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12 juin 2006
Trinité
Interroge les jours du début
Deutéronome 4, 32a & 39-40
32 Interroge donc les jours du début, ceux d’avant toi, depuis le jour où Dieu créa l’humanité sur la terre, interroge d’un bout à l’autre du monde : […]
39 Reconnais-le aujourd’hui, et réfléchis : c’est le SEIGNEUR qui est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre.
40 Garde ses lois et ses commandements que je te donne aujourd’hui pour ton bonheur et celui de tes fils après toi, afin que tu prolonges tes jours sur la terre que le SEIGNEUR ton Dieu te donne, tous les jours.
Romains 8, 14-17
14 […] Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu :
15 vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père.
16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
17 Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.
Matthieu 28, 16-20
16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : "Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
19 Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps."
*
« Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »… Trinité…, qui de nos jours, n’a pas toujours bonne presse. En ce dimanche dit « de la Trinité », justement, il n’est pas inutile de s’arrêter sur cet aspect des choses : confesser, ou non, la Trinité.
Et disons-le d’emblée : si l’on est chrétien, refuser la formule de la Trinité pourrait bien équivaloir à s’exposer à devoir inventer l’eau chaude….
Dès le Deutéronome, on est invité à considérer le passé ; ceux qui nous ont précédés — « interroge les jours du début ». Chose aujourd’hui assez étrange : écouter les anciens — pensez ! Eh bien ! quand on rejoint le peuple, par le baptême (Mt), c’est la même chose, on est héritier, gratifié du même héritage : fils adoptifs, cohéritiers (Ro). Un héritage qui remonte aux racines du peuple hébreu. Élargi dorénavant, depuis la mort de Jésus et la promesse de Pentecôte, aux autres nations. Notons à ce sujet que la formule baptismale concernant les premiers convertis des Actes des Apôtres est « au nom de Jésus » ;
cela malgré la fin de Luc, qui est le même auteur, et qui, juste avant le début des Actes envoie baptiser, comme Matthieu que nous venons de lire, « au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ». Malgré la fin de Luc, les premiers disciples des Actes sont baptisés « au nom de Jésus ».
On a beaucoup spéculé sur cette différence dans les formules. Eh bien ! remarquons simplement que ces premiers disciples sont juifs. C’est-à-dire qu’ils sont dans l’héritage du Père ; et vivent de son Esprit. Leur conversion est découverte de Jésus ressuscité, et de la plénitude du sens et de la vie dans l'Esprit. Et par lui, du Dieu signifié dans la formule trinitaire. Les païens, eux, ont tout l’héritage à recevoir : le Père, le Fils, et l’Esprit saint.
En commun, hériter : cela nous concerne tous. On entre dans une histoire. Y compris quant à la question de notre relation avec Dieu. On y entre par le baptême au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit.
En bref, et puisqu’on entre dans une histoire — que voulaient dire, concernant la Trinité, ceux qui nous ont précédés ? Ont-ils dit des choses inconsidérées ? Il est tentant de le penser…
Admettons toutefois que ce ne soit pas le cas. Et selon cette hypothèse, essayons d’entrer dans leur pensée. Ici la formulation de l’héritage remonte moins haut que le peuple de l’Exode. Elle remonte à l’Église ancienne. Il n’en est pas moins raisonnable de considérer cet héritage avec respect. Ceux qui nous ont précédés ont peut-être des choses à nous apprendre. C’est en tout cas la moindre des sagesses que de l’envisager, malgré la manie de la nouveauté qui affecte notre temps. Ou la bougeotte des inventeurs d’eau chaude.
Qu’en est-il du discours classique sur la Trinité ?…Voilà un Dieu que nul n’a jamais vu, qui est au-delà de notre capacité de compréhension. « Nul n’a jamais vu Dieu »… « Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, seul nous l’a fait connaître », dit le début de l’Évangile de Jean. Voila déjà qui est quelque peu trinitaire, tout de même.
Comme Jésus promettant à ses disciples l’envoi du Paraclet, l’Esprit de vérité, qui dit-il, vous conduira dans toute la vérité, qui vous rappellera ce que je vous ai fait connaître. Voilà qui est encore plus précis.
Bref, qu’ont su les anciens concernant la connaissance de Dieu comme Trinité, et qui semble nous échapper aujourd’hui ? — telle est la question. Alors, l’invitation « interroge les jours du début » — concernant Dieu — prend un autre sens, comporte plusieurs sens.
En fait, il s’agit de rien moins que du salut : connaître Dieu — « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ ». Ou, répondant à Philippe lui demandant « montre-nous le Père et cela nous suffit » — puisque c’est là le salut, Jésus, soulignant encore la dimension de la Trinité : « celui qui m’a vu a vu le Père ». Autant de paroles de parmi tant d’autres qui induisent que l’enjeu n’est pas négligeable.
C’est là l’héritage promis, dans lequel on entre par la participation à l’Esprit qui est celui du Christ. Cet Esprit qui nous conduit dans toute la vérité, qui nous rappelle intérieurement tout ce que Jésus a enseigné ; qui nous en dévoile des profondeurs que nous ne soupçonnions même pas.
Cohéritiers avec le Christ, qui seul dévoile le Père et ouvre le salut, bénéficiaires de ce dévoilement du Père, cohéritiers par la participation à son Esprit. Dieu, Père du Christ, devient ainsi notre Père, au sens fort, et pas simplement au sens vague de Créateur qui fait de toute chose, et même des animaux, voire des plantes des sortes d’enfants de Dieu. Ce n’est pas en ce sens que la Bible parle de Dieu comme notre Père : c’est en un sens équivalent à celui par lequel Jésus est Fils de Dieu. Et cela nous est donné par l’Esprit. C’est par l’Esprit que nous disons la prière « Notre Père », « Abba » en araméen, prière qui signe notre filiation divine, notre enfantement spirituel par Dieu.
Chose qui ne nous épargne pas les réalités de la vie, que le Christ lui-même a connues, les souffrances, les épreuves, etc. On le sait. Mais cela dit, cela prend un tout autre sens quand on a compris que cela devient par l’Esprit, le cheminement vers notre héritage, partagé avec le Christ confessé, héritage déjà promis au temps de Moïse.
Cette marche vers le salut qui est en soi Exode : ces paroles de salut sont invariablement des paroles de liberté : « vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves » vient de dire Paul (nous l’avons entendu). Et ailleurs : « c’est pour la liberté que le Christ vous a libérés ». Puis : « là où est l‘Esprit du Seigneur, là est la liberté ». Etc. Autant d’allusions à l’Exode, au premier signe du salut. C’est pourquoi dès ce temps, nous sommes invités à « interroger les jours du début ». Et on voit à quel point cela concerne aussi la question de la Trinité.
Le signe de cette participation au salut, à l’héritage du salut, est le baptême au nom de la Trinité. C’est pour cela que Jésus envoie ses disciples et nous enseigne à garder les paroles de liberté qu’il nous a transmises, paroles qui se résument dans les dix paroles de l’Exode, traçant la route du salut sur laquelle le baptême nous a placés à notre tour, « au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ». C’est de la sorte — en la présence du Père qu’il a dévoilé, présence par l’Esprit — que Jésus nous donne sa parole de consolation : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».
Je terminerai par une citation de Dante contemplant la Trinité : « L'effet de ce spectacle miraculeux est tel, qu'il est impossible de consentir à toute autre pensée. Le bien qu'on désire est tout en cette lumière : hors d'elle, tout est rempli de défauts ; dans elle, tout est doué de la perfection. Pour décrire ce dont je peux me souvenir, ma langue sera donc plus impuissante que celle d'un enfant à la mamelle. Ce n'est pas qu'il y eût dans cette vive lumière que je regardais, plus qu'un aspect unique, car il est toujours tel qu'il était auparavant : mais pour ma vue qui se fortifiait à mesure, que je le regardais, ce seul aspect s'altérait à cause du changement qui s'opérait en moi. Dans la claire et profonde subsistance de la haute lumière, il me sembla que je distinguais trois cercles de trois couleurs qui n'en formaient qu'un seul : le premier était réfléchi par le second, comme Iris réfléchit Iris ; le troisième paraissait un feu qui brillait de la lumière des deux autres. Que mes paroles sont vaines ! qu'elles sont molles pour exprimer ce que je conçois ! et ce que je conçois n'est plus rien, si je le compare à ce que j'ai vu. Ô lumière éternelle, qui ne reposes qu'en toi, qui seule peux t'entendre, et qui souris après t'être entendue, fortunée d'être seule à t'entendre, le second cercle qui brillait en toi, et que lu réfléchissais, lorsque je l'eus bien considéré, me parut d'une couleur qui approchait de celle de notre corps, et qui en même temps n'avait pas perdu la sienne propre. J'étais, devant cette vue nouvelle, semblable à ce géomètre qui s'efforce de mesurer le cercle, et cherche en vain dans sa pensée le principe qui lui manque. Je voulais savoir comment le cercle et notre image pouvaient s'accorder, et comment s'opère l'union des deux natures ; mais pour comprendre un tel mystère, mes forces n'étaient pas suffisantes : alors je fus éclairé d'une splendeur de la divine grâce, et mon noble désir fut satisfait. Ici la puissance manqua à mon imagination qui voulait garder le souvenir d'un si liant spectacle ; et ainsi que deux roues obéissent à une même action, ma pensée et mon désir, dirigés avec un même accord, furent portés ailleurs par l'amour sacré qui met en mouvement le soleil et les autres étoiles. » Dante Aligheri, La Divine Comédie, Le Paradis, XXXIII, (trad. De Montor).
R.P.,
Vence, 11 juin 2006
09:15 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
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