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26 février 2006
Infidèles témoins…
… d’un Dieu fidèle
La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Seigneur.
(Déroulement liturgique sur les textes du jour :)
(Psaume 103 :)
Louange
1 […] Mon âme, bénis l’Éternel! Que tout en moi bénisse son saint nom!
2 Mon âme, bénis l’Éternel, Et n’oublie aucun de ses bienfaits!
3 C’est lui qui pardonne toutes tes fautes, Qui guérit toutes tes maladies,
4 Qui rachète ta vie du gouffre, Qui te couronne de bienveillance et de compassion,
5 Qui rassasie de biens ta vieillesse, Qui te fait rajeunir comme l’aigle.
Confession de péché
6 L’Éternel fait justice, Il fait droit à tous les opprimés.
7 Il a fait connaître ses voies à Moïse, Ses hauts faits aux fils d’Israël.
Seigneur, nous confessons devant toi que nous ne t’avons pas été reconnaissants, que nous ne nous sommes pas conformés à tes voies.
Grâce
8 Le SEIGNEUR est miséricordieux et bienveillant, lent à la colère et plein de fidélité.
9 Il n’est pas toujours en procès et ne garde pas rancune indéfiniment.
10 Il ne nous traite pas selon nos péchés, il ne nous rend pas selon nos fautes.
11 Comme les cieux dominent la terre, sa fidélité dépasse ceux qui le craignent.
12 Comme le levant est loin du couchant, il met loin de nous nos offenses.
13 Comme un père est tendre pour ses enfants, le SEIGNEUR est tendre pour ceux qui le craignent;
14 il sait bien de quelle pâte nous sommes faits, il se souvient que nous sommes poussière.
(2 Co 3, 4-5 :)
4 Telle est l’assurance que nous avons par le Christ auprès de Dieu.
5 Non que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre capacité, vient de Dieu.
Loi (Psaume 103 :)
15 L’homme! ses jours sont comme l’herbe; il fleurit comme la fleur des champs:
16 que le vent passe, elle n’est plus, et la place où elle était l’a oubliée.
17 Mais la fidélité du SEIGNEUR, depuis toujours et pour toujours, est sur ceux qui le craignent, et sa justice pour les fils de leurs fils,
18 pour ceux qui gardent son alliance et pensent à exécuter ses ordres.
19 Le SEIGNEUR a établi son trône dans les cieux, et sa royauté domine tout.
Voici donc son commandement :
20 Bénissez le SEIGNEUR, vous ses messagers, qui, de toutes vos forces, êtes au service de sa parole, qui obéissez dès que retentit sa parole.
21 Bénissez le SEIGNEUR, vous toutes ses armées, vous ses ministres qui faites sa volonté.
22 Bénissez le SEIGNEUR, vous toutes ses oeuvres, partout dans son empire. Bénis le SEIGNEUR, ô mon âme.
*
Lectures :
Osée 2, 16-20 (-22)
16 Et il adviendra en ce jour-là - oracle du SEIGNEUR - que tu m'appelleras "mon mari", et tu ne m'appelleras plus "mon baal, mon maître".
17 J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, et on ne mentionnera même plus leur nom.
18 Je conclurai pour eux en ce jour-là une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel, les reptiles du sol ; l'arc, l'épée et la guerre, je les briserai, il n'y en aura plus dans le pays, et je permettrai aux habitants de dormir en sécurité.
19 Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi par la justice et le droit, l'amour et la tendresse.
20 Je te fiancerai à moi par la fidélité et tu connaîtras le SEIGNEUR.
Marc 2, 16-20 (13-22)
16 […] Des scribes pharisiens, voyant qu'il mangeait avec les pécheurs et les collecteurs d'impôts, disaient à ses disciples : "Quoi ? Il mange avec les collecteurs d'impôts et les pécheurs ?"
17 Jésus, qui avait entendu, leur dit : "Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs."
18 Les disciples de Jean et les Pharisiens étaient en train de jeûner. Ils viennent dire à Jésus: "Pourquoi, alors que les disciples de Jean et les disciples des Pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas ?"
19 Jésus leur dit : "Les invités à la noce peuvent-ils jeûner pendant que l'époux est avec eux ? Tant qu'ils ont l'époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner.
20 Mais des jours viendront où l'époux leur aura été enlevé ; alors ils jeûneront, ce jour-là. […]
*
Les interlocuteurs de Jésus expriment leur trouble à le voir manger avec les pécheurs, infidèles à Dieu, qui frayent avec les occupants Romains, représentants d'un pouvoir idolâtre. Lui, ayant cité le proverbe populaire : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades », de préciser : « je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »
S’ensuit une question sur le jeûne puisque outre le fait de manger avec les pécheurs en question, les disciples prennent par-dessus le marché le jeûne par-dessus la jambe. Et Jésus ne les reprend même pas !
Infidélité des publicains ? Infidélité de ceux qui frayent avec eux ? Jésus, alors, renvoie au thème biblique des noces, qui évoque automatiquement le Cantique des Cantiques, ou, surtout, parlant d’infidélité, le prophète Osée.
*
Osée : nous ne savons rien de lui sinon qu’il est cocu. Osée nous raconte ses déboires conjugaux avec son épouse infidèle, nommée Gomer. Osée, naturellement, souffre de ces déboires, et c’est de là que va partir sa prophétie. Il va comparer ses propres malheurs avec sa femme et ceux de Dieu avec Israël, infidèle lui aussi, comme dans Marc les publicains.
On sait qu’Israël s’est coupé en deux après le règne de Salomon. Osée parle à Israël, royaume du Nord, séparé de la dynastie qu’il considère comme légitime, celle du Sud, Juda (ch. 3 v.5). Les indications chronologiques placées en tête du livre [sont nommés des rois de Juda, le Sud, et Jéroboam II, du Nord] permettent de dire que la prophétie réfère à une époque située entre 786 et 724 av. J.-C., époque sur laquelle on a quelques informations.
Jéroboam II, ici mentionné, a régné à Samarie, capitale du Nord, pendant 41 ans, dès 785 av. J.-C., env. ; rendant la prospérité au royaume.
Mais, avec la prospérité, la corruption, les injustices, l’abandon de Dieu et l'idolâtrie se développent ; le fossé entre les riches et les pauvres se creuse toujours davantage : les nantis vivent dans un luxe inouï, oppriment les plus pauvres, multiplient les injustices et les abus.
Et après la mort de Jéroboam II, la situation se dégrade. Ce sera la période la plus sombre de l'histoire d'Israël : des usurpateurs s'emparent du pouvoir, puis sont renversés à leur tour (4 successeurs de Jéroboam sont assassinés durant cette période) ; bref, c'est le règne du despotisme et de la confusion.
Le message d'Osée est principalement dirigé contre l'idolâtrie qui accompagnait la prospérité matérielle. Dès son entrée en Terre promise, Israël avait été confronté au culte de Baal, dieu de la pluie et de la fertilité. On subit les influences de l'idolâtrie. Le livre d'Osée témoigne d’un temps où la masse du peuple a adhéré au culte de Baal et d'Achéra, le plus immoral de tout l'ancien Orient : plusieurs fois par an, leurs fêtes étaient accompagnées de prostitution rituelle, violence et beuveries, etc.
Osée veut amener son peuple au repentir, le faire revenir au Dieu qui ne se lasse pas de l'aimer et de l'attendre. Comme lui, le prophète Osée, aime et attend Gomer.
Le livre commence donc par l'histoire du mariage et des malheurs conjugaux d'Osée : le texte nous dit que Dieu lui demande d'épouser une prostituée qui fatalement, quelque temps plus tard, lui devient infidèle. Non pas, probablement, que Dieu l’ait envoyé épouser une femme préalablement prostituée – qui plus est dans le but d’en faire sortir une prophétie ! Mais c’est rétrospectivement qu’Osée considère que ses déboires sont dans le regard de Dieu qui a évidemment prévu les choses. Et sachant que selon le Proverbe, c’est Dieu qui donne sa femme à chacun : « celui qui a trouvé une femme, c’est là un don de Dieu » ; Osée considère que la femme que Dieu lui a donnée, il la lui a donnée en sachant très bien l’aboutissement de chose : un Osée malheureux comme son Dieu. C’est une façon de nous dire que ce qu’Osée en est venu à découvrir à travers son vécu douloureux avec son épouse, correspond à ce que Dieu vit avec son peuple, qui se prostitue avec des divinités illusoires qui se font célébrer dans la prostitution dite sacrée, adultère à l’égard de Dieu.
Ainsi Osée peut s’identifier à lui, en quelque sorte, le comprendre. Quoiqu’il en soit de savoir si Gomer était déjà au moment du mariage ce qu'elle est devenue, Dieu connaissait ses dispositions profondes et il avait une intention prophétique : à travers cette histoire, il va parler à son peuple. C’est ainsi qu’Osée l’interprète.
Dieu n'avait-il pas, lui aussi, pris son peuple pour le combler de son amour, bien qu'il ait connu d'avance ses dispositions profondes et ce qui allait s'ensuivre ? Et le prophète de rappeler certaines choses : dès le désert du Sinaï, Israël a adoré le veau d'or (ch. 13 v. 2) ; puis entré en Terre promise, il a sacrifié à l’idole Baal (ch. 2. v 7s.), il a consulté les voyants (ch. 4 v. 12)... Tout cela équivaut à de l'adultère à l’égard de Dieu, à de la prostitution. Osée utilise cette image du mariage que bien des prophètes (Jer 2.2; 3.1-4; Isa 54.5; Eze 16.33) et des auteurs du Nouveau Testament (2 Co 11.2; Eph 5.23-32, etc.) reprendront pour décrire les relations de Dieu avec son peuple.
C’est de la sorte qu’à travers ses souffrances conjugales, Osée comprend celles de Dieu. Sa fidélité à l'épouse infidèle reflète la patience et l'amour de Dieu, inébranlable et fidèle. Le "prophète au cœur brisé" peut apporter le message — qui vaut à travers les siècles, jusqu’à nous — du Dieu dont le cœur est meurtri par les infidélités de son peuple. Reste cette promesse : Israël saura de nouveau quel est son Dieu et reviendra à lui.
C’est l’histoire du boulanger de Pagnol parlant à la chatte Pomponette pour lui expliquer le malheur du chat Pompon. Le boulanger qui parle en fait à sa femme, qui parle de sa femme. Osée parlant de son épouse parle en fait de Dieu.
Et Osée de souligner ainsi la sainteté de Dieu et son horreur pour le péché (2.4-5 ; 6.5; 9.9; 12.15, etc.), ainsi que son amour pour Israël (2.16-18, 22-25 ; 3.1; 11.1-4, 8-9; 14.5, 9 [4, 8], etc.). Le péché, en dernière analyse, est, sous sa plus terrible forme, une infidélité à l'amour. Il frappe Dieu au cœur.
La pensée essentielle du message d'Osée est alors la suivante : l'amour, puissant, inaltérable de Dieu pour le peuple, ne sera satisfait que lorsqu'il aura rétabli une parfaite harmonie entre le peuple et lui.
*
Jésus a renvoyé ses interlocuteurs religieux au thème biblique des noces, qui évoque automatiquement face à la question de l’infidélité, ici des publicains que dénoncent les religieux, le prophète Osée.
Eh bien ! Jésus renvoyant implicitement à Osée, se présente comme celui qui vient accomplir enfin la promesse, celle du temps d’Osée, que l’amour de Dieu finira par triompher ; cette promesse que n’ont pas su accomplir ses collègues pharisiens qui au fond, si l'on en croit la façon dont ils l'interpellent à ce moment-là, se sont comportés du coup comme les prêtres, rois et prophètes du temps d’Osée : ils ont en quelque sorte donné le mauvais exemple : ils reprochent aux percepteurs à la solde des Romains leur infidélité ; à juste titre...
Sauf que cela conduit à oublier que Dieu aime même ces pécheurs-là, comme au temps d’Osée, il a aimé son peuple adultère. Sauf que de lasorte, on est mené à mal accueillir ceux d’entre ces pécheurs qui se repentent, comme Dieu le veut. Ce qui revient à une façon subtile à une trahison de Dieu. À en donner pour autrui un visage dont on n’aimerait pas se le voir présenter à soi. Le visage impitoyable de celui qui n’est pas prêt à accueillir celui qui revient à lui. Du coup, on s'en est éloigné soi-même, incapable de mener à son accomplissement la promesse de Dieu pour son peuple pécheur. Alors Jésus est envoyé, pour l’accomplir, lui, cette promesse. À savoir que Dieu, s’il ne supporte certes pas l’infidélité de son peuple, s’il en souffre atrocement ; Dieu est toujours prêt à l’accueillir quand il revient à lui. C’est humiliant, certes, mais quel bonheur. Ce message vaut aussi pour ses interlocuteurs, qui sans s’en rendre compte — pensez ! ils sont tellement pieux ! Car ils le sont réellement ! — sont en fait, de cette façon-là, éloignés de Dieu. C’est le sens du message de Jésus venu réconcilier les pécheurs, comme un médecin guérit les malades.
R.P.
17:25 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
19 février 2006
Voyant leur foi...
... Jésus lui dit...
La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Sauveur.
Louange (Ps 118, 1-4)
Célébrez le SEIGNEUR, car il est bon, et sa fidélité est pour toujours.
Qu’Israël le redise: "Sa fidélité est pour toujours!"
Que la maison d’Aaron le redise: "Sa fidélité est pour toujours!"
Que ceux qui craignent le SEIGNEUR le redisent: "Sa fidélité est pour toujours!"
Confession du péché
Sa fidélité est pour toujours. Et « si nous sommes infidèles, Lui demeure fidèle, Car il ne peut se renier lui-même » (2 Tim 2, 13) : nous pouvons venir à lui dans l’humilité, confesser nos fautes avec confiance :
« O Dieu! fais-moi grâce selon ta bienveillance,
Lave-moi complètement de ma faute, Et purifie-moi.
Car je reconnais mes fautes, j’ai fait le mal à tes yeux,
En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement. » (Psaume 51, 1-4)
Paroles de grâce (Ps 118, 16-20)
La droite du SEIGNEUR est levée! la droite du SEIGNEUR fait un exploit!"
Non, je ne mourrai pas, je vivrai pour raconter les œuvres du SEIGNEUR:
Certes le SEIGNEUR m’a repris, mais il ne m’a pas livré à la mort.
Ouvrez-moi les portes de la justice, j’entrerai pour célébrer le SEIGNEUR.
- C’est la porte du SEIGNEUR; que les justes entrent!
(Ésaïe 43, 18-19 & 25)
Ne vous souvenez plus des premiers événements, ne ressassez plus les faits d’autrefois. Voici que moi je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne; ne le reconnaîtrez-vous pas ? J’efface, par égard pour moi, tes révoltes, je ne garde pas tes fautes en mémoire.
Toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur OUI dans la personne du Fils de Dieu, le Christ Jésus. Et celui qui nous affermit en Christ et qui nous donne l’onction, c’est Dieu, lui qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2 Corinthiens 1, 20-22).
Loi (Ps 118, 21-23)
Je te célèbre car tu m’as répondu, et je te dois la victoire.
La pierre que les maçons ont rejetée est devenue la pierre angulaire.
Cela vient du SEIGNEUR: c’est une merveille à nos yeux!
(V. 17 :) « Je vivrai pour raconter les œuvres du SEIGNEUR. »
Allez le vivre et le dire !
Prière avant la lecture des Écritures
Dieu, qui nous a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2 Co 18, 22), répande sur nous son Esprit qui nous ouvre à sa parole.
(La base liturgique ci-dessus - cf. le souhait d’un lecteur de ce blog - est reprise de textes du jour.)
Marc 2, 1-12
1 Quelques jours après, Jésus rentra à Capharnaüm et l’on apprit qu’il était à la maison.
2 Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. Et il leur annonçait la Parole.
3 Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par quatre hommes.
4 Et comme ils ne pouvaient l’amener jusqu’à lui à cause de la foule, ils ont découvert le toit au-dessus de l’endroit où il était et, faisant une ouverture, ils descendent le brancard sur lequel le paralysé était couché.
5 Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé: "Mon fils, tes péchés sont pardonnés."
6 Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs:
7 "Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul?"
8 Connaissant aussitôt en son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, Jésus leur dit: "Pourquoi tenez-vous ces raisonnements en vos cœurs?
9 Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé: Tes péchés sont pardonnés, ou bien de dire: Lève-toi, prends ton brancard et marche?
10 Eh bien! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre…" -il dit au paralysé:
11 "Je te dis: lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison."
12 L’homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant: "Nous n’avons jamais rien vu de pareil!"
Tout d'abord, imaginons la scène. Quatre plans principaux, quatre niveaux dont les acteurs vont chacun intervenir : d'abord, le cercle le plus excentré, la foule. Au centre, Jésus. Entre ces deux plans, le paralysé et ses amis qui se sont démenés farouchement pour venir à Jésus, d'une part ; et les scribes, de l’autre.
Jésus prononce une parole qui laisse tout le monde pantois : "Tes péchés sont pardonnés", dit-il au paralytique. Etonnement de la foule, bien sûr, mais aussi, en premier lieu, du paralysé, et — bien sûr — des scribes.
Le paralysé, tout d'abord. Mettons-nous à sa place. Il était — lui avec ses amis —, fondé à attendre autre chose qu'une déclaration de pardon des péchés. Sachant la réputation de Jésus qui a attiré cette foule nombreuse, il est peut-être déçu, étant venu chercher autre chose qu'une telle déclaration. Que va-t-on chercher à Lourdes ? Si l'on n'y attendait que des déclarations de pardon, il y aurait vraisemblablement moins de monde...
Autres acteurs qui entrent alors en jeu : les scribes. Eux, leur trouble est d'une autre nature. Il ne relève pas de la déception. En connaisseurs de la Bible, leur trouble est d'ordre légal. Et — Jésus le sait — il est parfaitement légitime. C'est là, sans doute, qu'il a joué de la provocation.
Jésus sait qu'ils ont forcément raison : qui peut pardonner, sinon Dieu seul ? — Pour comprendre, pensons aux débats contemporains sur le pardon : Shoah, déportations et exploitation esclavagistes... L'immensité de l'offense permet de savoir qu'il est des pardons que l'on ne peut pas exiger d'autrui. Des offenses dont les conséquences sont si immenses que Dieu seul peut en avoir la perspective, et donc que lui seul peut en envisager le pardon. Ici, requérir d'autrui l'octroi du pardon relève même de l'indécence. Et c’est vrai, au fond, de toute offense : qui peut la mesurer pour autrui ? Alors si, certes, ma paix est à ce prix : pardonner de tout mon cœur l'offense qui m'a été faite — qui suis-je pour exiger d'autrui qu'il pardonne des offenses qui ne m'ont pas été faites à moi et, à plus forte raison, pour carrément octroyer le pardon pour le tort qui ne m'a pas été fait à moi ? ! Jésus exagère, pensent les scribes. Ils ont raison, sait Jésus.
Et là se place le second coup d'éclat, après la première provocation : la guérison du paralysé. Lui est content, cette fois. Mais Jésus laisse l’assistance de plus en plus perplexe. Est-il en train de confirmer ce vieux discours, réfuté par le livre de Job, réfuté aussi par tant d'autres parmi les scribes et les pharisiens, discours qui voudrait que maladie ou handicap soient bien mérités par leurs victimes ? Pécheurs qu'ils sont, ils ne l'ont pas volé ! Discours toujours actuel sous couleur d'ordre médical : cancer ? Fumeur ou buveur. Sida ? Transgression des règles prophylactiques d'usage de la sexualité, etc…
Certes, Jésus n'a jamais minimisé le péché ni la gravité de ses conséquences ; on vient de le dire à propos du pardon, mais ne nous y trompons pas. Son second coup d'éclat ne dit rien de cela. Le pardon n'est pas un préalable pour une guérison qui supposerait absence de péché.
Autre perplexité parallèle : le pardon des péchés est-il donc considéré par Jésus comme moindre quantité que la guérison d'une paralysie ? Le paralysé, lui, et on le comprend, peut être porté vers cette autre idée suite au miracle dont il bénéficie. Mais il ne s'y trompe pas, ni lui, ni les scribes. Jésus n'est pas en train d'expliquer l'énormité de sa parole de pardon par un geste qui voudrait la minimiser de cette autre façon : je sais faire mieux, le pardon des péchés n'est pas grand-chose, ce n'est que des mots. Non ! Pas question de glisser à cette autre aberration.
Par ces deux coups d'éclats successifs, sa parole de pardon et son miracle, Jésus est en train de donner une leçon époustouflante sur la grâce. C'est le pardon des péchés, cette libération infinie, qui est la chose fondamentale, énorme. Les scribes le savent. Et, pour appuyer la chose, la souligner encore, pour que tous voient, il renvoie le paralysé guéri ! Lui ne demande pas son reste. Il aura de quoi méditer dans les jours qui suivent.
Les scribes sont abasourdis : qui est donc celui-ci ? La foule, l'acteur périphérique, réapparaît alors pour leur donner la réponse : "Nous n'avons jamais rien vu de pareil", et de rendre gloire à Dieu. Celui-ci, le Fils de l'homme qui est dans les cieux, est ce que l'on soupçonne. Il a réellement, comme il le prétend, le pouvoir de pardonner les péchés. Par lui, le Royaume de Dieu s'est bien approché. Les cieux s'ouvrent...
Est apparu u un détail vertigineux. Reprenons la scène initiale : une foule compacte. Tous se pressent, faisant fi de la chaleur, de la transpiration, des odeurs, de l'ambiance... Il y a là plus important que nos fiertés et nos répugnances, on le pressent, on le sait. Et voilà les amis de notre paralysé, bien décidés à présenter leur homme à Jésus, malgré la difficulté. Ils dégarnissent le toit. Regards désapprobateurs. Persistance quand même ; ils réussissent enfin à présenter leur ami à Jésus. Et là apparaît le détail exorbitant, l'immensité de la grâce : voyant leur foi, dit le texte, leur foi à eux, Jésus déclare le pardon des péchés de leur ami. Il n'est pas sauvé par sa foi, mais bien par la grâce, signifiée non pas à sa foi à lui, mais à celle de ses amis.
Si nous hésitons encore sur le poids de la prière, sur le poids de la confiance en la grâce, sur toute la solidarité, de prière donc, déjà, qu'elle permet, alors méditons bien ce texte : voyant leur foi, celle de ses amis, Jésus dit au paralysé : « Tes péchés sont pardonnés ».
Aujourd'hui, Jésus octroie une grâce plus grande que notre foi. Notre foi ne consiste qu'à demander à Jésus de venir au secours de notre incrédulité. Alors nous sommes tous comme autant de paralysés, qui ne savons pas marcher dans l'espérance, rongés d'un pessimisme bien naturel quand on voit ce que nous apporte le monde de douleurs et d'angoisses. Nous sommes des paralysés nous soutenant les uns les autres. La foi des uns vient au secours de l'incrédulité des autres. Le paralysé est sauvé à cause de la foi de ses amis. Ou plutôt de la grâce de Dieu qui précède tous les appels que nous lui adressons. Il n'y a pas à compter sur notre justice, aussi grande soit-elle ; il n'y a pas à compter sur notre foi, aussi grande la croirions-nous. Notre secours est en Dieu seul et en la grâce qu'il nous a montrée en Jésus-Christ, le même qui, ressuscité, est vivant aujourd'hui au milieu de nous. Paul a cette formule superbe qui résume cela à merveille : nous sommes sauvés par la foi de Jésus-Christ. Le Christ croit pour nous ; c'est cela le cœur de la grâce : il croit pour nous, comme les amis du paralysé ont cru pour lui.
Que Dieu nous donne les oreilles pour entendre cette parole, qu'il nous donne de repartir avec toute la confiance en la grâce, avec la foi à la puissance de l'intercession, celle du Christ, d'abord, avec le flot de lumière et de grâce qui découle de ce Fils de l'homme, Jésus, qui a sur la terre pouvoir pour pardonner.
R.P.
16:55 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
11 février 2006
Au désert
« Je parlerai à son cœur. »
« Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. »
(Osée 2, 16)
Le désert comme temps d’épreuve, est aussi temps de la promesse du Royaume et comme tel, c’est un temps d’apprivoisement réciproque — Dieu et nous, un temps, même, de séduction : « je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. » Dieu séduisant son peuple comme l’amoureux séduit sa belle !
*
C’est comme l’histoire du petit prince, au désert lui aussi, avec le renard. Souvenez-vous :
"- Bonjour, dit le renard.
- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
- Je suis là, dit la voix, sous le pommier...
- Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...
- Je suis un renard, dit le renard.
- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah ! pardon, fit le petit prince.
Mais, après réflexion, il ajouta :
- Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?
- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
- Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?
- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie "créer des liens..."
- Créer des liens ?
- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à mille autres renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..."
*
« Les brebis suivent le berger, nous dit Jésus, parce qu'elles connaissent sa voix ». Il existe entre elles et lui une relation d'intimité ; c'est-à-dire qu'elles sont apprivoisées. Celui-là est différent. « je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur », dit Dieu. Comme le renard saura reconnaître le petit prince l'ayant apprivoisé d'avec les chasseurs.
*
"- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
- C'est possible, dit le renard. On voit sur la terre toutes sortes de choses...
- Oh ! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.
Le renard parut très intrigué :
- Sur une autre planète ?
- Oui.
- Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
- Non.
- Ça c'est intéressant ! Et des poules ?
- Non.
- Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint à son idée :
- Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent.
Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée.
Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font entrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis, regarde ! Tu vois là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé est pour moi inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
- S'il te plaît... apprivoise-moi, dit-il !
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à connaître.
- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
- Que faut-il faire ? dit le petit prince.
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
- Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai à être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai : je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites.
- Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
- C'est quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances."
*
"Tu te reposera au septième jour", dit le décalogue. "Vous ferez ceci en mémoire de moi", dit Jésus.
Il est une spécificité de tel jour ou de tel repas, pourtant apparemment comme les autres. Mais ils signifient quelque chose de spécial.
C’est ce qui s’y passe, ce qui s’y est passé qui a donné ce sens spécial. C’est un jour particulier, ou un repas particulier, une personne particulière surtout, dans l’histoire de l’apprivoisement.
*
"Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche :
- Ah ! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret."
*
"Voici, je suis avec vous jusqu'à la fin du monde."
"Faites ceci en mémoire de moi."
"Le bon berger donne sa vie pour ses brebis."
*
"Le petit prince s'en fut revoir les roses :
- Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.
Et les roses étaient bien gênées.
Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait quelle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes parce que je l'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe.
Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écouté se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose.
Et il revint vers le renard :
- Adieu, dit-il...
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
- L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
- C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante."
*
« Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. »
« Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles viennent à ma suite. » (Jn 10, 27) — Apprivoisées.
*
"- C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...
- Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir."
*
"- C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...
- Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir."
*
Responsable des brebis qu'il a apprivoisées, le bon berger donne sa vie pour ses brebis.
D'après A. de St-Exupéry,
R.P.
11.02.06, Antibes, KT
20:00 Écrit par rolpoup dans Pause caté | Lien permanent | Commentaires (0)
05 février 2006
Tout à tous
« JE ME SUIS FAIT TOUT À TOUS »
1 Corinthiens 9, 16-23
16 Annoncer l’Évangile n’est pas pour moi un sujet de gloire, car la nécessité m’en est imposée; malheur à moi si je n’annonce l’Évangile!
17 Si je le fais de bon gré, j’en ai la récompense; mais si je le fais malgré moi, c’est une charge qui m’est confiée.
18 Quelle est donc ma récompense ? C’est, en évangélisant, d’annoncer gratuitement l’Évangile, sans user du droit que l’Évangile me donne.
19 Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre.
20 Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi — et pourtant je ne suis pas moi-même sous la loi — afin de gagner ceux qui sont sous la loi;
21 avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi — et pourtant je ne suis pas moi-même sans la loi de Dieu, mais sous la loi de Christ — afin de gagner ceux qui sont sans loi.
22 J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns.
23 Je fais tout à cause de l’Évangile, afin d’y avoir part.
Marc 1, 29-39
29 Juste en sortant de la synagogue, ils allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André.
30 Or la belle-mère de Simon était couchée, elle avait de la fièvre; aussitôt on parle d’elle à Jésus.
31 Il s’approcha et la fit lever en lui prenant la main: la fièvre la quitta et elle se mit à les servir.
32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on se mit à lui amener tous les malades et les démoniaques.
33 La ville entière était rassemblée à la porte.
34 Il guérit de nombreux malades souffrant de maux de toutes sortes et il chassa de nombreux démons; et il ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient.
35 Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert; là, il priait.
36 Simon se mit à sa recherche, ainsi que ses compagnons,
37 et ils le trouvèrent. Ils lui disent: "Tout le monde te cherche."
38 Et il leur dit: "Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Evangile: car c’est pour cela que je suis sorti."
39 Et il alla par toute la Galilée; il y prêchait dans les synagogues et chassait les démons.
*
La guérison par Jésus de la belle-mère de Pierre, nous dit l’évangile selon Marc, fait que sa réputation se répand, et il est amené à guérir beaucoup de monde alentour…
Trouve-t-on une explication de cela dans le récit biblique connu sous le nom de "jugement de Salomon" (1er livre des Rois, ch. 3, v. 16-28) ? Souvenez-vous : deux femmes habitant la même maison ont chacune un enfant. Un des enfants meurt. Les femmes, affirmant chacune que c’est le sien qui est resté en vie, demandent le jugement de Salomon, qui tranche — si l’on peut dire — en ces termes : « "Coupez en deux l'enfant vivant, et donnez-en une moitié à l'une et une moitié à l'autre." La femme dont le fils était le vivant dit au roi, car ses entrailles étaient émues au sujet de son fils: "Pardon, mon seigneur! Donnez-lui le bébé vivant, mais ne le tuez pas!" Tandis que l'autre disait: "Il ne sera ni à moi ni à toi! Coupez!" Alors le roi prit la parole et dit: "Donnez à la première le bébé vivant, ne le tuez pas; c'est elle qui est la mère." »
Une sagesse qui a fait école : quelques millénaires plus tard, « au XIXe siècle, dans un petit village de Russie, deux familles cherchaient à marier leurs filles. Elles ont réussi à faire venir deux jeunes gens de très loin. Pendant leur voyage, le train est attaqué par des cosaques, et l'un des deux jeunes gens est tué. Finalement le rescapé arrive. Les deux mères s'écrient chacune que c'est bien le jeune homme destiné à sa fille. On décide de s'en remettre au jugement du rabbin.
- Coupez-le en deux, conclut-il, et chaque jeune fille aura ainsi la moitié de son corps.
- Oh non ! s'écrie l'une des deux mères. Ne le tuez pas, ma fille en trouvera un autre !
- Si ! Si ! Coupez-le ! exige la seconde.
Le rabbin montre alors la seconde et conclut :
- C'est elle la belle-mère ! »
(M.-A. Ouaknin, D. Rotnemer, La bible de l'humour juif, Paris, Ramsay - J'ai lu, 1995, p.197).
La façon dont se répand la réputation de Jésus et du cercle des disciples serait-elle de cet ordre ? — Quel amour remarquable parmi eux, si on y guérit même les belles-mères !… Voilà décidément une communauté chrétienne où comme le dira Paul, on se fait « tous à tous ».
Au-delà de la blague… Paul aux Corinthiens : « Je me suis fait tout à tous ». C’est de là que je vous propose de partir pour une réflexion en forme de bilan : nous voilà au lendemain d’un mois de prière pour l’unité des chrétiens — de la semaine universelle de prière de l’Alliance évangélique à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens.
Une sorte de mise en perspective n’est pas inutile — à la fois bilan, réflexion sur ce qui ressort de nos rencontres et sur où on en est ; réflexion sur où l’on va et comment on y va, etc.
Je vous propose pour cela de partir de ce que Paul écrit sur la question de l’unité de l’Église en son temps, puisque c’est de cela qu’il est question dans le texte de la première Épître aux Corinthiens qui nous est proposé ce matin.
À travers les faibles et les forts, ceux qui sont sans loi et ceux qui sont sous la loi, c’est bien de la question de la pluralité de l’Église qu’il est question, incluant les jugements des uns sur les autres que cela entraîne, les uns s’estimant forts face aux autres qu’ils jugent faibles. Notons que Paul qui reprend ce vocabulaire à plusieurs reprises, et spécifiquement, de façon bien développée, dans ses lettres aux Corinthiens et aux Romains, se garde bien de jamais dire qui sont les faibles et qui sont les forts — tant il va de soi que les forts c’est nous, et les faibles, c’est les autres.
Il est question quoiqu’il en soit de la pluralité, voire de la division dans l’Église — et cela autour de rites différents.
En l’occurrence autour de ce qu’on a le droit de manger — pour ceux qui sont sans loi (ou ailleurs chez Paul, les Grecs) — et de ce qu’on s’interdit de manger — pour les juifs, qui (à l’époque, c’était tout à fait possible sans poser de problème), fussent-ils croyants au Christ, n’en continuaient pas moins, selon la loi de Moïse, à manger casher.
Voilà qui posait un problème dans l’Église : peut-on communier ensemble, juifs et non-juifs, puisque devant être séparés par l’interdit alimentaire ?
Ce qui nous renvoie, pour s’en tenir à nos jours, au problème équivalent qui est le cœur de la division de nos Églises aujourd’hui, l’impossibilité de communier ensemble. Impossibilité qui est un fait (j’y reviens) et un signe. Signe de ce que notre communion n’est pas (encore) totale, même si elle existe — et, concernant les évangéliques avec lesquels elle est possible, elle n’est pas toujours sans arrière-pensées (sur qui est faible et qui est fort).
Signe de ce que notre communion n’est pas encore totale : cela concerne notamment, chez les évangéliques, ceux qui sont strictement baptistes, sans concession ; c’est-à-dire qui, niant la validité du baptême des enfants, en tirent la conséquence qu’ils ne peuvent pas communier avec ceux qui n’ont pas été baptisés sur profession personnelle de la foi, et, en outre, pour être précis sur cet aspect de la rigueur de ceux là, par immersion.
Cela pour certains parmi les évangéliques avec lesquels nous avons prié ce mois de janvier — ce qui n’empêche par une réelle fraternité, au-delà de ces signes. Il en est de même concernant l’impossibilité de communier avec les catholiques. Ici, c’est un fait disciplinaire.
L’excommunication (qui veut dire précisément l’exclusion de la communion) portée par Rome au XVIe siècle sur les Réformateurs, nommément sur Luther et Calvin, et sur ceux qui les suivent (c’est-à-dire nous), cette excommunication n’a toujours pas été levée.
Certes on y travaille, c’est un aspect non-négligeable de l’œcuménisme, sans doute le combat actuel de l’œcuménisme, mais le travail n’est pas terminé. C’est la raison pour laquelle je préfère personnellement m’abstenir en attendant, en le regrettant, malgré l’accueil qui peut m’être offert comme occasionnellement. Il me semble que cela correspond à ce que propose Paul (on y vient). Cela tout en comprenant les protestants et parmi eux ceux de mes collègues pasteurs qui ont choisi le geste en quelque sorte prophétique de bousculer les impossibilités actuelles en en faisant volontairement fi. Il me semble que l’abstention présente l’avantage de signifier clairement l’état actuel de la question : là où on en est. Alors, où en est-on ?
Il y a en premier lieu des problèmes d’interprétation de la présence réelle du Christ à la Cène, quasiment résolus ceux-là :
nous nous accordons à admettre qu’en prenant de ce pain et en buvant de cette coupe après qu’aient été prononcées les paroles du Christ, nous avons communion à son corps et à son sang, qui ont été signifiés par ses paroles — qui requièrent qu’on les croie.
La façon dont s’effectue cette communion a été l’objet de longs débats philosophiques sur ce qu’est la substance, sur la façon dont on y a part (on connaît le vocabulaire : transsubstantiation, consubstantiation, présence réelle non locale, présence symbolique, etc.). On s’accorde plus ou moins aujourd’hui sur le fait que le débat et le vocabulaire relèvent largement de choix philosophiques qui n’ont pas grand chose à voir avec les textes du Nouveau Testament.
Les choses sont moins simples quant à la question de la « rémanence » : l’Église catholique considérant qu’une fois les paroles du Christ prononcées sur les éléments, ils demeurent corps et sang du Christ même après la cérémonie (d’où les tabernacles pour conserver les hosties dans les églises catholiques).
Mais le véritable point à dépasser, et qui n’est pas dépassé jusqu’à présent est celui du pouvoir de consacrer les éléments, qui pour l’Église catholique, n’appartient qu’à un prêtre en communion avec l’évêque de Rome, qui en reconnaît l’autorité et en reçoit pouvoir.
Dès lors l’Eucharistie consacrée par un ministre non-catholique romain n’est pas valable, et la foi requise aux paroles du Christ prononcées sur les éléments est aussi foi requise en l’autorité de l’Église romaine. Autrement dit, si un quidam prononçait les paroles de consécration, cela n’aurait aucun sens, même s’il avait des fidèles pour le croire.
Je n’ai parlé que de nos relations avec les évangéliques et les catholiques romains. Et concernant particulièrement ces derniers, du fait que le chemin de la réconciliation n’est pas achevé.
Il y a ailleurs des signes d’avancée non négligeable. Par exemple, il faut savoir que réformés et anglicans reconnaissent réciproquement la validité de leur consécration respective de l’Eucharistie ou de la Sainte Cène.
Avec les catholiques cela avance aussi. Cela a avancé sur bien des points, comme, en 1999, l’accord luthéro-catholique sur la justification, qui quoique imparfait, a le mérite d’exister. Et je ne désespère pas de voir des avancées rapides sur le point de la communion à la Cène que je viens d’évoquer : Dieu a toujours des ressources pour nous surprendre.
Mais on n’en est pas encore là. Et la question qui se pose donc en attendant, c’est que faire donc ? — surtout si on est légitimement pressé de voir ces querelles, qui ont parfois des allures de queues de cerises, prendre fin.
Que faire ? Eh bien à mon sens, il n’y a pas de recette, mais il y a quelques éléments d’orientation (et je ne parle pas du fond du travail œcuménique, mais du comportement concret en attendant ses aboutissements les plus concrets). Et des éléments d’orientation concernant nos comportements concrets en attendant me semblent se trouver, très pertinents, dans les indications de Paul.
« Je me suis fait tout à tous ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Paul nous l’indique dans le reste de son Épître lorsqu’il revient à cette question concernant les nourritures casher et les repas partagés (ch.11, développant son ch. 8 dont notre texte est une suite ; et il développe la même chose dans l’Épître aux Romains, ch. 14). Concrètement Paul invite à s’abstenir de nourriture non-casher, tout en expliquant qu’il n’y a aucun obstacle théorique à en consommer.
J’explique : la casherout est perçue par lui comme un pur symbole. Symbole du refus des idoles auxquelles sont consacrées les viandes courantes dans l’Empire romain d’alors : un romain, fût-il chrétien achète sur le marché des viandes consacrées et du vin offert en libations aux dieux romains, inexistants selon Paul — « il n’y a pas d’idoles » souligne-t-il (1 Co 8).
Ce refus des idoles est précisément une des choses que veut signifier la casherout, qui consiste à consacrer viandes et vin au Dieu unique. Du coup un juif, croirait-il au Christ, s’abstient de viandes non-casher.
Question : comment faire quand il s’agit de signifier l’unité juifs-païens à la Sainte Cène, partagée au cours d’un repas ? Paul reprochera à Pierre (dans son Épître aux Galates) — Pierre qui a donc manifestement tiré les mêmes conclusions que lui sur l’indifférence des nourritures non-casher —, Paul lui reprochera de participer aux repas, et donc à la communion, non-casher de païens d’un côté quand les juifs sont absents, et à celle casher de l’autre quand ils sont là.
Et on a là l’explication de l’invitation de Paul à s’abstenir : pour maintenir l’unité, juifs comme païens, mangez donc toujours casher en sachant que vous pourriez théoriquement faire le contraire. Abstenez-vous par égard pour ceux qui sont convaincus de devoir s’abstenir, qui seraient donc de fait « excommuniés », par une Cène célébrée au cours d’un repas non-casher.
Cela dit, que celui qui mange non-casher ne juge pas celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas, c’est-à-dire qui ne mange que casher, ne condamne pas celui qui mange non-casher.
Bref, si l’on transpose aujourd’hui, le « je me suis fait tout à tous » pourrait se traduire ainsi : dans la mesure où l’excommunication n’est pas levée, et même si ça me gêne, je m’abstiens, par solidarité, par égard pour le quotidien ordinaire où les choses fonctionnent ainsi, mais ne jugez pas défavorablement, ne condamnez pas ceux qui, par souci de bousculer le statu quo,… font comme si l’excommunication était déjà levée en communiant malgré tout. (D’autant plus que pour Paul, s’abstenir débouchait concrètement sur la possibilité de communier ensemble, tandis qu’aujourd’hui c’est l’inverse !)
Bref. Il n’y a pas de quoi en faire un fromage — après communion et avant dessert. Il s’agit simplement de savoir clairement comment on fait, et de le faire dans la fraternité et sans juger ni a fortiori condamner quiconque. Cela en sachant que tant que les choses ne seront pas réglées au niveau… « disciplinaire », les choses resteront compliquées. Il s’agit donc de faire pression œcuménique, et notamment sur la hiérarchie catholique, puisque côté protestant, la position officielle est celle de la table ouverte, pour que la communion spirituelle puisse être enfin signifiée dans le repas qui est censée la signifier !
R.P.
Après les prières pour l'Unité de janvier
12:35 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)