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24 juillet 2011
Jazz à Juan - Célébration oecuménique 2011
Voir ici les célébrations 2006-2011
(version pdf ici).
Et ici : 2004 et 2005 (pdf).
Après l'hommage rendu par Maya, nous poursuivons notre soirée en mémoire de John William par la célébration œcuménique, proposée par les communautés catholique et protestantes de notre ville, avec Craig Adams. Clôturant avec eux le festival de jazz, c’est avec reconnaissance que nous nous tournons vers Dieu, ensemble, pour un temps de louange, à travers le parcours de la vie de John William.
John William, de son vrai nom Ernest Armand Huss, est né le 9 octobre 1922 à Grand-Bassam au bord de la lagune Ébrié en Côte d'Ivoire, d'un père alsacien, Ernest Charles Huss, et d'une mère ivoirienne, Henriette Amoussan.
Un cri
D’abord la naissance est un cri.
C’est ainsi que chaque nouveau-né
manifeste qu’il existe.
Ce cri est une gigantesque bataille,
un assaut furieux
dont la naissance est l’enjeu,
lutte au corps à corps, combat de vie et de mort.
Pour échapper à l’asphyxie,
le nouveau-né doit inventer ses poumons.
Il descend jusque dans la tombe
pour arracher ce souffle créateur.
Ce cri est une victoire,
c’est le cri de la liberté !
En vérité, en vérité, je te le dis: à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. […]
Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.
Ne t’étonne pas si je t’ai dit: Il vous faut naître d’en haut.
Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit.
Jean 3, 3 & 6-8
Premier arrachement, il est séparé de sa mère dès 18 mois. Désormais, il est élevé par son père à Grand Bassam. Il quitte la Côte d’Ivoire à l'âge de 8 ans et est confié à une lointaine parente d'un petit village de Seine-et-Marne.
Comme un papillon
Chaque fois que j’essaie
de me libérer de mes ombres
pour me laisser envahir par ta lumière,
c’est Ta Résurrection qui m’envahit.
Une folle espérance alors me donne envie de vivre,
me met « en vie » de vivre,
et bouscule l’ombre des tombes…
Parce qu’en toi, un jour, libéré de ma gangue,
je m’éveillerai « papillon ».
Chaque fois que j’accepte,
au lieu de les subir,
les petits renoncements quotidiens,
mes petites morts quotidiennes…
Chaque fois que je m’efforce
de transformer ma mauvaise humeur en sourire,
c’est la Résurrection qui entre dans ma vie.
Alors, comme un papillon,
je meurs et je deviens…
Voici donc l’alliance que je conclurai avec [eux] : je déposerai mes enseignements au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi.
Jérémie 31, 33
En 1939, à 17 ans, il devient apprenti ajusteur-outilleur aux usines automobiles de Boulogne-Billancourt. En juin 1943, réquisitionné pour le Service Civique Rural, afin de remplacer les paysans prisonniers, il est envoyé en Charente-Maritime jusqu'en août 1943 ; puis à Montluçon, dans une usine qui fabrique des appareils détecteurs de sons pour les avions allemands — ce qui le conduira à la rencontre de la résistance…
Déchirure
La naissance est une séparation,
un arrachement,
une mort.
Pour créer, Dieu sépare
la lumière et les ténèbres,
l’eau et le sec,
le ciel et la terre.
Créer, c’est choisir,
et choisir, c’est séparer,
c’est arracher.
Pour que naisse
ce qui n’est pas encore,
Il faut que meure ce qui est…
La vocation de l’homme
Est précisément cet arrachement.
Le nouveau-né
doit s’arracher
au ventre maternel,
s’arracher au nid,
se distinguer de sa mère,
se distinguer du monde qui l’entoure.
L’Homme ne devient homme
qu’arraché au non-sens,
à l’absurde.
L’homme n’existe que comme distinct,
comme différent,
comme personne.
La naissance n’est possible
que dans une distance…
La liberté est une déchirure. (Jean Debruyne)
Nous le savons : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. […] Elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.
Romains 8, 22-21
En mars 1944, Ernest Armand Huss couvre un jeune ouvrier dans la pose d'explosifs sur du matériel destiné aux nazis. La nuit suivante, l'atelier explose. Arrêté puis incarcéré à la prison de Moulins, il est interrogé et torturé par la Gestapo. Il ne parlera pas.
Déporté politique à 22 ans, Ernest Armand Huss est envoyé au camp de concentration de Neuengamme, près de Hambourg (mars 1944 à mai 1945) sous le numéro "31 103".
Il est interné avec d’autres noirs et métis. Il survivra grâce à ses connaissances techniques : capable de lire les plans de montage industriels, il est envoyé dans une usine d'armement pour travailler comme ajusteur-outilleur.
L’expérience terrible des camps vérifie pour lui l’extension de la violence exterminatrice selon la parole de Frantz Fanon : « quand vous entendrez dire du mal des juifs, tendez l’oreille, on parle de vous ».
« Si c'est un homme »
Primo Levi rapporte, souvenir d’un autre camp : « Alors, pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d'un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît : nous avons touché le fond. Il est impossible d'aller plus bas : il n'existe pas, il n'est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la nôtre. Plus rien ne nous appartient : ils nous ont pris nos vêtement, nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écouteront pas, et même s'ils nous écoutaient, ils ne nous comprendraient pas. Ils nous enlèveront jusqu'à notre nom : et si nous voulons le conserver, nous devrons trouver en nous la force nécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose de nous, de ce que nous étions, subsiste. » (Primo Levi)
Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur insensible et je le remplacerai par un cœur réceptif.
Je mettrai en vous mon Esprit […].
Ézéchiel 36, 26-27a
Au cœur du sentiment du silence de Dieu… C’est depuis son expérience de déporté qu’Ernest Armand Huss renouvelle sa foi en Dieu. Tandis qu’en chantant pour réconforter ses camarades déportés, il a découvert la beauté et la musicalité de sa voix.
Libéré des camps, il perd sa mère et son père après avoir regagné la France où, plus tard, avec son épouse et ses enfants, il élira Antibes comme lieu de résidence.
Au retour des camps, il n’avait pas pu retourner travailler à l'usine qui lui rappelle trop le joug nazi. Ayant alors pris des cours de chant, s’est ouvert à lui un nouveau jour, sous son nom d’artiste : John William.
Des camps à la liberté et à la musique, il connaît une libération nouvelle, l’expérience de l’Exode libérateur, qui fonde tant de Gospels, une libération dont la portée spirituelle s’exprime par le chant…
Chanter
Aujourd'hui Seigneur
j’ai envie de chanter
Quelle étrange chose !
Chanter
Les sons, la voix
Se transforment
Pour porter plus haut
Pour porter plus loin
Un mot, un rêve
Un message, un cri
Un sourire, un bonheur
Une révolte, une fête
Une prière
Quelle étrange chose !
Chanter
Chanter pour te prier
Et·les mots sont mis en commun
Et les mots sont dits en commun
Un bonheur s'installe
Fort et plein d'émotion
Et tu es au milieu de nous
Tu chantes
Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici : toutes choses sont devenues nouvelles.
Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, […]
Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes […].
2 Corinthiens 5, 17-19
Nous arrivons à présent à la fin de notre célébration. Ceux qui le souhaitent sont invités à se lever pour dire cette prière qui a porté l’espérance chantée par les voix du Gospel depuis ses origines, le Notre Père.
Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ;
pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons
aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous soumets pas à la tentation
mais délivre-nous du mal,
car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire,
aux siècles des siècles. Amen.
23:50 Écrit par rolpoup dans Jazz, Silence & paroles | Lien permanent