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20 mai 2006

Signe de l'Alliance

 

 

L'emplacement

du Temple




 




Après l’exil, le nouveau Temple se bâtit. On est entre joie et tristesse, avec une question : où est la gloire du Temple, c’est-à-dire son vrai sens?…

Esdras 3, 10-12
10 Lorsque les constructeurs posèrent les fondations du temple du Seigneur, on fit avancer les prêtres, en vêtements de cérémonie, avec des trompettes, et les lévites, descendants d’Assaf, avec des cymbales, pour acclamer le Seigneur selon les prescriptions de David, roi d’Israël.
11 Ils acclamèrent et louèrent le Seigneur en chantant à tour de rôle ce refrain: "Le Seigneur est bon, et son amour pour Israël n’a pas de fin!" Le peuple aussi faisait une ovation au Seigneur en poussant de grandes acclamations, parce que l’on posait les fondations de son temple.
12 Un grand nombre de prêtres, de lévites et de chefs de famille, assez âgés pour avoir connu le temple d’autrefois, pleuraient bruyamment pendant qu’on posait sous leurs yeux les fondations du nouveau temple;

Aggée 2, 3-9
3 "Y a-t-il encore parmi vous quelqu’un qui se rappelle quelle était la gloire du Temple d’autrefois? Or que constatez-vous maintenant? Ne voyez-vous pas que sa splendeur a été réduite à néant?
4 C’est pourquoi, moi, le Seigneur, je vous dis: Reprenez courage ! […] Mettez-vous au travail, je serai avec vous, je vous le promets, moi, le Seigneur de l’univers.
5 J’ai pris cet engagement lorsque vous êtes sortis du pays d’Égypte. Mon Esprit sera présent au milieu de vous. Vous n’avez rien à craindre!
6 Oui, moi le Seigneur de l’univers, je le déclare, dans peu de temps je vais ébranler le ciel et la terre, les mers et les continents.
7 Je mettrai toutes les nations étrangères sens dessus dessous. Leurs richesses afflueront ici et je redonnerai au temple une grande splendeur, je vous le déclare.
8 En effet, l’or et l’argent du monde entier m’appartiennent.
9 Ainsi la gloire du nouveau temple surpassera celle du premier. Et en ce lieu je vous accorderai la paix, c’est moi, le Seigneur de l’univers, qui le promets."


*


Revenons aux origines, pour retrouver les fondements de la vraie gloire du Temple…

« Le roi Salomon avait hérité de son père David de grandes richesses qu'il avait su, grâce à la sagesse de son gouvernement, faire prospérer. Chacun de ses desseins était toujours mené à bien, et sa gloire se répandait dans le monde entier. Mais, au fond de son cœur, Salomon demeurait attristé.
«A quoi me servent tous ces trésors, si les années s'écoulent sans que soit remplie la promesse faite à mon père? pensait-il avec amertume. J'ai fait édifier des dizaines de palais, mais le Temple en l'honneur de Dieu n'est toujours pas bâti. Le Seigneur m'est témoin que ce n'est pas mauvaise volonté de ma part si j'en diffère la construction. Comment cependant reconnaîtrais-je l'emplacement qui lui convient le mieux? La terre d'Israël est tout entière sainte, mais le sol où s'élèveront les murs du Temple devrait être le plus précieux à Dieu. »
Une nuit, Salomon songeait de nouveau à l'emplacement où il devait construire l'édifice. Son ancienne promesse lui pesait, et c'est en vain qu'il cherchait le sommeil. A minuit, ne dormant toujours pas, il décida de se lever et d'aller faire un tour. Il s'habilla rapidement et, sans bruit, afin de n'être pas vu des serviteurs, il se glissa hors du palais.
Il marcha dans Jérusalem endormie, passa à proximité de vastes jardins)et de bosquets qui murmuraient dans le vent et arriva finalement au pied du mont Moria. C'était juste après la moisson, et sur le flanc sud de la montagne se dressaient des gerbes de blé coupé.
Salomon s'adossa au tronc d'un olivier, ferma les yeux et dans son esprit se mirent à défiler les lieux les plus divers de son royaume. Il revit des collines, des vallées et des bois qui lui avaient semblé destinés au Temple, ainsi que des dizaines d'autres lieux où il était arrivé plein d'espoir, mais qu'il avait quittés déçu.
Soudain Salomon entendit des pas. Il ouvrit les yeux et aperçut dans le clair de lune un homme portant dans ses bras une gerbe de blé. «Un voleur!» pensa-t-il tout de suite.
Il s'apprêtait à sortir de sa cachette, dans l'ombre de l'arbre, mais se ravisa au dernier moment. «Attendons plutôt de voir ce que l'homme mijote», se dit-il.
Le visiteur nocturne travaillait vite et sans bruit. Il déposa la gerbe au bord du champ voisin, puis retourna en chercher d'autres, et continua ainsi jusqu'à ce qu'il eût cinquante gerbes. Puis, jetant un coup d’œil hésitant autour de lui pour s'assurer que personne ne l'avait vu, il s'en alla. .
-. «Charmant voisin, pensa Salomon. Le propriétaire du champ ne sait sans doute pas
pourquoi sa moisson diminue la nuit.»

Mais il n'eut pas le temps de réfléchir à la façon de punir le voleur: déjà, non loin de l'olivier sous lequel il s~trouvait, un autre homme arrivait. Il contourna les deux champs prudemment et, croyant.;être seul, prit une gerbe de blé qu'il emporta sur l'autre champ.
Il fit exactement comme le premier visiteur nocturne, si ce n'est qu'il portait le blé en sens inverse. Il reprit ainsi les cinquante gerbes, et repartit sans bruit.
«Ces voisins ne sont pas meilleurs l'un que l'autre, se dit Salomon. Je pensais qu'il n'yen avait qu'un qui volait, mais en fait le voleur lui-même est volé. »
Dès le lendemain, Salomon convoqua les deux propriétaires des champs. Il fit attendre le plus âgé dans une pièce contiguë et interrogea le plus jeune sévèrement: - Dis-moi de quel droit tu prends le blé du champ de ton voisin.
L'homme regarda Salomon avec surprise, et rougit de honte: - Seigneur, répondit-il, jamais je ne me permettrais pareille chose. Le blé que je transporte m'appartient, et je le dépose sur le champ de mon frère. Je souhaitais que personne ne le sache, mais puisque j'ai été surpris, je te dirai la vérité. Mon frère et moi avons hérité de notre pète un champ qui fut partagé en deux moitiés égales, bien que lui soit marié et ait trois enfants, alors que moi je vis seul. Mon frère a besoin de plus de froment que moi, mais il n'accepte pas que je lui donne le moindre épi. C'est pourquoi je lui apporte secrètement les gerbes. A moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.
Salomon fit passer l'homme dans la pièce contiguë et appela le propriétaire du second champ: -Pourquoi voles-tu ton voisin? s'enquit-il d'un ton rude. Je sais que tu lui prends du blé pendant la nuit.
- Dieu me garde de faire pareille chose, protesta l'homme, horrifié. C'est en vérité tout le contraire, Salomon. Mon frère et moi avons hérité de notre père deux parts égales d’un champ; mais, dans mon travail, je suis aidé par ma femme et mes trois enfants, tandis que lui est seul. Il doit faire venir le faucheur, le lieur et le batteur, de sorte qu'il perd plus d'argent que moi et sera plus tôt dans le besoin. Il ne veut pas accepter de moi un seul grain de blé; c'est pourquoi je lui apporte au moins ces quelques gerbes en secret. A moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.
Alors Salomon rappela le premier homme et, serrant avec émotion les deux frères dans ses bras, il dit : - J'ai vu bien des choses dans ma vie, mais jamais je n'ai rencontré de frères aussi désintéressés que vous. Pendant des années, vous vous êtes témoigné une bonté réciproque, que vous avez gardée secrète. Je tiens à vous exprimer toute mon affection et vous prie de me pardonner de vous avoir soupçonnés d'être des voleurs, quand vous êtes les hommes les plus nobles de la terre. A présent, j'ai une prière à vous adresser. Vendez-moi vos champs, que je fasse construire sur ce sol sanctifié par l'amour fraternel le Temple de Dieu. Aucun lieu n'en est plus digne, nulle part le Temple ne trouvera de fondements plus solides.
Les frères accédèrent volontiers au vœu de Salomon. Il lui laissèrent leur champ, et le roi d'Israël les en récompensa richement. En échange, il leur donna des terres plus fertiles et plus vastes, et fit annoncer dans tout le pays que l'emplacement pour le Temple de Dieu avait été trouvé. » (D’après Contes juifs, éditions Grund.)


Signe de ce que l’Alliance est solide, quoiqu’il arrive, son fondement symbolisé par ce conte est cette promesse :
“Quand les montagnes s’effondreraient, dit Dieu, Quand les collines chancelleraient, Ma bonté pour toi ne faiblira point et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée. Je t’aime d’un amour éternel, et je te garde ma miséricorde” (Ésaïe 54,10).


R.P.,
KT, Antibes,
20 mai 2006

 

 

 

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08 mai 2006

Rois et prophètes





 

Les habits neufs du roi  











1 Samuel 8, 4-22a
4 Tous les anciens [du peuple] se rassemblèrent et vinrent trouver Samuel [...].
5 Ils lui dirent: "Te voilà devenu vieux et tes fils ne marchent pas sur tes traces. Maintenant donc, donne-nous un roi pour nous juger comme toutes les nations."6 Il déplut à Samuel qu’ils aient dit: "Donne-nous un roi pour nous juger." Et Samuel intercéda auprès du SEIGNEUR.
7 Le SEIGNEUR dit à Samuel: "Ecoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. Ils ne veulent plus que je règne sur eux.
8 Comme ils ont agi depuis le jour où je les ai fait monter d’Egypte jusqu’aujourd’hui, m’abandonnant pour servir d’autres dieux, ainsi agissent-ils aussi envers toi.
9 Maintenant donc, écoute leur voix. Mais ne manque pas de les avertir: apprends-leur comment gouvernera le roi qui régnera sur eux."
10 Samuel redit toutes les paroles du SEIGNEUR au peuple qui lui demandait un roi.
11 Il dit: "Voici comment gouvernera le roi qui régnera sur vous: il prendra vos fils pour les affecter à ses chars et à sa cavalerie, et ils courront devant son char.
12 Il les prendra pour s’en faire des chefs de millier et des chefs de cinquantaine, pour labourer son labour, pour moissonner sa moisson, pour fabriquer ses armes et ses harnais.
13 Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères.
14 Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs. Il les prendra et les donnera à ses serviteurs.
15 Il lèvera [l’impôt] sur vos grains et sur vos vignes et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs.
16 Il prendra vos serviteurs et vos servantes, les meilleurs de vos jeunes gens et vos ânes pour les mettre à son service.
17 Il lèvera [l’impôt] sur vos troupeaux. Vous-mêmes enfin, vous deviendrez ses esclaves.
18 Ce jour-là, vous crierez à cause de ce roi que vous vous serez choisi, mais, ce jour-là, le SEIGNEUR ne vous répondra point."
19 Mais le peuple refusa d’écouter la voix de Samuel. "Non, dirent-ils. C’est un roi que nous aurons.
20 Et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations. Notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats."
21 Samuel écouta toutes les paroles du peuple et les répéta aux oreilles du SEIGNEUR.
22 Le SEIGNEUR dit alors à Samuel: "Ecoute leur voix et donne-leur un roi."


*


Il y a de longues années, vivait un roi qui aimait plus que tout les habits neufs, qui dépensait tout son argent pour être bien habillé. Il ne se souciait pas de ses soldats, ni du théâtre, ni de ses promenades dans les bois, si ce n'était pour faire montre de ses vêtements neufs. Il avait un costume pour chaque heure de chaque jour de la semaine et tandis qu'on dit habituellement d'un roi qu'il est au conseil, on disait toujours de lui: "Le roi est dans sa garde-robe!"
Dans la grande ville où il habitait, la vie était gaie et chaque jour beaucoup d'étrangers arrivaient. Un jour, arrivèrent deux escrocs qui affirmèrent être tisserands et être capables de pouvoir tisser la plus belle étoffe que l'on pût imaginer. Non seulement les couleurs et le motif seraient exceptionnellement beaux, mais les vêtements qui en seraient confectionnés posséderaient l'étonnante propriété d'être invisibles aux yeux de ceux qui ne convenaient pas à leurs fonctions ou qui étaient simplement idiots.
"Ce serait des vêtements précieux", se dit le roi. "Si j'en avais de pareils, je pourrais découvrir qui, de mes sujets, ne sied pas à ses fonctions et départager les intelligents des imbéciles ! Je dois sur-le-champ me faire tisser cette étoffe!" Il donna aux deux escrocs une avance sur leur travail et ceux-ci se mirent à l'ouvrage.
Ils installèrent deux métiers à tisser, mais ils firent semblant de travailler car il n'y avait absolument aucun fil sur le métier. Ils demandèrent la soie la plus fine et l'or le plus précieux qu'ils prirent pour eux et restèrent sur leurs métiers vides jusqu'à bien tard dans la nuit.
"Je voudrais bien savoir où ils en sont avec l'étoffe!", se dit le roi. Mais il se sentait mal à l'aise à l'idée qu'elle soit invisible aux yeux de ceux qui sont sots ou mal dans leur fonction. Il se dit qu'il n'avait rien à craindre pour lui-même, mais préféra dépêcher quelqu'un d'autre pour voir comment cela se passait. Chacun dans la ville connaissait les qualités exceptionnelles de l'étoffe et tous étaient avides de savoir combien leur voisin était inapte ou idiot.
"Je vais envoyer mon vieux et honnête ministre auprès des tisserands", se dit le roi. "Il est le mieux à même de juger de l'allure de l'étoffe; il est d'une grande intelligence et personne ne fait mieux son travail que lui!"
Le vieux et bon ministre alla donc dans l'atelier où les deux escrocs étaient assis, travaillant sur leurs métiers vides. "Que Dieu nous garde!", pensa le ministre en écarquillant les yeux. "Je ne vois rien du tout!" Mais il se garda bien de le dire.
Les deux escrocs l'invitèrent à s'approcher et lui demandèrent si ce n'étaient pas là en effet un joli motif et de magnifiques couleurs. Puis, ils lui montrèrent un métier vide. Le pauvre vieux ministre écarquilla encore plus les yeux, mais il ne vit toujours rien, puisqu'il n'y avait rien. "Mon Dieu, pensa-t-il, serais-je sot? Je ne l'aurais jamais cru et personne ne devrait le savoir! Serais-je inapte à mon travail? Non, il ne faut pas que je raconte que je ne peux pas voir l'étoffe."
"Eh bien, qu'en dites-vous ?", demanda l'un des tisserands.
"Oh, c'est ravissant, tout ce qu'il y a de plus joli !", répondit le vieux ministre, en regardant au travers de ses lunettes. "Ce motif et ces couleurs! Je ne manquerai pas de dire au roi que tout cela me plaît beaucoup!"
"Nous nous en réjouissons!", dirent les deux tisserands. Puis, ils nommèrent les couleurs et discutèrent du motif. Le vieux ministre écouta attentivement afin de pouvoir lui-même en parler lorsqu'il serait de retour auprès du roi; et c'est ce qu'il fit.
Les deux escrocs exigèrent encore plus d'argent, plus de soie et plus d'or pour leur tissage. Ils mettaient tout dans leurs poches et rien sur les métiers; mais ils continuèrent, comme ils l'avaient fait jusqu'ici, à faire semblant de travailler.
Le roi envoya bientôt un autre honnête fonctionnaire pour voir où en était le travail et quand l'étoffe serait bientôt prête. Il arriva à cet homme ce qui était arrivé au ministre: il regarda et regarda encore, mais comme il n'y avait rien sur le métier, il ne put rien y voir.
"N'est-ce pas là un magnifique morceau d'étoffe?", lui demandèrent les deux escrocs en lui montrant et lui expliquant les splendides motifs qui n'existaient tout simplement pas.
"Je ne suis pas sot, se dit le fonctionnaire; ce serait donc que je ne conviens pas à mes fonctions? Ce serait plutôt étrange, mais je ne dois pas le laisser paraître!" Et il fit l'éloge de l'étoffe, qu'il n'avait pas vue, puis il exprima la joie que lui procuraient les couleurs et le merveilleux motif. "Oui, c'est tout à fait merveilleux!", dit-il au roi.
Dans la ville, tout le monde parlait de la magnifique étoffe, et le roi voulu la voir de ses propres yeux tandis qu'elle se trouvait encore sur le métier. Accompagné de toute une foule de dignitaires, dont le ministre et le fonctionnaire, il alla chez les deux escrocs, lesquels s'affairaient à tisser sans le moindre fil.
"N'est-ce pas magnifique?", dirent les deux fonctionnaires qui étaient déjà venus. "Que Votre Majesté admire les motifs et les couleurs!" Puis, ils montrèrent du doigt un métier vide, s'imaginant que les autres pouvaient y voir quelque chose.
"Comment!, pensa le roi, mais je ne vois rien! C'est affreux! Serais-je sot? Ne serais-je pas fait pour être roi? Ce serait bien la chose la plus terrible qui puisse jamais m'arriver."
"Magnifique, ravissant, parfait, dit-il finalement, je donne ma plus haute approbation!" Il hocha la tête, en signe de satisfaction, et contempla le métier vide; mais il se garda bien de dire qu'il ne voyait rien. Tous les membres de la suite qui l'avait accompagné regardèrent et regardèrent encore; mais comme pour tous les autres, rien ne leur apparût et tous dirent comme le roi: "C'est véritablement très beau !" Puis ils conseillèrent au roi de porter ces magnifiques vêtements pour la première fois à l'occasion d'une grande fête qui devrait avoir lieu très bientôt.
Merveilleux était le mot que l'on entendait sur toutes les lèvres, et tous semblaient se réjouir. Le roi décora chacun des escrocs d'une croix de chevalier qu'ils mirent à leur boutonnière et il leur donna le titre de gentilshommes tisserands.
La nuit qui précéda le matin de la fête, les escrocs restèrent à travailler avec seize chandelles. Tous les gens pouvaient se rendre compte du mal qu'ils se donnaient pour terminer les habits du roi. Les tisserands firent semblant d'enlever l'étoffe de sur le métier, coupèrent dans l'air avec de gros ciseaux, cousirent avec des aiguilles sans fils et dirent finalement: "Voyez, les habits neufs du roi sont à présent terminés !"
"Voyez, Majesté, voici le pantalon, voilà la veste, voilà le manteau!" et ainsi de suite. "C'est aussi léger qu'une toile d'araignée; on croirait presque qu'on n'a rien sur le corps, mais c'est là toute la beauté de la chose!"
"Oui, oui !", dirent tous les courtisans, mais ils ne pouvaient rien voir, puisqu'il n'y avait rien.
"Votre Majesté Impériale veut-elle avoir l'insigne bonté d'ôter ses vêtements afin que nous puissions lui mettre les nouveaux, là, devant le grand miroir !"
Le roi enleva tous ses beaux vêtements et les escrocs firent comme s'ils lui enfilaient chacune des pièces du nouvel habit qui, apparemment, venait tout juste d'être cousu. Le roi se tourna et se retourna devant le miroir.
"Dieu ! comme cela vous va bien. Quels dessins, quelles couleurs", s'exclamait tout le monde.
"Ceux qui doivent porter le dais au-dessus de Votre Majesté ouvrant la procession sont arrivés", dit le maître des cérémonies.
"Je suis prêt", dit le roi. "Est-ce que cela ne me va pas bien ? Et il en se tourna encore une fois devant le miroir, car il devait faire semblant de bien contempler son costume.
Les chambellans qui devaient porter la traîne du manteau de cour tâtonnaient de leurs mains le parquet, faisant semblant d'attraper et de soulever la traîne. Ils allèrent et firent comme s'ils tenaient quelque chose dans les airs; ils ne voulaient pas risquer que l'on remarquât qu'ils ne pouvaient rien voir.
C'est ainsi que le roi marchait devant la procession sous le magnifique dais, et tous ceux qui se trouvaient dans la rue ou aux fenêtre disaient: "Les habits neufs du roi sont admirables ! Quel manteau avec traîne de toute beauté, comme elle s'étale avec splendeur !" Personne ne voulait laisser paraître qu'il ne voyait rien, puisque cela aurait montré qu'il était incapable dans sa fonction ou simplement un sot. Aucun habit neuf du roi n'avait connu un tel succès.
"Mais il n'a pas d'habit du tout !", cria petit enfant dans la foule.
"Entendez la voix de l'innocence!", dit le père; et chacun murmura à son voisin ce que l'enfant avait dit.

Puis la foule entière se mit à crier: "Mais il n'a pas d'habit du tout!" Le roi frissonna, car il lui semblait bien que le peuple avait raison, mais il se dit: "Maintenant, je dois tenir bon jusqu'à la fin de la procession." Et le cortège poursuivit sa route et les chambellans continuèrent de porter la traîne, qui n'existait pas.


Conte de Hans Christian ANDERSEN
intitulé Les habits neufs de l'empereur, 1837


*


Jean 18, 36-37
36 Jésus répondit [à Pilate devant qui il comparaissait] : "Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, les miens auraient combattu pour que je ne sois pas livré [pour être condamné]. Mais ma royauté, maintenant, n’est pas d’ici."
37 Pilate lui dit alors: "Tu es donc roi?" Jésus lui répondit: "C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix."


R.P.
KT Antibes
6 mai 2006



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25 mars 2006

N’allez pas croire...

 

 


"N’allez pas croire que

je sois venu abroger

la Loi ou les Prophètes"








Mt 5:17-19

17 « N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abroger, mais accomplir.

18 Car, en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé.

19 Dès lors celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements et enseignera aux hommes à faire de même sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. »

*

[...] "Monsieur Seguin n'avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres.
"Il les perdait toutes de la même façon ; un beau matin, elles cassaient leur corde, s'en allaient dans la montagne, et là-haut, le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C'étaient, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.
"Le brave Monsieur Seguin, qui ne comprenait rien au caractère de ses bêtes, était consterné. Il disait :
"'C'est fini ; les chèvres s'ennuient chez moi, je n'en garderai pas une.'
"Cependant, il ne se découragea pas, et, après avoir perdu six chèvres de la même manière, il en acheta une septième...
[...] "Monsieur Seguin avait derrière sa maison un clos entouré d'aubépines. C'est là qu'il mit la nouvelle pensionnaire. Il l'attacha à un pieu au plus bel endroit du pré [...].
La chèvre se trouvait heureuse et broutait l'herbe de si bon cœur que Monsieur Seguin était ravi.
"'Enfin, pensait le pauvre homme, en voilà une qui ne s'ennuiera pas chez moi !'
"Monsieur Seguin se trompait, sa chèvre s'ennuya.


*

« Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens "tu ne commettras pas de meurtre..." Mais moi je vous dis : quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement » (Mt 5:21-22). Si la Loi n'est jamais qu'un enclos et qu'un pieu avec une corde, le désir d'autre chose finira par la ronger, et par sauter au-dessus de l'enclos. Cela est vrai aussi pour les autres commandements auxquels renvoie Jésus : la convoitise pour ce qui n’est pas nôtre, le mensonge pour le serment, la haine et la vengeance contre l'amour du prochain.


*

"Un jour, [la petite chèvre] se dit en regardant la montagne :
"'Comme on doit être bien là-haut ! Quel plaisir de gambader dans la bruyère sans cette maudite [corde] qui vous écorche le cou !... C'est bon pour l'âne ou le bœuf de brouter dans un clos !... Les chèvres, il leur faut du large.'
"À partir de ce moment, l'herbe du clos lui parut fade. L'ennui lui vint. Elle maigrit, son lait se fit rare [...]
"Monsieur Seguin s'apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que c'était... Un matin, comme il achevait de la traire, la chèvre se retourna et lui dit dans son [langage] :
"'Écoutez, monsieur Seguin, je me languis chez vous, laissez-moi aller dans la montagne.
"- Ah ! [...] Elle aussi !' cria Monsieur Seguin stupéfait...
"'Comment Blanquette, tu veux me quitter !'
"Et Blanquette répondit :
"'Oui, Monsieur Seguin.
"- Est-ce que l'herbe te manque ici ?
"- Oh ! non, Monsieur Seguin.
"- Tu es peut-être attachée de trop court. Veux-tu que j'allonge la corde ?
"- Ce n'est pas la peine, monsieur Seguin.
"- Alors qu'est-ce qu'il te faut ? Qu’est-ce que tu veux ?
"- Je veux aller dans la montagne, monsieur Seguin.
"- Mais malheureuse, tu ne sais pas qu'il y a le loup dans la montagne... Que feras-tu quand il viendra ?...
"- Je lui donnerai des coups de corne, monsieur Seguin.
"- Le loup se moque bien de tes cornes. Il a mangé des biques autrement encornées que toi [...]
"- [...] Ca ne fait rien, monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne.
"- [...] Eh bien, non... Je te sauverai malgré toi...'
"Là-dessus Monsieur Seguin emporte la chèvre dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à double tour. Malheureusement, il avait oublié la fenêtre, et à peine eut-il le dos tourné, que la petite s'en alla..."


*


Si la Loi n'est qu'une sombre étable pour nous garder prisonniers, il y aura toujours une fenêtre, par où nous laisser échapper nos frustrations.

*


"Quand la chèvre blanche arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins n'avaient rien vu d'aussi joli. On la reçut comme une petite reine. [...] Toute la montagne lui fit fête.

"[...] Plus de corde, plus de pieu... rien qui l'empêchât de gambader, de brouter à sa guise... C'est qu'il y en avait de l'herbe ! jusque par-dessus les cornes [...]!... Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes... C'était bien autre chose que le gazon du clos. [...]

"La chèvre blanche, à moitié saoule, se vautrait là-dedans [...,] roulait le long des talus [...].
"Elle franchissait d'un saut de grands torrents qui l'éclaboussaient au passage [...]. Alors toute ruisselante, elle allait s'étendre sur quelque roche plate et se faisait sécher par le soleil... Une fois, s'avançant au bord du plateau [...], elle aperçut en bas, tout en bas dans la plaine, la maison de Monsieur Seguin avec le clos derrière. Cela la fit rire aux larmes.
"'Que c'est petit ! dit-elle ; comment ai-je pu tenir là-dedans ?'
"Pauvrette ! de se voir aussi haut perchée, elle se croyait au moins aussi grande que le monde...
"En somme, ce fut une bonne journée pour la chèvre de Monsieur Seguin [...].

"Tout à coup le vent fraîchit. La montagne devint violette ; c'était le soir...
"'Déjà !' dit la petite chèvre, et elle s'arrêta fort étonnée.
"[...] Elle écouta les clochettes d'un troupeau qu'on ramenait, et se sentit l'âme toute triste... [...] puis ce fut un hurlement dans la montagne :
[...] "Elle pensa au loup, de tout le jour la folle n'y avait pas pensé... Au même moment une trompe sonna bien loin dans la vallée. C'était ce bon M. Seguin qui tentait un dernier effort.
[...] "Blanquette eut envie de revenir ; mais en se rappelant le pieu, la corde, la haie du clos, elle pensa que maintenant elle ne pouvait plus se faire à cette vie, et qu'il valait mieux rester.
"La trompe ne sonnait plus...

"La chèvre entendit un bruit de feuilles. Elle se retourna et vit dans l'ombre deux oreilles courtes, toutes droites, avec deux yeux qui reluisaient... C'était le loup."[...]

*


"Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir" (Mt 5:17). "Je serre ta promesse dans mon cœur afin de ne pas pécher contre toi" (Ps 119:11).
Celui qui ne se contente pas de la forme de son enclos, et de la raideur de son pieu et de sa corde, mais pour lequel la Loi et les Prophètes, secrètement, deviennent structure intime de son être intérieur ; celui-là est en passe d'être accompli ; celui-là, ne sera pas tenté de rompre une loi-carcan pour se retrouver désarmé dans le monde, mais armé du bouclier de la foi et de l'épée de l'Esprit (Ep 5:16-17), il n'aura pas à craindre la montagne.


D'après A. Daudet,
R.P.
25.03.06, Antibes, KT

 

 

 

 

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