, Jésus et le scribe qui l’interroge sont d‘accord. Et Jésus va aller un peu plus loin, avec cette sentence qui fait que « personne n’osait plus l’interroger » : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu », dit-il au scribe sur la base de ce qu’il professe son accord avec lui sur le cœur de la Loi. Parole centrale de notre texte : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ».
*
Qu’est-ce à dire que cette sentence de Jésus — « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » — et l’effet — « personne n’osait plus l’interroger » — qu’elle a sur ses auditeurs ?
C’est que Jésus s’inscrivant dans l’espérance pharisienne du scribe, quant au cœur de la Loi au jour du Royaume : subsiste l’action de grâce — Paul le dit en ces termes : une seule chose demeure : l’amour — ; Jésus est en train de dire tout simplement que le Royaume s’est approché : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » n’est point ici une parole banale !
Où on regarde forcément Jésus d’une façon particulière : « personne n’osait plus l’interroger » !
Allons un peu plus loin. Comment en est-on arrivé à cela dans la réflexion juive ? À ce sur quoi Jésus et le scribe s’accordent : « Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices ».
Eh bien c’est là un fruit de la prière de l’intelligence (tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton intelligence).
Un fruit de la réflexion priante suite à l’événement de l’exil, dès 587 av. J.C., cette perte de souveraineté d’Israël, et de la destruction du Temple, perte, alors provisoire, de la possibilité de sacrifier. Cette perte deviendra définitive en 70 — jusqu’au Royaume où subsiste comme seul sacrifice, la seule action de grâce.
Le retour de l’exil de 587 à Babylone laissera le pays sous la souveraineté de la Perse, puis des divers empires, malgré quelques moments de résistance glorieux comme sous les Grecs. Mais pas de réintégration totale et définitive de la souveraineté. Plus de royaume (et surtout pas en 1948, avec la création d’un État laïque d’Israël !). Plus de royaume, au point que Jean-Baptiste annonce encore, au temps romain, la fin de l’exil (qui n’a donc pas vraiment eu lieu) et la venue du Royaume. Au point qu’au début du livre des Actes des Apôtres, les disciples interrogent encore le Ressuscité sur le jour de la restauration du Royaume d’Israël !
Il n’y aura pas de reprise de souveraineté politique au nom de Dieu d’un État, ni a fortiori d’une Église ! C’est l’erreur des chrétientés médiévales byzantine et latine (auxquelles l’islam d’alors a emboîté le pas) que d’avoir cru le contraire. La suzeraineté politique a été retirée au peuple de Dieu en 587, et ne sera pas ré-octroyée. (Il n’est pas inutile de souligner cela en ce dimanche de l’Église persécutée : nul n’a le pouvoir ni le droit de dire un délit d’opinion, et a fortiori de poursuivre, de persécuter, pour un délit d’opinion !)
La dynastie légitime alliée avec Dieu, celle de David, trouve son dernier représentant dans le Messie, seul souverain du Royaume de Dieu, Roi-prêtre selon l’ordre de Melchisédech, selon l’Épître aux Hébreux citant le Psaume 110. Un Royaume dont la Loi est inscrite dans les cœurs, et qui n’a donc pas d’institutions pénales d’un État souverain, comme avant 587. En 587, ce domaine de la Torah prend fin.
Les auteurs du Nouveau Testament, à l’instar des scribes pharisiens, ont tiré eux aussi cette conséquences qui s’imposent de la perte de souveraineté politique et du royaume d’Israël : pas de royaume, jusqu’à la venue du Royaume du Messie. Cela le scribe le sait. Les auditeurs de ce dialogue aussi. Et voilà que Jésus affirme que le Royaume s’est approché : « "Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu." Et personne n’osait plus l’interroger. »
La dynastie sacerdotale, elle, qui s’est maintenue pendant le premier exil à Babylone, a repris ses fonctions après le retour de Babylone. Le Temple a été rebâti. Il est encore en activité à l’époque du Nouveau Testament — géré par la caste sacerdotale des Sadducéens. Ce second Temple, on le sait, sera détruit, comme l’annonçait Jésus, en 70, par les Romains.
Alors disparaîtront, et la dynastie sacerdotale des Sadducéens (qui viennent d’interroger Jésus sur la résurrection), et les sacrifices — reste l’action de grâce. Le domaine sacrificiel sacerdotal de la Torah prend fin en 70 — étant désormais au seul pouvoir du Roi-prêtre selon Melchisédech. Ici a eu lieu la fin de ce temps, annoncée par Jésus pour sa génération.
De la Loi qui ne passera pas jusqu’à ce que passent les cieux et la terre, subsiste alors, jusqu’à la venue des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, sa dimension morale, sous tous ses angles, selon tous les usages que l’on en peut faire. En son cœur, l’action de grâce, où s’établit l’amour pour Dieu. Subsiste donc cet essentiel de la Loi énoncé ici par le scribe et Jésus, et où l’amour du prochain est le cœur d’un code révélé de sainteté : « tu aimeras pour ton prochain comme pour toi-même », c’est-à-dire : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse, fais a autrui ce que tu voudrais qu’il te fasse ».
Bref, le Royaume s’est approché, et que dit Jésus au scribe ? — « "Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu". Et personne n’osait plus l’interroger » !
Avec ce texte — qui suit immédiatement celui où Jésus enseigne ce qu’il en est de la résurrection, dont il est l’initiateur —, on comprend à quel point il annonce que le Royaume s’est approché ; Royaume de la résurrection déjà advenue au milieu de nous, et dont la règle est l’inscription de la loi dans les cœurs. Oui décidément le scribe n’est pas loin du Royaume de Dieu, et de sa promesse : « vous serez saints car je suis saint ».
Le Royaume est au milieu, au-dedans de vous, sa règle est résumée par l’Épître aux Hébreux (9, 16-20), citant le prophète Jérémie (ch. 33) : « Voici l’alliance par laquelle je m’allierai avec eux après ces jours-là, a déclaré le Seigneur : mes lois, c’est dans leurs cœurs et dans leur pensée que je les inscrirai, et de leurs péchés et de leurs injustices je ne me souviendrai plus. Or, là où il y a eu pardon, on ne fait plus d’offrande pour le péché. Nous avons ainsi, frères, pleine assurance d’accéder au sanctuaire par le sang de Jésus. Nous avons là une voie nouvelle et vivante, qu’il a inaugurée à travers le voile, c’est-à-dire dans sa chair. »
R.P.,
Antibes, 5 novembre 2006
08:20 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)