Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2006-08 | Page d'accueil | 2006-10 »

18 septembre 2006

Pierre lui répond…






« Tu es le Christ »





 

 

 




Marc 8, 27-27 :
27  Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples: "Qui suis-je, au dire des hommes ?"
28  Ils lui dirent : "Jean le Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, l'un des prophètes."
29  Et lui leur demandait : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?" Prenant la parole, Pierre lui répond : "Tu es le Christ."
30  Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne.
31  Puis il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite.
32  Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.
33  Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit: "Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes."
34  Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive.
27  En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera.



*



Point du jeu de mot : « tu es Pierre et sur cette pierre... » chez Marc ; seule une confession qui marque ce que souligne la 1ère épître de Pierre : la pierre, c’est le Christ. Et l' « apostolicité » (pour reprendre le terme du credo « Église apostolique ») — l’ « apostolicité », c’est-à-dire la fidélité à ce que l'Église est fondée par les Apôtres — l’ « apostolicité » de l'Église, donc, est sa fidélité au message des Apôtres avec en son cœur, cette pierre d'angle de l'Église : le Christ, et la confession qui la fonde — « tu es le Christ ». Et en aucun cas n'est légitimée l'annexion de la succession de Pierre par le seul fait de résider dans une ville où il est peut-être mort !

Et si c'est le cas, s'il y est mort, c'est, justement, comme un esclave, à l'image de son maître crucifié : il n'a pas régné, ni comme un empereur, ni même comme un roi ou un chef quelconque, ni a fortiori comme chef militaire, ni à plus forte raison encore comme le plus absolutiste et donc le plus disqualifié des monarques se réclamant du plus humble — dans ce qu’on a appelé la chrétienté. Que peut-il y avoir en effet de plus disqualifiant dans selon le propos du Christ que la prétention à l'infaillibilité ?!

Ce qui n’empêche évidemment pas l’évêque de Rome d’être entendu — quand il questionne, je le précise comme protestant, plus que quand il décrète ! C’est ainsi que si l’évêque de Rome, même lui, si mal placé soit-il — pourrait-on dire —, me demandait des comptes sur l’attitude insupportable de Luther à l’égard des juifs par exemple — il m’appartiendrait de les donner. Et je le répète, aussi mal placé soit-il pour poser ces questions. Et si au lieu de donner les explications demandées, ou la formulation d’une demande de pardon, s’il n’y a pas d’excuse ; si au lieu de cela je me contentais de hausser le ton et de faire des menaces — et bien, je serais en train d’amener de l’eau au moulin de celui qui me questionnerait. Tout ça pour dire, au-delà de l’actualité — suivez mon regard —, qu’un protestant, lisant ce texte de Marc, considère le pape comme n’étant pas plus qu’un homme, et pas moins qu’un homme — comme tous les hommes, fussent-ils prophètes. Comme Pierre, à qui seul s’adresse Jésus dans ce texte (et pas à de supposés «successeurs»), Pierre qui lui non plus n’était pas infaillible. Un seul, le Christ, est la Parole-même de Dieu faite homme.

Sachant cela, venant de confesser le Messie, Pierre, lui, est à une distance infinie de prétentions à l’infaillibilité — fût-elle ponctuelle et occasionnelle —, lui qui voudrait cependant pour son maître qu’au moins il ne connaisse pas une mort de scélérat !

Allez ! Peut-être même espère-t-il même pour lui un règne de roi ! — il vient de dire qu’il est le Christ, le Messie, le roi, donc. Lui qui voudrait donc pour son maître au moins autre chose qu’une mort ignoble, et pourquoi pas ce qui lui revient, le règne des rois — plutôt que cette mort —, lui, Pierre, se fait tout de même pour cela traiter de satan !

Cela parce Pierre — lui-même — a donc dérapé ! On n’en est pourtant pas encore aux exorbitances de ceux qui se réclameront de lui !

Et Jésus d'en appeler à la croix par laquelle seule on peut le suivre ! Et jamais par la force militaire — par laquelle, entre autres, Pierre voudrait le défendre.

Certes, pourtant, on est loin de cela, comme des pontifications — parfois même infaillibles, qui plus est ! — dont on s’autorisera au nom de Pierre. Étrange !

Jésus, nous dit le texte, « fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive » (Mc 8, 34).

Comme Simon de Cyrène aidait Jésus à porter la sienne (Mc 15, 21), il nous appartient de prendre notre part de celle à qui elle est aujourd'hui si durement imposée.

Pour l’heure,
« il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne » (v.30). De quoi s'agit-il ? Pierre vient de reconnaître en lui le Messie — le « Christ » selon le mot grec choisi ici et qui indique l’universalité de la position messianique de Jésus.

« 
Il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne » (v.30). Jésus a-t-il peur pour lui-même, redoute-t-il les menaces que feraient peser sur lui la diffusion d'une telle nouvelle ? Il n'en est rien : Jésus est à la veille de sa dernière montée à Jérusalem et le verset suivant, suite auquel il rabroue Pierre, convainc qu'il en sait l'issue.

Il l'annonce à ses disciples : il sera mis à mort, et n'a pas l'intention d'y échapper ; et il invitera les disciples à sa suite. Alors pourquoi ce secret sur ce que vient confesser Pierre ? — qu’il est le Christ.

C'est qu'il est des mots, comme celui-là, qui sont chargés de préjugés et de passion. Des mots qui, ce faisant, déforment dans les bouches coupables de méchanceté, ou simplement d'inconscience, ce qu'ils étaient chargés de signifier.

« Tu es le Christ », dit Pierre. À dessein sans doute — pour bien marquer que la fonction messianique est plus large que ce que voudraient certains — on a donc le terme en grec, « Christ », traduction étrangère de l’hébreu ou araméen « Messie ».

Jésus est bien le Messie d'un Royaume universel.
Voilà aussi pourquoi il refuse de voir publier sa messianité. Il a suffisamment de difficultés comme ça avec les quiproquos incessants ; inutile d'en rajouter — en l’occurrence avec les Romains. Et on sait que ce sera bien le motif de sa crucifixion : concurrence avec César — car les crucifieurs « n’ont de roi que César » ! — qui se verra bientôt doté du pouvoir militaire d’étendre la foi ! Comme si c’était possible !

Quant à Jésus, nulle crainte dans sa prudence. Il le sait : sa fidélité au message universel de l'amour de Dieu lui vaudra la mort, et la fera risquer à quiconque lui sera fidèle. Jésus invite alors les siens, son peuple, même au cœur des quolibets, à n'avoir pas honte de ses paroles, celles de l'amour de Dieu pour tous les hommes.

Nulle crainte dans son refus de cette publicité-là. Encore une fois, ce n’est pas qu’il cherche en évitant ce quiproquo à éviter sa crucifixion — mais que l’on ne se méprenne pas sur la nature de son règne !

Ce que d’aucuns considèreront — prétexte pour sa mort — comme concurrence avec César, est insoutenable ! C’est comparer un limaçon fût-il empereur de l’univers — le fût-il même infailliblement — à celui dont le nom est au-dessus de tout nom (même s’il ne paie pas de mine aux yeux de l’empereur prétendu de l’Univers, César, de ses sbires et autres dispensateurs de courbettes — même si c’est lui qui se présente comme « un ver et non un homme »).

C’est ce genre de comparaison qui ne sont pas à la mesures qu’il s’agit de fuir. C’est la confusion qui pourrait naître de la diffusion du terme « Christ » que Jésus veut éviter. Bref, si « Christ » ne veut dire, comme on risque de l’entendre, que concurrent de César — eh bien, traiter Jésus de Christ, en ce seul petit sens, relève de la diffamation !


*


Il est le Christ, roi de l’Univers en un sens d’une toute autre ampleur, qui réduit les palais de César au rang d’une tanière. Cela dit, il est « Christ », comme le confesse Pierre, roi de l’Univers. Oui.

En un sens qui est que le Nom imprononçable se dévoile ici en son porte-parole comme étant effectivement insaisissable au point que le règne de son représentant ne peut qu’être tu à son tour.

Il en résulte que le Christ n’est la propriété d’aucun peuple, d’aucune Église. Il est le Fils de Dieu, le sauveur de l’univers  — le seul sauveur, et c’est pourquoi, « 
qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera. »

C’est de la sorte qu’il nous appelle à venir à lui, lui seul — qui que nous soyons, et comme nous sommes — aujourd’hui, maintenant !… 




R.P.,
Antibes,
17 septembre 2006






09:05 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

10 septembre 2006

Ephphata...






Ephphata : ouvre-toi
  











Ésaïe 35, 4-7
4  Dites à ceux qui ont le cœur troublé : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu. Il vient lui-même vous sauver.
5  Alors, les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s'ouvriront.
6  Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe.
7  La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif en sources jaillissantes. Dans le repaire où gîte le chacal, l'herbe deviendra roseau et papyrus.


Jacques 2, 1-5
1  Mes frères, ne mêlez pas des cas de partialité à votre foi en notre glorieux Seigneur Jésus Christ.
2  En effet, s'il entre dans votre assemblée un homme aux bagues d'or, magnifiquement vêtu ; s'il entre aussi un pauvre vêtu de haillons ;
3 si vous vous intéressez à l'homme qui porte des vêtements magnifiques et lui dites : "Toi, assieds-toi à cette bonne place" ; si au pauvre vous dites : "Toi, tiens-toi debout" ou "Assieds-toi là-bas, au pied de mon escabeau",
4 n'avez-vous pas fait en vous-mêmes une discrimination ? N'êtes-vous pas devenus des juges aux raisonnements criminels ?
5 Écoutez, mes frères bien-aimés ! N'est-ce pas Dieu qui a choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour les rendre riches en foi et héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment ?


Marc 7, 31-37
31  Jésus quitta le territoire de Tyr et revint par Sidon vers la mer de Galilée en traversant le territoire de la Décapole.
32  On lui amène un sourd qui, de plus, parlait difficilement et on le supplie de lui imposer la main.
33  Le prenant loin de la foule, à l'écart, Jésus lui mit les doigts dans les oreilles, cracha et lui toucha la langue.
34  Puis, levant son regard vers le ciel, il soupira. Et il lui dit : "Ephphata", c'est-à-dire : "Ouvre-toi."
35  Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se délia, et il parlait correctement.
36  Jésus leur recommanda de n'en parler à personne : mais plus il le leur recommandait, plus ceux-ci le proclamaient.
37  Ils étaient très impressionnés et ils disaient : "Il a bien fait toutes choses ; il fait entendre les sourds et parler les muets."


*


Ephphata
: ouvre-toi. La reprise par notre texte de l'araméen dans lequel Jésus prononce ces paroles n'est sans doute pas indifférente. Parole de Création. « Ephphata, Ouvre-toi » : derrière l'ouverture du sourd-muet, ou sourd-bègue, vers le monde extérieur, c'est aussi l'ouverture vers le Royaume qui s'annonce, et dont Jésus est porteur. Ouverture, comme un commencement, comme on nomme « Ouverture » le début d'une œuvre musicale ou littéraire. Ephphata 
: une nouvelle étape, un nouveau chapitre, une nouvelle création : au récit de la création de la Genèse : « Dieu vit que cela était bon » — ici : Jésus « a bien fait toutes choses » (v.37). Une nouvelle naissance s'ordonne pour le sourd-muet, ou le sourd-bègue, comme l’on peut traduire, qui devient ainsi, lui incapable de s’exprimer jusque là, comme notre porte-parole, le témoin du Royaume qui nous est promis, et que porte Jésus. Ouverture.

Et face à l'ouverture opérée par Jésus, ce qui ferme. Les trois textes d'aujourd'hui ont affaire à la même chose : la dignité, ce qui ouvre ; et ce qui lui porte atteinte, qui ferme. Que ce soit la maladie, l'infirmité ou la pauvreté. L'anti-Création ; l’anti-Royaume.

Le prophète Ésaïe promet un Royaume, une création enfin achevée, d'où sont bannies toutes les atteintes à la dignité. Il n'y a pas d'autre Royaume de Dieu que celui-là. « Dites à ceux qui ont le cœur troublé : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu. Il vient lui-même vous sauver. Alors, les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s'ouvriront. Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe. » (És 35, 4-6).

C'est à ce texte que renvoie Jésus guérissant le sourd-muet : « les oreilles des sourds s'ouvriront [...] la bouche du muet criera de joie ». Nouvel acte de création, ses doigts creusent les oreilles, sa salive anime la langue figée : bref, la glaise s’anime du souffle de Dieu qui la façonne. Jésus est celui qui fait venir le Royaume, y compris par ses miracles. C'est encore ce dont témoignent les Apôtres et ceux qui avec eux ont reçu ce don-là. C'est aussi ce dont sont appelés à témoigner tous ceux qui se réclament du Christ, en référence aux mêmes prophéties, quand bien même ils n'ont pas reçu de dons miraculeux, spectaculaires, ou simplement brillants.

C'est un témoignage auquel nous sommes tous appelés, et auquel renvoie l'Épître de Jacques : « N'est-ce pas Dieu qui a choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour les rendre riches en foi et héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment ? » (Jc 2, 5).
 

*


La vraie richesse n’est peut-être pas où l’on croit. Les dispositions les plus humbles peuvent être les plus remarquables dans le Royaume. Ici s’ouvre un carrefour tout aussi remarquable : ce qui ouvre vers le Royaume n’est pas ce qui brille et qui ouvre toutes les autres portes (avec pour symbole la richesse et l’or pour symbole à son tour de sa brillance). Or, quant au Royaume, ce qui brille peut fermer. Les dons propres à ouvrir sont anodins aux yeux aveugles à la Vérité. Jésus demande le silence après son miracle : le côté spectaculaire peut fermer là où lui, entend ouvrir.

Ce qui ouvre est ce qui établit en dignité, qui dévoile la dignité cachée, jamais ce qui écrase. Contre toutes les pauvretés, tous les mépris — y compris, mais pas seulement, la pauvreté en argent, qui bien sûr vaut à sa victime le mépris. C'est de ce mépris-là que Jacques parle en premier, nous l'avons entendu. Si, comme Jésus, méprisé, le pauvre par excellence (« celui, dit la Bible, qui pour nous s'est fait pauvre, de riche qu'il était ») ; si, tout comme ce Jésus est le prince du Royaume, le Royaume est destiné aux pauvres aux yeux du monde, comme dit Jacques, il nous appartient à tous d'ouvrir les yeux et de savoir que la dignité n'est pas dans le clinquant, dans ce qui se voit ou qui ambitionne d’exiger des égards.

La dignité est dans la considération que Dieu porte — cela sur les plus apparemment misérables : le sourd-muet, l’aveugle-né, le pauvre de Jacques.

Nous l’avons lu : « s'il entre dans votre assemblée un homme dont la belle tenue annonce que "ce n’est pas n’importe qui" ; s'il entre aussi un pauvre mal vêtu, qui lui, du coup, a tout de "n’importe qui" ; si vous vous intéressez à l'homme resplendissant et lui dites : "assieds-toi ici bien confortablement" ; si au pauvre vous dites : "pour toi, il doit y avoir de la place par-là…" » (Jc 2, 2-3).

… Faire cela, avise sa lettre, est exactement se mettre en travers de ce qu'a fait Jésus pour l'avancement du Royaume. Fermer là où lui, ouvre. Peut-être est-ce pour cela qu'il tarde tant à venir, ce temps du bonheur annoncé il y a deux mille ans et plus par les prophètes.


*


Alors bien sûr, compte tenu des réalités économiques différentes à l’époque de Jacques et à la nôtre, les choses ne se passent plus littéralement comme dans son Épître. Et puis l’échelle des valeurs, les lieux où l’on brille aussi, ne sont plus les mêmes. On n’est plus au temps, pas si lointain, où les premiers bancs des lieux de culte, places réservées, portaient les noms des familles les mieux loties — ou au temps, pas si lointain non plus, où le suffrage censitaire était de règle, et où en conséquence ne pouvait accéder au statut de notable d’Église que ceux qui payaient assez d’impôts ; ce qui faisait dire à un prédicateur du XIXème siècle qu’à cette époque, Jésus n’aurait pas pu être conseiller presbytéral.

Il ne s'agit évidemment pas de jeter la pierre à quiconque de ceux qui nous ont précédés. Seules les apparences ne sont plus les mêmes : plus de plaques pour réserver des bancs dans les lieux de culte, que la plupart de ceux qui brillent ont désertés, puisque ce n'est plus censé être à la mode (et je ne parle pas spécialement des riches d’argent — mais sûrement des riches en postures) ; bijouterie ou habillements sont
peut-être
  (?) moins signifiants — aujourd’hui, on parlerait plutôt de voitures de luxe — ; cela dit, la pratique que dénonce Jacques, elle, sous d’autres formes, s'est maintenue.
 

*


Car aujourd’hui comme hier, il s’agit d’être riche, beau, en bonne santé et intelligent. C’est mieux que d’être pauvre, mal foutu (sourd-muet !) et stupide, ou aveugle. Bref, mieux vaut être riche en estimes diverses : par exemple, dans l’air du temps ; une chose très évidente : les vedettes du
show-biz ou de la politique, ou même du show-biz
religieux. Jugés dignes de tous les égards — les uns qui ont belle allure ou qui chantent bien, les autres qui parlent bien, mais parfois pour ne rien dire ; et puis ceux qui sont canonisés par avance — ; égards parfois mérités, mais qui pas plus qu'aux temps bibliques ne rajoutent à la dignité devant Dieu, non plus que cela ne l'enlève à ceux qui en sont privés (mais à quoi n’est-on pas prêt pour être remarqué, genre « passer à la télé », lieu des courbettes médiatiques, qui humilient ceux qui en sont exclus !).

Jésus, lui, ouvre : les yeux, les oreilles, les voix… Et demande de ne pas le publier ! Mais en vain : déjà alors, que ne faisait-on pas pour passer dans la gazette du temps !
 

*


Allons un peu plus loin ici, avec cette question : et si Jésus nous disait, lorsqu’il refuse la publicité pour sa gloire, que le riche aussi, entrant dans la synagogue de Jacques (c’est le mot traduit par « assemblée »), ou dans un de nos temples, y cherche confusément un havre de discrétion ! Qu’il est fatigué des courbettes dont on l’a gavé toute la semaine, et que quelque chose au fond de lui n’a pas envie que ça recommence le dimanche. S’il avait finalement un désir enfoui de se retrouver tel qu’il est en vérité, devant Dieu, loin du portrait de lui-même que lui infligent les "paparazzi" de tous poils ? — et découvrir enfin que la liberté de l’Évangile peut lui permettre de n’être plus l’oppresseur, malheureux, que dénonce Jacques.

Tandis que le pauvre, ou le mal-foutu, lui, au contraire, espère quitter le regard de dédain qui lui colle à la peau comme ses hardes, pour se retrouver lui aussi tel qu’il est en vérité, devant Dieu. Bref, quand Jésus regarde chacun tel qu’il est en vérité, il ouvre le Royaume promis par Ésaïe, où chacun est vrai devant Dieu. Quand l’attitude que dénonce Jacques persiste à regarder les apparences, selon l’habitude, elle déçoit peut-être aussi bien le riche que le pauvre. Et l’habitude colle à la peau comme les haillons du pauvre.


*


Tout cela nous dit peut-être pourquoi le Royaume de Dieu semble si lointain : c'est que le Royaume ne marche pas selon ces façons-là : c'est exactement ce que nous disent Jésus, ou avec lui Ésaïe ou Jacques.

Au temps où la fréquentation des lieux de culte était réputée à la mode, les riches, d'argent, de prestige, de dons extraordinaires, ou que sais-je, les fermaient aux pauvres, pauvres de ces mêmes choses. Aujourd'hui où c'est considéré comme démodé, c’est ailleurs que se poursuit ce qui soulevait alors les invectives et les malédictions de Jésus et de Jacques. Rien de nouveau sous le soleil.
 

*


Ne serait-il pas temps pour tous, rappelle alors Jacques jusqu’à aujourd’hui, de se convertir à autre chose ? À la vraie dignité, qui est celle que nous confère Dieu, dans cette considération, ce contact — « Jésus lui mit les doigts dans les oreilles, cracha et lui toucha la langue » ; ce contact qui nous relève, et que ne sait pas offrir le monde des vanités ; ce contact qui permet à Jésus qui en a le don, d’ouvrir nos yeux aveugles à sa richesse ; de creuser et d'ouvrir à la parole de Dieu les oreilles des sourds que nous sommes tous, et d’animer de sa propre salive pour ouvrir à sa louange les muets que nous sommes tous ; d'ouvrir à son Royaume les pauvres qu'il nous faut être. Ouverture qu'il nous appartient, même à nous qui n'avons pas de dons miraculeux ou spectaculaires, d’offrir à chacun, d'une dignité infinie, pour cet autre vrai miracle : le dévoilement de cette dignité.

Pour cela, il nous appartient avant tout de le recevoir nous-même, ce contact de Jésus, d'y découvrir notre dignité et notre valeur, au-delà de ce qui les blesse, au-delà de nos souffrances et des mépris dont nous souffrons, des mépris de nous-même pour nous-même, parfois. Mais Dieu nous a jugés dignes d'envoyer Jésus pour nous. Allons le vivre, et le dire…



R.P.
Vence
10.09.06

 



15:50 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)

03 septembre 2006

Cérémonies…





 

... Rites et intériorité  












Invocation :

« Donne un petit instant à Dieu et repose-toi en lui. Entre dans la chambre de ton esprit ; n’y laisse entrer aucune pensée, hormis celle de Dieu, et tout ce qui peut t’aider à le chercher ; ferme la porte et mets-toi à sa recherche. Parle, à présent, ô mon cœur ! Parle à Dieu et dis-lui : "Je cherche ton visage, c’est ton visage que je cherche." Et maintenant, Seigneur mon Dieu, viens apprendre à mon cœur où et comment de chercher, où et comment te trouver. » (Anselme de Canterbury, Proslogion.)


*


Lectures :

Deutéronome 4, 1-2
1  Et maintenant, Israël, écoute les lois et les coutumes que je vous apprends moi-même à mettre en pratique: ainsi vous vivrez et vous entrerez prendre possession du pays que vous donne le SEIGNEUR, le Dieu de vos pères.
2  Vous n’ajouterez rien aux paroles des commandements que je vous donne, et vous n’y enlèverez rien, afin de garder les commandements du SEIGNEUR votre Dieu que je vous donne.
 

*

Marc 7, 1-23
1  Les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de Jésus.
2  Ils voient que certains de ses disciples prennent leurs repas avec des mains impures, c’est-à-dire sans les avoir lavées.
3  En effet, les Pharisiens, comme tous les Judéens, ne mangent pas sans s’être lavé soigneusement les mains, par attachement à la tradition des anciens ;
4  en revenant du marché, ils ne mangent pas sans avoir fait des ablutions ; et il y a beaucoup d’autres pratiques traditionnelles auxquelles ils sont attachés : lavages rituels des coupes, des cruches et des plats.
5  Les Pharisiens et les scribes demandent donc à Jésus : "Pourquoi tes disciples ne se conduisent-ils pas conformément à la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures ?"
6  Il leur dit : "Ésaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, car il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi ;
7  c’est en vain qu’ils me rendent un culte car les doctrines qu’ils enseignent ne sont que préceptes d’hommes.
8  Vous laissez de côté le commandement de Dieu et vous vous attachez à la tradition des hommes."
9  Il leur disait : "Vous repoussez bel et bien le commandement de Dieu pour garder votre tradition.
10  Car Moïse a dit : Honore ton père et ta mère, et encore : Celui qui insulte père ou mère, qu’il soit puni de mort.
11  Mais vous, vous dites : Si quelqu’un dit à son père ou à sa mère : le secours que tu devais recevoir de moi est qorbân, c’est-à-dire offrande sacrée…
12  vous lui permettez de ne plus rien faire pour son père ou pour sa mère :
13  vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre."
14  Puis, appelant de nouveau la foule, il leur disait : "Écoutez-moi tous et comprenez.
15  Il n’y a rien d’extérieur à l’homme qui puisse le rendre impur en pénétrant en lui, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur."
16  [Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende.]
17  Lorsqu’il fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l’interrogeaient sur cette parole énigmatique.
18  Il leur dit : "Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence ? Ne savez-vous pas que rien de ce qui pénètre de l’extérieur dans l’homme ne peut le rendre impur,
19  puisque cela ne pénètre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s’en va dans la fosse ?" Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs.
20  Il disait : "Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui rend l’homme impur.
21  En effet, c’est de l’intérieur, c’est du cœur des hommes que sortent les intentions mauvaises, inconduite, vols, meurtres,
22  adultères, cupidité, perversités, ruse, débauche, envie, injures, vanité, déraison.
23  Tout ce mal sort de l’intérieur et rend l’homme impur."

 

*



Voilà un des textes les plus délicats concernant les rapports du Nouveau Testament avec la religion juive. Comme d’habitude, je vais défendre les pharisiens. Je propose d’aborder ce texte par ce constat qu’il pose :

« Certains disciples » de Jésus ne se lavent pas les mains.

Ce « certains » doit nous mettre la puce à l’oreille. Il suppose : « pas tous » — d’autres disciples se les lavent. Ce détail permet de comprendre l’arrière-plan de la controverse. Et la raison pour laquelle il faut traduire ici, comme souvent, le mot grec
ioudaïoï par
« Judéens » (à savoir de la région de Judée) plutôt que « juifs » (de la religion juive) ; sachant que le mot a les deux significations.

Je m’explique. Reprenons le propos : « 
les pharisiens, comme tous les ioudaïoï, ne mangent pas sans s’être lavé soigneusement les mains », explique le texte ; cela contrairement à ce que font « certains
des disciples » de Jésus. Inutile de préciser qu’il ne s’agit pas d’une mesure d’hygiène ! Il s’agit d’une purification rituelle ; un geste par lequel on dit que le repas est placé devant Dieu, un des aspects de l’action de grâce. Le repas est lieu de communion avec Dieu. Un rite, donc, incontestablement respectable, et que la Torah requiert des prêtres.

En Judée, donc, contrairement à ce que font certains disciples de Jésus, qui eux sont Galiléens, on reprend la pratique.

Mais l’épisode se passe en Galilée, c’est-à-dire hors Judée. Ainsi le texte a précisé d’entrée : « les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem »… À savoir de la Judée, dont Jérusalem est la capitale. On a affaire à des Judéens en déplacement. L’Évangile explique donc que ces représentants de la Judée que sont, dans ce cadre, les pharisiens, font comme on fait en Judée : ils sacrifient au rite du lavement des mains, contrairement à certains des disciples de Jésus qui sont juifs aussi, mais Galiléens, pas Judéens !… Et qui ne sacrifient pas à ce rite judéen.

C’est donc assez simple : il s’agit d’une explication préalable pour que l’on saisisse le cadre du débat. Si en revanche, on traduit par « juifs », c’est-à-dire « les adeptes de la religion juive »,on ne comprend plus rien : qu’est-il besoin de préciser « les pharisiens comme tous les juifs » ? Répétition inutile ! Ou alors est-ce que les disciples de Jésus ne seraient pas juifs ? Si, naturellement, tout en n’étant pour la plupart pas Judéens, mais Galiléens. Et « 
certains
 » d’entre eux ne sacrifient pas au rite. C’est eux qui seront pris à partie.

Et l’on sait effectivement que le judaïsme de Galilée n’est pas exactement le même, considéré par les rigoristes comme moins pur, que celui de la Judée. Au point que dans la suite des temps, et déjà, à l’époque, en diaspora, dans le reste du monde, la Judée a donné son nom à la religion de Moïse : le judaïsme ; et ses habitants à ses adeptes : d’où le fait que le mot
ioudaïoï
en grec, peut se traduire par « Judéens » (connotation régionale), comme par « juifs » (connotation d’obédience religieuse), ainsi qu’on le comprend habituellement.

C’est pourquoi lorsqu’il s’agit du reste du bassin méditerranéen, comme pour les voyages de l’Apôtre Paul, il est tout à fait raisonnable de traduire « juifs ». Mais concernant la région d’Israël/Palestine, c’est-à-dire pour les évangiles, traduire
ioudaïoï par « juifs » a quelque chose d’un anachronisme. Ici la distinction n’est pas entre juifs et Grecs, ils sont tous juifs ; les distinctions sont entre les juifs de Judée et ceux de Galilée, voire gens de Samarie. Et ioudaïoï,
selon son sens premier d’ailleurs, désigne donc les Judéens, ce qui supprime bien des difficultés.

À commencer par ce qui sans cela apparaît constamment comme un anachronique antisémitisme du Nouveau Testament, comme en tout cas une potentialité antisémite — cela si la polémique permanente oppose juifs et chrétiens ! La polémique des évangiles est entre juifs — judéens d’un côté, et galiléens (autour de Jésus), de l’autre. (Il est significatif que les premiers chrétiens seront longtemps appelés « nazaréens », terme référant, entre autres, à Nazareth en Galilée.)

Et voici le départ de la polémique de notre texte : les pharisiens venus de Jérusalem en Judée, adeptes d’un judaïsme judéen de bonne observance, se lavent les mains, « comme tous les Judéens », ou : « selon la pratique judéenne ». La pratique galiléenne, du coup suspecte aux yeux des premiers, est plus floue. Les Galiléens, sont souvent accusés d’être semi-païens : on le voit bien dans les évangiles : moins grave que les Samaritains, mais pas très net quand même.

Or Jésus est Galiléen, comme ses disciples mis en cause. Et quand arrivent des gens de Jérusalem, des Judéens, c’est-à-dire dans un monde hiérarchisé (Jérusalem est la capitale !), des gens bien placés en matière de religion — ils font remarquer à Jésus le laisser-aller de certains des siens. Comme un appel du pied qui lui est lancé pour qu’il mette un peu d’ordre dans son troupeau et rappelle la droite observance !
 

*


Et voilà que contre toute attente, Jésus, non pas cependant qu’il donne raison à ses disciples, notez bien ; — mais Jésus vole dans les plumes des représentants de Jérusalem.

Mais attention, si ce qui est ici en vue est le rituel juif, ce n’est pas ce rituel-là en particulier qui est mis en cause. Sans quoi le texte évangélique serait un témoignage historique, intéressant certes, mais cantonné dans l’histoire, celle à laquelle renvoie l’épisode, celle dans laquelle écrit Marc, peut-être, et puis c’est tout. Une polémique datée. C’est de cette façon qu’on pointe les textes contre autrui, ici les juifs, et qu’on en évacue la pertinence.

Au-delà de sa signification dans son cadre d’origine, il faut se demander si l’interpellation de Jésus peut avoir un sens général, et donc un sens pour nous qui n’avons pas cette pratique judéenne. Quel est son sens concernant les rites, et nos rites inclus ?

Un rite a pour fonction de dessiner un espace symbolique, ou un temps, qui nous permette de nous extraire de nos agitations et de nos vanités, de nous axer sur l’essentiel ; qui n’est ni économique, ni commercial, ni politique… Nous axer sur ce que nous sommes devant Dieu. Un cadeau, même si nous en comprenons mal la valeur.

Un rite n’est rien d’autre que ce que nous faisons ce matin et qui au plan de l’efficacité et du rentable de nos sociétés ne sert à rien. Comme, souvent, un cadeau de valeur.

Un rite est une façon de dessiner dans nos agitations et nos vanités la dimension de la sainteté, de la mise à part. « Que ton nom soit sanctifié ! », mis à part, prions-nous… C’est ce que signifient les rites autour du repas auxquels sont attachés les Judéens de notre texte : faire du repas un moment extrait de la vanité, un cadeau, un moment à part, placé devant Dieu.

Cela correspond au fond à cette leçon de Jésus : « vous n’êtes pas de ce monde... je vous donne ma paix, paix que le monde ne connaît pas » — au-delà de toutes les agitations et les choses dites utiles.

Le rite ne fait rien d’autre qu’ouvrir des moments et des lieux symboliques en vue de cette paix. Si notre monde connaissait la valeur de ce temps de gratuité qui coûte des Shabbatoth au juifs et des dimanches matins aux chrétiens !… Il y gagnerait probablement en santé morale par le bénéfice d’un vrai repos ! Mais… chut ! il ne faut pas trop le dire ! Il paraîtrait que ça culpabilise… Ça fait partie en tout cas de ce que l’on reproche aux pharisiens…

Alors, on continue à ne pas trouver de paix, en se donnant le prétexte que Jésus aurait dit de ne pas se laver les mains, de ne pas dessiner de moments symboliques comme les pharisiens. Or il ne l’a pas dit !

Je propose un dernier éclairage qui nous permette de bien le saisir, en comprenant l’intention des pharisiens ; cela à partir de cet équivalent dans le meilleur du christianisme : la pratique de l’intériorité précisément ; le retour à Dieu dans la liturgie de sanctification, avec confession des péchés et paroles de grâce ; le retour à Dieu dans la prière, selon, comme le dit saint Augustin, que Dieu m’est plus intime que ma propre intimité. Voilà le propos qui est dans le rituel du repas chez les pharisiens ! Est-ce hasard si les premières saintes Cènes se faisaient autour d’un repas ?

Alors au fond, n’y a-t-il que quiproquo entre Jésus et les Judéens ? Ou n’y a-t-il que volonté de Marc, qui rapporte l’épisode, de rattacher à Jésus l’abandon par les chrétiens d’origine païenne de la pratique juive concernant les interdits alimentaires ? Cela dans le cadre des débats autour de la Cène précisément, suite à la mission de Paul ? Ce serait aller au-delà de ce qu’a dit Jésus ici.


La teneur exacte, Marc vient de la citer : « ce n’est pas ce qui entre en l’homme qui le souille, mais ce qui en sort » ; cela illustré par l’aboutissement — aux latrines au cas où certains voudraient ne pas comprendre. « Ce n’est pas ce qui entre en l’homme qui le souille, mais ce qui en sort ». En d’autres termes : si le rite a valeur symbolique réelle, il n’est pas une fin en soi, ce en quoi Jésus rejoint l’interprétation de nombre de ses corréligionnaires. Ce que signifie lavement de mains ou autres
rites, c’est qu’il est des espaces et des temps de sainteté qu’il est bon de dessiner. « Venez un peu à l’écart et reposez-vous », dit-il lui aussi à ses disciples.

*


Cela est légitime, mais n’est pas une fin en soi. Cela n’est pas une fin en soi, au risque de voir cette signification légitime des rites se pervertir, parce que l’homme est prompt à tout pervertir. Ainsi le dit ce grand témoin de l’espace intérieur, l’Ecclésiaste : « Dieu a fait les hommes droits, mais ils ont cherché beaucoup de détours ».


Ici, le détour est dévoilé par Jésus à travers l’usage que certains font de la loi légitime et bonne du
qorbân, c’est-à-dire de la sanctification de tel ou tel bien pour un usage cultuel. Chose très bonne en soi, mais parfaitement perverse si elle devient un moyen de ne pas honorer ses parents, de transgresser donc, un autre commandement. Où la « pureté » serait dressée contre la charité!

Ainsi, ce n’est pas le judaïsme, ce ne sont pas les rites et ce qu’ils signifient qui sont mis en cause ; c’est le fait que
même cela
est utilisé par nos esprits retords pour ne pas obéir à Dieu.

Bref, vous connaissez l’histoire : « Seigneur, ne me dérange pas, je suis ne train de prier ! »
Que fait Jésus face aux Judéens qui veulent lui donner des leçons de direction de communauté concernant ses disciples — « rappelle-les à l’ordre quant au rite » — ? Il les renvoie à une autre question concernant le pur et l’impur :
« ce n’est pas ce qui entre en l’homme qui le souille, mais ce qui en sort »
. Bref, l’intériorité non plus n’est pas une garantie de pureté devant Dieu.

Vous vous croyez purs parce que vous accomplissez consciencieusement les rites ? Et si vous aviez tout bonnement — si nous avions, sans nous en rendre compte, donné occasion à nos faiblesses, paresses, conforts,… de tout fausser ? Si l'accès à un autre espace, qui est le sens du rite, de la culture de l’intériorité, devenue fin en soi, nous voyait alors rater sa signification : nous dégager de nous même et de nos agitations, nous rendre disponibles, pour découvrir ce pour quoi Dieu nous envoie ? C’est avec cette question que nous laisse ce texte.



R.P.
Antibes,
3 septembre 2006




« Tu es grand, Seigneur, et infiniment digne de louange : grande est ta force, et ta sagesse dépasse toute mesure. Et l'être humain, une parcelle de ta création. Tu le pousses, l'humain, qui porte en lui sa mortalité, qui porte avec lui le témoignage de son péché et le témoignage que tu résistes aux arrogants. Et pourtant, il veut te louer, l'humain, une parcelle de ta création. Tu le pousses à trouver plaisir à te louer, parce que tu nous as faits tournés vers toi et notre cœur est sans repos qu'il ne repose en toi. » (Augustin d'Hippone, Confessions.)






08:45 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)