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28 mai 2006
Aller dans le monde…
... transformer
l’exil en mission
Jean 17, 11-19
11 Désormais, je ne suis plus dans le monde; eux sont dans le monde, et moi je vais à toi. Père saint, garde-les en ton nom, (ce nom) que tu m’as donné, afin qu’ils soient un comme nous.
12 Lorsque j’étais avec eux, je gardais en ton nom ceux que tu m’as donnés. Je les ai préservés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l’Écriture soit accomplie.
13 Et maintenant, je vais à toi, et je parle ainsi dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie parfaite.
14 Je leur ai donné ta parole, et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde.
15 Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin.
16 Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde.
17 Sanctifie-les par la vérité: ta parole est la vérité.
18 Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde.
19 Et moi, je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés dans la vérité.
*
« Désormais ». Mot important pour la suite du texte, dans la suite de cette prière de Jésus pour les siens. Mot important pour comprendre ce fameux « ils ne sont pas du monde », qui trouble tant les lecteurs de la Bible. Comme s’il voulait dire que ses disciples sont des sortes d’extraterrestres, qui n’auraient pas à s’occuper des choses bassement terrestres.
« Désormais ». — On est au moment du départ de Jésus, au moment de son Ascension.
Car dans l’Évangile de Jean, la Croix est Ascension, avec tout ce qu’est l’Ascension : glorification — « quand j’aurai été élevé de la terre, l’attirerai à moi tous les hommes — il parlait, précise le texte, de la mort dont il allait mourir » ; à savoir la Croix.
Glorification, donc ; et absence aussi, car l’Ascension, outre sa glorification, est le retrait de Jésus de la vue des disciples.
« Désormais je ne suis plus dans le monde », dit ainsi Jésus.
Effectivement, il va mourir, c’est-à-dire entrer dans la gloire proclamée à la Résurrection et à l’Ascension ; c’est-à-dire aussi s’absenter, sortir du monde, de ce monde. C’est déjà vrai au moment où il parle ; il parle déjà depuis son absence imminente, inéluctable : « désormais je ne suis plus dans le monde ». Malgré les apparitions du Ressuscité, qui cesseront au bout de 40 jours, scellant alors définitivement son départ du monde.
Mais « tandis que moi je vais à toi » … « eux restent dans le monde ». Alors, demande-t-il au Père, « garde-les en ton nom » ; garde-les «pour qu’ils soient un » ; évite-leur la dispersion qui serait leur fin, leur confusion avec le monde pour lequel je les envoie en témoins ; le monde, pour le salut duquel je te demande de les maintenir, ce monde que tu as tant aimé que tu m’y as envoyé. Désormais, ma mission à moi est terminée. Je les envoie à leur tour, je leur passe le relais.
Mais, ce faisant, ils demeurent avec moi, qui, désormais, ne suis plus dans le monde. Voilà comment il faut comprendre le fameux « être dans le monde, mais n’être pas du monde »
Être avec Jésus, qui n’est pas de ce monde, comme cela nous est signifié dans sa mort et dans son Ascension. Mais y être comme envoyés par lui pour poursuivre sa mission, qui est de dire et de sanctifier le nom de Dieu, dans lequel est le salut du monde. Sans lequel le monde se perd et se disperse ; ainsi en témoigne le fils de perdition, malgré lui — « pour que l’Écriture soit accomplie ».
Ce n’est pas dans un monde facile que Jésus nous laisse, et demande au Père de ne pas nous en enlever, mais simplement de nous y garder du Mauvais.
En fait, à son départ, les choses se poursuivent comme quand il était là : « lorsque j’étais avec eux, je les gardais en ton nom que tu m’as donné ; je les ai protégés ».
C’est la poursuite de la parole par laquelle il se présentait comme le berger : « je suis le bon berger », le berger du Ps 23, celui qui connaît chacune de ses brebis dans son intimité. Rien à voir, évidemment avec les pasteurs terrestres que nous sommes, et qui si nous prétendions l’égaler ne serions rien d’autre que des voleurs et des brigands.
Un père de l’Église, Augustin, le dit en ces termes : « Deus intimior intimo meo », « plus intime que mon intimité » ; ou plus simplement « Deus intimior meo », « Dieu plus intime à moi-même que moi-même ». Voilà la façon dont il nous connaît, façon dont aucun homme ne peut nous connaître. Voilà comment il nous garde dans le nom du Père, et comment après son départ le Père continue de nous garder selon sa prière.
On est bien au moment où il passe le relais : au Père pour qu’il nous garde comme notre berger, à nous pour que nous manifestions sa présence dans le monde.
Chose terrible, puisque cela nous annonce l’inimitié, la haine, qu’il a connues — oh, pas forcément jusqu’à la crucifixion ! — mais cela dit un aspect de notre mission, notre envoi dans le monde. Aimer quand on n’est pas aimé : « si vous aimez ceux qui vous aiment, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens font la même chose ! »…
Alors Jésus nous donne cette prière qu’il adresse au Père pour que dans cela nous ayons sa joie : « je dis ces paroles dans le monde pour qu’ils aient en eux ma joie dans sa plénitude ». Autrement dit, il s’agit pour nous de savoir que cela est prévu : nous sommes avec lui, de tout temps et de toute éternité, et puisque désormais, nous ne le voyons plus en ce monde, nous ne sommes pas de ce monde ; et en même temps nous y sommes bel et bien en ce monde, confrontés à sa méchanceté, due à sa douleur et à sa crainte.
Sa douleur de monde exilé loin de Dieu, et sa crainte d’un lendemain menaçant. Vous, « ne vous inquiétez pas, dit Jésus, j’ai vaincu le monde ». Le texte que nous avons lu, la prière de Jésus pour nous, est la transformation de notre exil en mission, par le dévoilement de la vérité.
« Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité ». Si nous avons entendu cette parole, la parole qui nous fonde en Dieu, la parole par laquelle nous sommes né de Dieu ; la parole selon laquelle, dès lors, fondamentalement, nous ne sommes pas de ce monde, étant du monde où Jésus est dérobé à nos yeux ; si nous avons entendu cette parole, si nous y sommes consacrés, c’est-à-dire sanctifiés, mis à part.
Dès lors notre présence en ce monde, exil et tristesse, traversée de chagrins et de douleurs incompréhensibles, en butte à la méchanceté due à la crainte — dès lors, par la parole qui nous a dévoilé la vérité et nous y scelle, notre présence ici devient mission. « Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde ».
Et nous n’y sommes pas seuls : son absence même est signe de cette vérité. Il nous passe le relais : « je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du Mauvais ».
Son départ prend alors pour nous une toute autre signification, celle de sa consécration — son départ est tout de même aussi sa mort, et on sait laquelle : « pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité ».
Ainsi, être dans le monde sans être du monde, ne signifie en aucun cas une sorte de désengagement, retrait du monde, mais au contraire, étant morts à nous-mêmes avec celui qui est mort pour nous — « pour eux je me consacre moi-même » —, être pleinement en ce monde envoyés par lui pour y être témoins de la vérité qui a le pouvoir de lui donner un visage autre que celui du Mauvais. Transformer l’exil en mission, tel est le signe dont il nous confie désormais le dépôt.
R. P.,
Antibes,
dimanche 28 mai 2006
09:55 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
20 mai 2006
Signe de l'Alliance
L'emplacement
du Temple
Après l’exil, le nouveau Temple se bâtit. On est entre joie et tristesse, avec une question : où est la gloire du Temple, c’est-à-dire son vrai sens?…
Esdras 3, 10-12
10 Lorsque les constructeurs posèrent les fondations du temple du Seigneur, on fit avancer les prêtres, en vêtements de cérémonie, avec des trompettes, et les lévites, descendants d’Assaf, avec des cymbales, pour acclamer le Seigneur selon les prescriptions de David, roi d’Israël.
11 Ils acclamèrent et louèrent le Seigneur en chantant à tour de rôle ce refrain: "Le Seigneur est bon, et son amour pour Israël n’a pas de fin!" Le peuple aussi faisait une ovation au Seigneur en poussant de grandes acclamations, parce que l’on posait les fondations de son temple.
12 Un grand nombre de prêtres, de lévites et de chefs de famille, assez âgés pour avoir connu le temple d’autrefois, pleuraient bruyamment pendant qu’on posait sous leurs yeux les fondations du nouveau temple;
Aggée 2, 3-9
3 "Y a-t-il encore parmi vous quelqu’un qui se rappelle quelle était la gloire du Temple d’autrefois? Or que constatez-vous maintenant? Ne voyez-vous pas que sa splendeur a été réduite à néant?
4 C’est pourquoi, moi, le Seigneur, je vous dis: Reprenez courage ! […] Mettez-vous au travail, je serai avec vous, je vous le promets, moi, le Seigneur de l’univers.
5 J’ai pris cet engagement lorsque vous êtes sortis du pays d’Égypte. Mon Esprit sera présent au milieu de vous. Vous n’avez rien à craindre!
6 Oui, moi le Seigneur de l’univers, je le déclare, dans peu de temps je vais ébranler le ciel et la terre, les mers et les continents.
7 Je mettrai toutes les nations étrangères sens dessus dessous. Leurs richesses afflueront ici et je redonnerai au temple une grande splendeur, je vous le déclare.
8 En effet, l’or et l’argent du monde entier m’appartiennent.
9 Ainsi la gloire du nouveau temple surpassera celle du premier. Et en ce lieu je vous accorderai la paix, c’est moi, le Seigneur de l’univers, qui le promets."
*
Revenons aux origines, pour retrouver les fondements de la vraie gloire du Temple…
« Le roi Salomon avait hérité de son père David de grandes richesses qu'il avait su, grâce à la sagesse de son gouvernement, faire prospérer. Chacun de ses desseins était toujours mené à bien, et sa gloire se répandait dans le monde entier. Mais, au fond de son cœur, Salomon demeurait attristé.
«A quoi me servent tous ces trésors, si les années s'écoulent sans que soit remplie la promesse faite à mon père? pensait-il avec amertume. J'ai fait édifier des dizaines de palais, mais le Temple en l'honneur de Dieu n'est toujours pas bâti. Le Seigneur m'est témoin que ce n'est pas mauvaise volonté de ma part si j'en diffère la construction. Comment cependant reconnaîtrais-je l'emplacement qui lui convient le mieux? La terre d'Israël est tout entière sainte, mais le sol où s'élèveront les murs du Temple devrait être le plus précieux à Dieu. »
Une nuit, Salomon songeait de nouveau à l'emplacement où il devait construire l'édifice. Son ancienne promesse lui pesait, et c'est en vain qu'il cherchait le sommeil. A minuit, ne dormant toujours pas, il décida de se lever et d'aller faire un tour. Il s'habilla rapidement et, sans bruit, afin de n'être pas vu des serviteurs, il se glissa hors du palais.
Il marcha dans Jérusalem endormie, passa à proximité de vastes jardins)et de bosquets qui murmuraient dans le vent et arriva finalement au pied du mont Moria. C'était juste après la moisson, et sur le flanc sud de la montagne se dressaient des gerbes de blé coupé.
Salomon s'adossa au tronc d'un olivier, ferma les yeux et dans son esprit se mirent à défiler les lieux les plus divers de son royaume. Il revit des collines, des vallées et des bois qui lui avaient semblé destinés au Temple, ainsi que des dizaines d'autres lieux où il était arrivé plein d'espoir, mais qu'il avait quittés déçu.
Soudain Salomon entendit des pas. Il ouvrit les yeux et aperçut dans le clair de lune un homme portant dans ses bras une gerbe de blé. «Un voleur!» pensa-t-il tout de suite.
Il s'apprêtait à sortir de sa cachette, dans l'ombre de l'arbre, mais se ravisa au dernier moment. «Attendons plutôt de voir ce que l'homme mijote», se dit-il.
Le visiteur nocturne travaillait vite et sans bruit. Il déposa la gerbe au bord du champ voisin, puis retourna en chercher d'autres, et continua ainsi jusqu'à ce qu'il eût cinquante gerbes. Puis, jetant un coup d’œil hésitant autour de lui pour s'assurer que personne ne l'avait vu, il s'en alla. .
-. «Charmant voisin, pensa Salomon. Le propriétaire du champ ne sait sans doute pas
pourquoi sa moisson diminue la nuit.»
Mais il n'eut pas le temps de réfléchir à la façon de punir le voleur: déjà, non loin de l'olivier sous lequel il s~trouvait, un autre homme arrivait. Il contourna les deux champs prudemment et, croyant.;être seul, prit une gerbe de blé qu'il emporta sur l'autre champ.
Il fit exactement comme le premier visiteur nocturne, si ce n'est qu'il portait le blé en sens inverse. Il reprit ainsi les cinquante gerbes, et repartit sans bruit.
«Ces voisins ne sont pas meilleurs l'un que l'autre, se dit Salomon. Je pensais qu'il n'yen avait qu'un qui volait, mais en fait le voleur lui-même est volé. »
Dès le lendemain, Salomon convoqua les deux propriétaires des champs. Il fit attendre le plus âgé dans une pièce contiguë et interrogea le plus jeune sévèrement: - Dis-moi de quel droit tu prends le blé du champ de ton voisin.
L'homme regarda Salomon avec surprise, et rougit de honte: - Seigneur, répondit-il, jamais je ne me permettrais pareille chose. Le blé que je transporte m'appartient, et je le dépose sur le champ de mon frère. Je souhaitais que personne ne le sache, mais puisque j'ai été surpris, je te dirai la vérité. Mon frère et moi avons hérité de notre pète un champ qui fut partagé en deux moitiés égales, bien que lui soit marié et ait trois enfants, alors que moi je vis seul. Mon frère a besoin de plus de froment que moi, mais il n'accepte pas que je lui donne le moindre épi. C'est pourquoi je lui apporte secrètement les gerbes. A moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.
Salomon fit passer l'homme dans la pièce contiguë et appela le propriétaire du second champ: -Pourquoi voles-tu ton voisin? s'enquit-il d'un ton rude. Je sais que tu lui prends du blé pendant la nuit.
- Dieu me garde de faire pareille chose, protesta l'homme, horrifié. C'est en vérité tout le contraire, Salomon. Mon frère et moi avons hérité de notre père deux parts égales d’un champ; mais, dans mon travail, je suis aidé par ma femme et mes trois enfants, tandis que lui est seul. Il doit faire venir le faucheur, le lieur et le batteur, de sorte qu'il perd plus d'argent que moi et sera plus tôt dans le besoin. Il ne veut pas accepter de moi un seul grain de blé; c'est pourquoi je lui apporte au moins ces quelques gerbes en secret. A moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.
Alors Salomon rappela le premier homme et, serrant avec émotion les deux frères dans ses bras, il dit : - J'ai vu bien des choses dans ma vie, mais jamais je n'ai rencontré de frères aussi désintéressés que vous. Pendant des années, vous vous êtes témoigné une bonté réciproque, que vous avez gardée secrète. Je tiens à vous exprimer toute mon affection et vous prie de me pardonner de vous avoir soupçonnés d'être des voleurs, quand vous êtes les hommes les plus nobles de la terre. A présent, j'ai une prière à vous adresser. Vendez-moi vos champs, que je fasse construire sur ce sol sanctifié par l'amour fraternel le Temple de Dieu. Aucun lieu n'en est plus digne, nulle part le Temple ne trouvera de fondements plus solides.
Les frères accédèrent volontiers au vœu de Salomon. Il lui laissèrent leur champ, et le roi d'Israël les en récompensa richement. En échange, il leur donna des terres plus fertiles et plus vastes, et fit annoncer dans tout le pays que l'emplacement pour le Temple de Dieu avait été trouvé. » (D’après Contes juifs, éditions Grund.)
Signe de ce que l’Alliance est solide, quoiqu’il arrive, son fondement symbolisé par ce conte est cette promesse :
“Quand les montagnes s’effondreraient, dit Dieu, Quand les collines chancelleraient, Ma bonté pour toi ne faiblira point et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée. Je t’aime d’un amour éternel, et je te garde ma miséricorde” (Ésaïe 54,10).
R.P.,
KT, Antibes,
20 mai 2006
19:45 Écrit par rolpoup dans Pause caté | Lien permanent | Commentaires (0)
14 mai 2006
Appelés enfants de Dieu
… et nous le sommes
1 Jean 3
1 Voyez, quel amour le Père nous a donné, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas: c’est qu’il ne l’a pas connu.
2 Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté; mais nous savons que lorsqu’il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est.
[…]
16 A ceci, nous avons connu l’amour: c’est qu’il a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères.
17 Si quelqu’un possède les biens du monde, qu’il voie son frère dans le besoin et qu’il lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui?
18 Petits enfants, n’aimons pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité.
19 Par là nous connaîtrons que nous sommes de la vérité, et nous apaiserons notre cœur devant lui,
20 de quelque manière que notre cœur nous condamne: Dieu est plus grand que notre cœur et connaît tout.
21 Bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance devant Dieu.
22 Quoi que ce soit que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable.
23 Et voici son commandement: Que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ, et que nous nous aimions les uns les autres, selon le commandement qu’il nous a donné.
24 Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui; et nous reconnaissons à ceci qu’il demeure en nous, par l’Esprit qu’il nous a donné.
*
« Voyez quel amour le Père nous a donné, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu. » Comment l’Épître en arrive-t-elle à une telle affirmation ? — : nous sommes appelés enfants de Dieu — du fait que Dieu nous a aimés, au point que l’Épître pourra dire finalement carrément : Dieu est amour / ou, selon la traduction, sans doute préférable, moins vague, de Chouraqui Dieu est chérissement : voyez quel amour le Père nous a donné, de quel amour il nous a chéris.
Rien d’évident dans une telle assertion — le Père nous a chéris —, sachant ce qu’est le monde, le cauchemar du monde — dont Dieu est tout de même le créateur ! —, sachant la haine de ce monde ennemi, que rappelle aussi l’Épître. Comment peut-on dire que Dieu nous aime, que Dieu est amour ?! Parole incroyable, ou, si on la prend au sérieux, une telle parole — le Père nous a aimés — pose ipso facto une mystérieuse souffrance en Dieu ; et effectivement ce qui fonde cette assertion, c’est qu’ « à ceci, nous avons connu l’amour: c’est qu’il a donné sa vie pour nous » (v. 16). La croix ! Amour égale, d’une façon ou d’une autre, souffrance.
Et en parallèle, non moins mystérieux, cette souffrance — exprimée à la croix, signe du don de sa vie — cette souffrance dans cet amour, fonde un détachement à l’égard du monde ; le détachement par la croix — « je ne suis plus dans le monde » disait Jésus pour ses disciples à l’approche de sa mort — détachement qui ouvre pour les disciples l’entrée dans l’amour de Dieu (« Nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères » — v. 16), — détachement, puisque, n’oublions pas, l’amour du monde est en opposition à l’amour de Dieu.
C’est tout cela que pose notre confession que Jésus est le fils de Dieu, manifestant Dieu comme Dieu-amour, Dieu qui nous chérit, donnant « sa vie pour nous » — ce qui atteste que Dieu nous reçoit comme ses enfants. Voilà qui demande éclaircissement.
*
Ainsi Dieu nous a aimés de sorte que nous sommes enfants de Dieu — réellement, précise l’Épître…, et cela ne se voit pas — tout comme, au regard de ce que sont les choses, il ne se voit pas que Dieu est amour.
C’est de la même sorte, donc, que nous sommes enfants de Dieu ; et que cela ne se voit pas, n’est pas encore clairement révélé — « nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ». Chose difficile à exprimer, qui correspond aussi au « pouvoir de devenir enfants de Dieu » du Prologue de l’Évangile de Jean, « pouvoir », c’est-à-dire « pas encore », « pas tout à fait ». En d’autres termes c’est là une réalité déjà avérée — « nous le sommes » —, déjà donnée à la foi au Ressuscité ; mais qui n’extrait pas du monde pour autant — chose déjà vraie, mais pas encore pleinement réalisée, comme le papillon et la chrysalide.
Ici « enfants de Dieu », ne veut évidemment pas dire simplement créatures, mais parle de filiation intérieure, ce don de la foi. Il s’agit de participation à la filiation du Ressuscité. Bref, nous sommes déjà ressuscités, mais le monde et tout ce qui fait son cortège de douleur et de malheur, qui prospèrent par le péché, persistent.
Où la dualité tragique nous traverse jusqu’au jour où « nous deviendrons semblables à lui », où ce que nous sommes réellement sera « clairement révélé ».
*
Car en attendant, qui prétendrait accomplir correctement ce que Dieu demande ? Nous l’avons entendu — ce détachement qui seul fonde l’amour : « Si quelqu’un possède les biens du monde, qu’il voie son frère dans le besoin et qu’il lui ferme son cœur », il manifeste par là être du monde — ne pas croire, ou pas tout à fait, que la vérité n’est pas de ce monde, qui, lui, est illusoire.
Eh bien, le fondement de l’amour / charité est la foi au Ressuscité, porte de la naissance au monde d’en haut — qui se traduit par un détachement des « biens » illusoires de ce monde (qui voudraient nous laisser comme prisonniers de notre chrysalide) — un détachement qui ne sera complet que lors de l’éclosion finale de l’être intérieur, enfant de Dieu. Ce détachement est concrétisé par ce signe de l’abandon des biens illusoires qu’est leur partage concret, « en action et en vérité ».
Attitude inverse à celle de Caïn (cité au v. 12 : « ne faisons pas comme Caïn, qui était du Malin et qui égorgea son frère » — Caïn dont le nom a comme racine « possession ». « Possession » des biens illusoires comme origine — dès le commencement — de la haine et du meurtre.
Être passé de la mort à la vie — détaché, dépossédé de ce monde — libère non « pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité ».
C’est le critère de notre communion avec Dieu, de notre paix : aimer en vérité. Mais alors voilà qui peut être inquiétant, et pas du tout apaisant. En effet, qui prétendra être à la mesure ? Comment dans ce cas, notre conscience, notre cœur, ne nous condamneraient-il pas, au fond ?
*
Eh bien, « De quelque manière que notre cœur nous condamne : Dieu est plus grand que notre cœur ». Parole décisive quand « l’apaisement de notre cœur », quand notre paix devant lui, est en rapport avec ce critère de notre connaissance de la vérité qui est que nous gardions ses commandements.
Car apparemment, il y a là tout pour n’être pas suffisamment apaisés devant lui : garder ses commandements, « que nous nous aimions les uns les autres » ! Qui est à la mesure ?
Eh bien « de quelque manière que notre cœur nous condamne: Dieu est plus grand que notre cœur et connaît tout. »
Il y a là, dans cette connaissance, suffisamment pour que « notre cœur ne nous condamne pas, [et que nous ayons] de l’assurance devant Dieu » — puisque Dieu, en effet, est plus grand que notre cœur, plus grand que notre conscience qui aurait tout pour nous condamner. Il n’y a donc d’assurance qu’en Dieu, de conscience apaisée qu’en Dieu.
C’est ainsi que son commandement, le fondement de son commandement, est bien « que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ ».
Une parole de Luther a bien exprimé cela : « […] à bon droit on attribue à la foi un pouvoir assez grand pour qu'elle puisse satisfaire aux exigences de tous les commandements et qu'elle nous justifie sans le concours d'aucune bonne œuvre. Car […] elle satisfait aux exigences du premier commandement qui prescrit : "Tu honoreras un seul Dieu." Quand vous ne seriez que bonnes œuvres des pieds à la tête, vous ne seriez quand même pas juste, vous n'honoreriez encore nullement Dieu et vous ne satisferiez pas aux exigences du tout premier d'entre les commandements. Car il n'est pas possible d'honorer Dieu sans lui reconnaître la véracité et toutes les qualités, comme il les possède d'ailleurs vraiment. C'est ce que ne fait aucune bonne œuvre, mais seule le fait la foi du cœur.
Aussi est-ce en elle seule que l'homme devient juste et satisfait aux exigences de tous les commandements. Car celui qui satisfait aux exigences du premier et du plus important d'entre les commandements, satisfera sûrement et aisément aux exigences de tous les autres commandements » (Traité de liberté du chrétien, éd. GF p. 214).
Alors l’autre partie de son commandement, « que nous nous aimions les uns les autres », devient, non pas parole impossible qui verrait à nouveau notre cœur nous condamner, mais expression de la liberté qui est dans la conscience libérée par celui qui est plus grand que notre conscience « et nous reconnaissons à ceci qu’il demeure en nous, par l’Esprit qu’il nous a donné. »
« SEIGNEUR, écoute ma prière, prête l’oreille à mes supplications, par ta fidélité, par ta justice, réponds-moi!
N’entre pas en jugement avec ton serviteur, car nul vivant n’est juste devant toi.
[…] Dès le matin, annonce-moi ta fidélité, car je compte sur toi. Révèle-moi le chemin à suivre, car je suis tendu vers toi.
SEIGNEUR, délivre-moi de mes ennemis ; Je me cache auprès de toi.
Enseigne-moi à faire ta volonté! Car c’est toi mon Dieu. Que ton Esprit me guide avec bienveillance sur un sol sans obstacle. » (Psaume 143, 1-2 & 8-10)
Esprit nous irriguant comme la sève du cep irrigue les sarments selon le texte de l’Évangile de ce jour, que nous lirons à présent :
Jean 15, 1-8 :
1 "Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron.
2 Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l’enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde, afin qu’il en porte davantage encore.
3 Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite.
4 Demeurez en moi comme je demeure en vous! De même que le sarment, s’il ne demeure sur la vigne, ne peut de lui-même porter du fruit, ainsi vous non plus si vous ne demeurez en moi.
5 Je suis la vigne, vous êtes les sarments: celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
6 Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il se dessèche, puis on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent.
7 Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera.
8 Ce qui glorifie mon Père, c’est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples.
C’est de la même façon que nous sommes déclarés enfants de Dieu, par la foi : « à qui croit en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu » (Jean 1, 12) — « Voyez, quel amour le Père nous a donné, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu ! Et nous le sommes réellement ».
R.P.
12:45 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
08 mai 2006
Rois et prophètes
Les habits neufs du roi
1 Samuel 8, 4-22a
4 Tous les anciens [du peuple] se rassemblèrent et vinrent trouver Samuel [...].
5 Ils lui dirent: "Te voilà devenu vieux et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, donne-nous un roi pour nous juger comme toutes les nations."6 Il déplut à Samuel qu’ils aient dit: "Donne-nous un roi pour nous juger." Et Samuel intercéda auprès du SEIGNEUR.
7 Le SEIGNEUR dit à Samuel: "Ecoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. Ils ne veulent plus que je règne sur eux.
8 Comme ils ont agi depuis le jour où je les ai fait monter d’Egypte jusqu’aujourd’hui, m’abandonnant pour servir d’autres dieux, ainsi agissent-ils aussi envers toi.
9 Maintenant donc, écoute leur voix. Mais ne manque pas de les avertir: apprends-leur comment gouvernera le roi qui régnera sur eux."
10 Samuel redit toutes les paroles du SEIGNEUR au peuple qui lui demandait un roi.
11 Il dit: "Voici comment gouvernera le roi qui régnera sur vous: il prendra vos fils pour les affecter à ses chars et à sa cavalerie, et ils courront devant son char.
12 Il les prendra pour s’en faire des chefs de millier et des chefs de cinquantaine, pour labourer son labour, pour moissonner sa moisson, pour fabriquer ses armes et ses harnais.
13 Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères.
14 Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs. Il les prendra et les donnera à ses serviteurs.
15 Il lèvera [l’impôt] sur vos grains et sur vos vignes et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs.
16 Il prendra vos serviteurs et vos servantes, les meilleurs de vos jeunes gens et vos ânes pour les mettre à son service.
17 Il lèvera [l’impôt] sur vos troupeaux. Vous-mêmes enfin, vous deviendrez ses esclaves.
18 Ce jour-là, vous crierez à cause de ce roi que vous vous serez choisi, mais, ce jour-là, le SEIGNEUR ne vous répondra point."
19 Mais le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel. "Non, dirent-ils. C’est un roi que nous aurons.
20 Et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations. Notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats."
21 Samuel écouta toutes les paroles du peuple et les répéta aux oreilles du SEIGNEUR.
22 Le SEIGNEUR dit alors à Samuel: "Ecoute leur voix et donne-leur un roi."
*
Il y a de longues années, vivait un roi qui aimait plus que tout les habits neufs, qui dépensait tout son argent pour être bien habillé. Il ne se souciait pas de ses soldats, ni du théâtre, ni de ses promenades dans les bois, si ce n'était pour faire montre de ses vêtements neufs. Il avait un costume pour chaque heure de chaque jour de la semaine et tandis qu'on dit habituellement d'un roi qu'il est au conseil, on disait toujours de lui: "Le roi est dans sa garde-robe!"
Dans la grande ville où il habitait, la vie était gaie et chaque jour beaucoup d'étrangers arrivaient. Un jour, arrivèrent deux escrocs qui affirmèrent être tisserands et être capables de pouvoir tisser la plus belle étoffe que l'on pût imaginer. Non seulement les couleurs et le motif seraient exceptionnellement beaux, mais les vêtements qui en seraient confectionnés posséderaient l'étonnante propriété d'être invisibles aux yeux de ceux qui ne convenaient pas à leurs fonctions ou qui étaient simplement idiots.
"Ce serait des vêtements précieux", se dit le roi. "Si j'en avais de pareils, je pourrais découvrir qui, de mes sujets, ne sied pas à ses fonctions et départager les intelligents des imbéciles ! Je dois sur-le-champ me faire tisser cette étoffe!" Il donna aux deux escrocs une avance sur leur travail et ceux-ci se mirent à l'ouvrage.
Ils installèrent deux métiers à tisser, mais ils firent semblant de travailler car il n'y avait absolument aucun fil sur le métier. Ils demandèrent la soie la plus fine et l'or le plus précieux qu'ils prirent pour eux et restèrent sur leurs métiers vides jusqu'à bien tard dans la nuit.
"Je voudrais bien savoir où ils en sont avec l'étoffe!", se dit le roi. Mais il se sentait mal à l'aise à l'idée qu'elle soit invisible aux yeux de ceux qui sont sots ou mal dans leur fonction. Il se dit qu'il n'avait rien à craindre pour lui-même, mais préféra dépêcher quelqu'un d'autre pour voir comment cela se passait. Chacun dans la ville connaissait les qualités exceptionnelles de l'étoffe et tous étaient avides de savoir combien leur voisin était inapte ou idiot.
"Je vais envoyer mon vieux et honnête ministre auprès des tisserands", se dit le roi. "Il est le mieux à même de juger de l'allure de l'étoffe; il est d'une grande intelligence et personne ne fait mieux son travail que lui!"
Le vieux et bon ministre alla donc dans l'atelier où les deux escrocs étaient assis, travaillant sur leurs métiers vides. "Que Dieu nous garde!", pensa le ministre en écarquillant les yeux. "Je ne vois rien du tout!" Mais il se garda bien de le dire.
Les deux escrocs l'invitèrent à s'approcher et lui demandèrent si ce n'étaient pas là en effet un joli motif et de magnifiques couleurs. Puis, ils lui montrèrent un métier vide. Le pauvre vieux ministre écarquilla encore plus les yeux, mais il ne vit toujours rien, puisqu'il n'y avait rien. "Mon Dieu, pensa-t-il, serais-je sot? Je ne l'aurais jamais cru et personne ne devrait le savoir! Serais-je inapte à mon travail? Non, il ne faut pas que je raconte que je ne peux pas voir l'étoffe."
"Eh bien, qu'en dites-vous ?", demanda l'un des tisserands.
"Oh, c'est ravissant, tout ce qu'il y a de plus joli !", répondit le vieux ministre, en regardant au travers de ses lunettes. "Ce motif et ces couleurs! Je ne manquerai pas de dire au roi que tout cela me plaît beaucoup!"
"Nous nous en réjouissons!", dirent les deux tisserands. Puis, ils nommèrent les couleurs et discutèrent du motif. Le vieux ministre écouta attentivement afin de pouvoir lui-même en parler lorsqu'il serait de retour auprès du roi; et c'est ce qu'il fit.
Les deux escrocs exigèrent encore plus d'argent, plus de soie et plus d'or pour leur tissage. Ils mettaient tout dans leurs poches et rien sur les métiers; mais ils continuèrent, comme ils l'avaient fait jusqu'ici, à faire semblant de travailler.
Le roi envoya bientôt un autre honnête fonctionnaire pour voir où en était le travail et quand l'étoffe serait bientôt prête. Il arriva à cet homme ce qui était arrivé au ministre: il regarda et regarda encore, mais comme il n'y avait rien sur le métier, il ne put rien y voir.
"N'est-ce pas là un magnifique morceau d'étoffe?", lui demandèrent les deux escrocs en lui montrant et lui expliquant les splendides motifs qui n'existaient tout simplement pas.
"Je ne suis pas sot, se dit le fonctionnaire; ce serait donc que je ne conviens pas à mes fonctions? Ce serait plutôt étrange, mais je ne dois pas le laisser paraître!" Et il fit l'éloge de l'étoffe, qu'il n'avait pas vue, puis il exprima la joie que lui procuraient les couleurs et le merveilleux motif. "Oui, c'est tout à fait merveilleux!", dit-il au roi.
Dans la ville, tout le monde parlait de la magnifique étoffe, et le roi voulu la voir de ses propres yeux tandis qu'elle se trouvait encore sur le métier. Accompagné de toute une foule de dignitaires, dont le ministre et le fonctionnaire, il alla chez les deux escrocs, lesquels s'affairaient à tisser sans le moindre fil.
"N'est-ce pas magnifique?", dirent les deux fonctionnaires qui étaient déjà venus. "Que Votre Majesté admire les motifs et les couleurs!" Puis, ils montrèrent du doigt un métier vide, s'imaginant que les autres pouvaient y voir quelque chose.
"Comment!, pensa le roi, mais je ne vois rien! C'est affreux! Serais-je sot? Ne serais-je pas fait pour être roi? Ce serait bien la chose la plus terrible qui puisse jamais m'arriver."
"Magnifique, ravissant, parfait, dit-il finalement, je donne ma plus haute approbation!" Il hocha la tête, en signe de satisfaction, et contempla le métier vide; mais il se garda bien de dire qu'il ne voyait rien. Tous les membres de la suite qui l'avait accompagné regardèrent et regardèrent encore; mais comme pour tous les autres, rien ne leur apparût et tous dirent comme le roi: "C'est véritablement très beau !" Puis ils conseillèrent au roi de porter ces magnifiques vêtements pour la première fois à l'occasion d'une grande fête qui devrait avoir lieu très bientôt.
Merveilleux était le mot que l'on entendait sur toutes les lèvres, et tous semblaient se réjouir. Le roi décora chacun des escrocs d'une croix de chevalier qu'ils mirent à leur boutonnière et il leur donna le titre de gentilshommes tisserands.
La nuit qui précéda le matin de la fête, les escrocs restèrent à travailler avec seize chandelles. Tous les gens pouvaient se rendre compte du mal qu'ils se donnaient pour terminer les habits du roi. Les tisserands firent semblant d'enlever l'étoffe de sur le métier, coupèrent dans l'air avec de gros ciseaux, cousirent avec des aiguilles sans fils et dirent finalement: "Voyez, les habits neufs du roi sont à présent terminés !"
"Voyez, Majesté, voici le pantalon, voilà la veste, voilà le manteau!" et ainsi de suite. "C'est aussi léger qu'une toile d'araignée; on croirait presque qu'on n'a rien sur le corps, mais c'est là toute la beauté de la chose!"
"Oui, oui !", dirent tous les courtisans, mais ils ne pouvaient rien voir, puisqu'il n'y avait rien.
"Votre Majesté Impériale veut-elle avoir l'insigne bonté d'ôter ses vêtements afin que nous puissions lui mettre les nouveaux, là, devant le grand miroir !"
Le roi enleva tous ses beaux vêtements et les escrocs firent comme s'ils lui enfilaient chacune des pièces du nouvel habit qui, apparemment, venait tout juste d'être cousu. Le roi se tourna et se retourna devant le miroir.
"Dieu ! comme cela vous va bien. Quels dessins, quelles couleurs", s'exclamait tout le monde.
"Ceux qui doivent porter le dais au-dessus de Votre Majesté ouvrant la procession sont arrivés", dit le maître des cérémonies.
"Je suis prêt", dit le roi. "Est-ce que cela ne me va pas bien ? Et il en se tourna encore une fois devant le miroir, car il devait faire semblant de bien contempler son costume.
Les chambellans qui devaient porter la traîne du manteau de cour tâtonnaient de leurs mains le parquet, faisant semblant d'attraper et de soulever la traîne. Ils allèrent et firent comme s'ils tenaient quelque chose dans les airs; ils ne voulaient pas risquer que l'on remarquât qu'ils ne pouvaient rien voir.
C'est ainsi que le roi marchait devant la procession sous le magnifique dais, et tous ceux qui se trouvaient dans la rue ou aux fenêtre disaient: "Les habits neufs du roi sont admirables ! Quel manteau avec traîne de toute beauté, comme elle s'étale avec splendeur !" Personne ne voulait laisser paraître qu'il ne voyait rien, puisque cela aurait montré qu'il était incapable dans sa fonction ou simplement un sot. Aucun habit neuf du roi n'avait connu un tel succès.
"Mais il n'a pas d'habit du tout !", cria petit enfant dans la foule.
"Entendez la voix de l'innocence!", dit le père; et chacun murmura à son voisin ce que l'enfant avait dit.
Puis la foule entière se mit à crier: "Mais il n'a pas d'habit du tout!" Le roi frissonna, car il lui semblait bien que le peuple avait raison, mais il se dit: "Maintenant, je dois tenir bon jusqu'à la fin de la procession." Et le cortège poursuivit sa route et les chambellans continuèrent de porter la traîne, qui n'existait pas.
Conte de Hans Christian ANDERSEN
intitulé Les habits neufs de l'empereur, 1837
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Jean 18, 36-37
36 Jésus répondit [à Pilate devant qui il comparaissait] : "Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, les miens auraient combattu pour que je ne sois pas livré [pour être condamné]. Mais ma royauté, maintenant, n’est pas d’ici."
37 Pilate lui dit alors: "Tu es donc roi?" Jésus lui répondit: "C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix."
R.P.
KT Antibes
6 mai 2006
15:10 Écrit par rolpoup dans Pause caté | Lien permanent | Commentaires (0)