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11 décembre 2006
2e dimanche de l'Avent
LUMIÈRE POUR TOUTES LES NATIONS
Ésaïe 60, 1-11
1 Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière: la gloire du SEIGNEUR sur toi s’est levée.
2 Voici qu’en effet les ténèbres couvrent la terre et un brouillard, les cités, mais sur toi le SEIGNEUR va se lever et sa gloire, sur toi, est en vue.
3 Les nations vont marcher vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton lever.
4 Porte tes regards sur les alentours et vois: tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi, tes fils vont arriver du lointain, et tes filles sont tenues solidement sur la hanche.
5 Alors tu verras, tu seras rayonnante, ton cœur frémira et se dilatera, car vers toi sera détournée l’opulence des mers, la fortune des nations viendra jusqu’à toi.
6 Un afflux de chameaux te couvrira, de tout jeunes chameaux de Madiân et d’Eifa ; tous les gens de Saba viendront, ils apporteront de l’or et de l’encens, et se feront les messagers des louanges du SEIGNEUR.
7 Tout le petit bétail de Qédar sera rassemblé pour toi, les béliers de Nebayoth seront pour tes offices; ils monteront sur mon autel, ils y seront en faveur; oui, je rendrai splendide la Maison de ma splendeur.
8 Qui sont ceux-là? Ils volent comme un nuage, comme des colombes vers leurs pigeonniers;
9 oui, les îles tendent vers moi, vaisseaux de Tarsis en tête, pour ramener tes fils du lointain et avec eux leur argent et leur or, en hommage au nom du SEIGNEUR, ton Dieu, en hommage au Saint d’Israël, car il t’a donné sa splendeur.
10 Les fils de l’étranger rebâtiront tes murailles et leurs rois contribueront à tes offices, car dans mon irritation je t’avais frappée, mais dans ma faveur je te manifeste ma tendresse.
11 Tes portes, on les tiendra constamment ouvertes, de jour, de nuit, jamais elles ne seront fermées, pour qu’on introduise chez toi la troupe des nations et leurs rois, mis en colonne!
Luc 3, 2b-6
2b La parole de Dieu fut adressée à Jean fils de Zacharie dans le désert.
3 Il vint dans toute la région du Jourdain, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés,
4 comme il est écrit au livre des oracles du prophète Ésaïe: Une voix crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
5 Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis;
6 et tous verront le salut de Dieu.
*
Les paroles d’Ésaïe que nous venons de lire sont données comme promesse après des épreuves terribles. La promesse prend toute sa signification un peu plus loin — Ésaïe 65, 17 : « voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle ; ainsi le passé ne sera plus rappelé, il ne remontera plus jusqu’au secret du cœur. »
C’est cette parole que reprendra la 2e épître de Pierre (3, 10-13), écrivant :
« Le jour du Seigneur viendra comme un voleur, jour où les cieux disparaîtront à grand fracas, où les éléments embrasés se dissoudront et où la terre et ses oeuvres seront mises en jugement. Puisque tout cela doit ainsi se dissoudre, quels hommes devez-vous être ! Quelle sainteté de vie! Quel respect de Dieu ! Vous qui attendez et qui hâtez la venue du jour de Dieu, jour où les cieux enflammés se dissoudront et où les éléments embrasés se fondront ! Nous attendons selon sa promesse des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habite. »
Promesse adressée à tous les peuples dès Ésaïe, et que 2 Pierre rappelle face à la longueur de l’attente de la délivrance. L’épître renvoie au récit du déluge, pour dire que le déluge n’était pas, loin s’en faut, la dernière catastrophe. Ce temps-ci, au sens total du terme, le temps de l’histoire, notre temps, est catastrophique.
Ainsi, le peuple d’Ésaïe est présenté comme revenant d’un exil épouvantable. Les catastrophes ne manquent pas dans l’histoire, qui est marquée d’un manque, du manque de sa plénitude qui est dans la présence de Dieu. C’est cette plénitude que promet Ésaïe, que reprendra (c’est un exemple) 2 Pierre, à l’instar de tant de textes du Nouveau Testament et de l’Église ultérieure.
On reconnaît ainsi dans ce texte d’Ésaïe l’image traditionnelle — que l’Église reprendra comme un aspect de la venue des Mages (image qui n’est pourtant pas telle dans Matthieu — où on le sait il est question de Mage et non de rois). L’Église ultérieure y lira ce qu’Ésaïe annonçait comme temps de la plénitude de Dieu : l'accueil de toutes les nations et la valeur de toutes leurs cultures, de toutes leurs richesses.
Ainsi, de même le Psaume de ce jour, Ps 126 : « SEIGNEUR, retourne avec nos captifs, comme les torrents du Néguev. Qui a semé dans les larmes moissonne dans la joie! Il s’en va, il s’en va en pleurant, chargé du sac de semence. Il revient, il revient avec joie, chargé de ses gerbes » (v. 4-6).
Plénitude des temps : c’est ainsi que les nations en Ésaïe sont le lieu d'où viennent les fils et filles de Sion exilés — en rapportant des richesses, avec la bénédiction de ces mêmes nations. Au point que sous un autre angle, les nations deviennent fils et filles de Sion, fournissent des fils et filles à Sion. Est-ce à cela que pensait Jean-Baptiste disant que Dieu peut susciter des enfants d'Abraham depuis les pierres ?
Deux vérités : Israël en exil parmi les nations, et Israël caché comme une partie des nations, révélées par la mission confiée par le Christ à l'Église. Ces deux vérités se recoupent et n'en font qu'une : Israël est une réalité spirituelle cachée depuis la fondation du monde, et l'histoire qui se développe depuis Abraham, à travers les exils et les exodes, est celle de la venue au jour de cet Israël caché, en Égypte, à Babylone, bien sûr, mais aussi en des lieux, aux extrémités de la terre, où apparemment l'Israël historique n'a jamais été exilé.
Ici, dans ce texte d'Ésaïe, au v. 6-7, globalement le Yémen, l'Arabie et l'Éthiopie actuelle, et au v. 9, l'Espagne. Dans Ésaïe, autant de lieux qui ne sont alors pas les lieux typiques de l'exil de l'Israël historique. Pourtant il y a dans tous ces lieux-là des fils et filles de Sion, exilés depuis la nuit des temps, depuis avant même l'existence de l'Israël historique.
Au-delà des enfants de la Sion historique, c’est le temps du rassemblement de tous les enfants de Sion, fils et filles cachés de la Jérusalem céleste — dont « les fils de l’étranger » (v. 11) ; ce temps annoncé par Ésaïe, est venu. "Allez, faites de toutes les nations des disciples", dira ainsi Jésus.
C'est là le fondement éternel de la mission, un mystère caché en Dieu depuis la fondation du monde, et dévoilé dans l'envoi des disciples aux nations par Jésus.
La consolation peut sembler vague, face à une détresse comme celle de nos jours ; en fait c’est la seule, mystérieuse, et d’une profondeur capable de couvrir toutes les détresses. Mais pas comme le monde le ferait !
« Le passé ne sera plus rappelé, il ne remontera plus jusqu’au secret du cœur », promet Ésaïe. Alors il apparaît que toute l'histoire est le déroulement d'un plan de Dieu, un plan secret, caché, se dévoilant (c'est le sens du mot "apocalypse", "dévoilement").
Tout est conçu en Dieu : c'est le vrai sens de cette doctrine prisée de la théologie réformée classique, qu'on appelle la prédestination, et qui n'a donc pas pour fonction de paralyser les initiatives des hommes, mais de les promouvoir. Aller à la rencontre de ce mystère éternel qui se dévoile par la mission : Dieu a des fils et filles cachés parmi toutes les nations, et qui doivent être dévoilés par le Christ, ramenés à Sion, à la Jérusalem céleste, portés sur les bras, triomphants, chargés de richesses, eux-mêmes richesse du Royaume.
Tandis que les ténèbres couvrent la terre, tandis que le brouillard de nos douleurs nous empêche encore de voir clairement ce mystère, la Jérusalem céleste est déjà rayonnante de cette lumière de Dieu, sa Gloire, le Christ, qui attire ses enfants, que leur résidence en toutes leurs nations a enrichis, pour que le Royaume de Dieu (et en signe dans notre temps, l’Église) soit riche de toutes leurs cultures, de toutes leurs couleurs, de toutes leurs légendes et traditions, de tous leurs chants.
*
Mais, pourrait-on dire à ce point, est-ce que cela ne ressemble pas à l’aspiration de tout empire ? S’accaparer les richesses de tous les peuples conquis ? Empire contre empire que cette espérance d’Ésaïe ? Jérusalem contre Babylone ? Jérusalem contre la Perse ? Jérusalem contre Rome ? Si ce n’est que cela, l’espérance messianique est bien triste, non ? En fait, à bien y regarder, il en est tout autrement ! Il y a bien là le constat que le Royaume universel n’est pas celui de Babylone ou de Rome, effectivement.
Mais le Royaume messianique n’est pas simplement une alternative géographique, un changement de lieu de domination, Jérusalem contre Babylone ! Le changement est aussi un changement de contenu, un changement de fond. Tous les peuples amènent leur richesse non pas dans le cadre d’un pillage, comme pour les autres empires, depuis l’Antiquité jusqu’aux XXe et XXIe siècles, mais dans le cadre de la reconnaissance envers un libérateur, le Messie, qui du coup, non seulement ne pille pas les richesses des peuples, mais les fait fructifier et les multiplie pour les peuples.
*
La promesse d'Ésaïe est en marche. Ceux qui déjà se sont approchés de la Sion éternelle, de la Jérusalem céleste, portent les louanges du Seigneur de loin en loin, se font ses messagers, pour autant d'échos d'extrémités du monde en extrémités du monde.
Le Christ : pourquoi ce moment ? Parce qu'il dévoile cet aspect des choses : la présence de Dieu avec les hommes — lumière et parole éternelle devenue toute proche. Plein de l'octroi de notre pardon. Par la foi seule, on a accès à la Jérusalem céleste. Cela vaut pour tous, quelle que soit sa tradition, sa provenance, ses rites. Sur ce fondement de la mission universelle, le pardon, et le pardon réciproque de tout ce qu'est chacun, le pardon des fautes pour l'acceptation de ce qui nous paraît étrange. C'est ce qui fait que l'Église est ce qu'elle est — universelle.
Le plan de Dieu, le dévoilement de ce grand mystère se poursuit, et nous sommes encore invités à en être. Aujourd'hui à nouveau, Dieu nous accueille comme ses enfants, tous, d'où que nous soyons, par pure grâce, par don. Voici venu le temps du rendez-vous avec nous-mêmes, dans l'attente de la rencontre avec Dieu. Rencontrer Dieu: c'est se convertir, être capable de changement : « Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis. Et tous verront le salut de Dieu » (Luc 3, 5-6). C'est au plus secret de nous-mêmes que se réalise l'inexprimable, la rencontre avec Dieu, la réconciliation avec Dieu.
R.P.
Vence, 10 décembre 06
12:55 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)
04 décembre 2006
1er dimanche de l'Avent
« À toi, mon Dieu, mon cœur monte… »
Psaume 25
1 De David.
SEIGNEUR, je suis tendu vers toi.
2 Mon Dieu, je compte sur toi ; ne me déçois pas ! Que mes ennemis ne triomphent pas de moi !
3 Aucun de ceux qui t’attendent n’est déçu, mais ils sont déçus, les traîtres avec leurs mains vides.
4 Fais-moi connaître tes chemins, SEIGNEUR ; enseigne-moi tes routes.
5 Fais-moi cheminer vers ta vérité et enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve. Je t’attends tous les jours.
6 SEIGNEUR, pense à la tendresse et à la fidélité que tu as montrées depuis toujours !
7 Ne te souviens pas des péchés de ma jeunesse ni de mes révoltes ; Souviens-toi de moi selon ta bienveillance, À cause de ta bonté, SEIGNEUR.
8 Le SEIGNEUR est si bon et si droit qu’il montre le chemin aux pécheurs.
9 Il fait cheminer les humbles vers la justice et enseigne aux humbles son chemin.
10 Toutes les routes du SEIGNEUR sont fidélité et vérité, pour ceux qui observent les clauses de son alliance.
11 Pour l’honneur de ton nom, SEIGNEUR, pardonne ma faute qui est si grande !
12 Un homme craint-il le SEIGNEUR ? Celui-ci lui montre quel chemin choisir.
13 Il passe des nuits heureuses, et sa postérité possédera la terre.
14 Le SEIGNEUR se confie à ceux qui le craignent, en leur faisant connaître son alliance.
15 J’ai toujours les yeux sur le SEIGNEUR, car Il dégage mes pieds du filet.
16 Tourne-toi vers moi ; aie pitié, car je suis seul et humilié.
17 Mes angoisses m’envahissent ; dégage-moi de mes tourments !
18 Vois ma misère et ma peine, enlève tous mes péchés !
19 Vois mes ennemis si nombreux, leur haine et leur violence.
20 Garde-moi en vie et délivre-moi ! J’ai fait de toi mon refuge, ne me déçois pas !
21 Intégrité et droiture me préservent, car je t’attends.
22 O Dieu, rachète Israël ! Délivre-le de toutes ses angoisses !
Luc 21, 33 :
« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. »
*
Voici que nous entrons dans cette période de l’Avent, où nous nous préparons à nouveau à célébrer Noël en tout ce que cette fête signifie. Période qui commence comme chaque année avec cet avertissement. Toutes choses passeront, plus vite qu’on ne croit.
Alors nous sommes invités à veiller, pour savoir ce qu’est la seule chose qui ne passera pas, cette parole éternelle venue nous rencontrer à Noël : « Veillez donc et priez en tout temps, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Luc 21, 36).
*
Nous entrerons cette année dans cet appel du 1er dimanche de l’Avent par la méditation du Psaume de ce jour, le Ps 25. Comment participer dès aujourd’hui à cette éternité de la parole qui ne passera pas, venue parmi nous à Noël.
Pour entrer dans ce Psaume, voyons donc ce qu’il dit en son premier sens. Que dit-il dans le contexte proposé au premier verset ? — Que le roi David est entouré de traîtres. C’est un peu le destin normal d’un chef politique.
Face à cela, ce qui peut faire la faiblesse du roi attaqué, ce sont ses fautes éventuelles. Que font ses ennemis ? Ils lui lâchent au train une troupe de paparazzis ou autres fouilleurs d’arrière-boutiques pour le discréditer. Quel homme en position de pouvoir ne connaît pas cela ? Deux exemples contemporains connus :
On a tous entendu parler de l’affaire des relations d’une stagiaire de la Maison Blanche et d’un Président américain, où un juge peu scrupuleux — à force de vouloir l’être trop ! — est allé fouiller les poubelles jusqu’à dévoiler au su et au vu de tous que le Président des États-Unis avait trompé sa femme, et jusqu’à le convaincre de mensonge puisqu’il s’est efforcé de nier un temps — pour, a-t-il expliqué ensuite, protéger sa famille.
David, on le sait, a connu une situation similaire, pire même en un sens, puisque non seulement il a séduit la femme d’un autre, mais pour écarter le mari, un de ses généraux, il l’a exposé sur le champ de bataille de sorte qu’il a été tué — je précise, parlant de David, qu’il ne s’agit pas, pour cet exemple, du sujet du Psaume 25 : il n’est pas sûr que ce Psaume 25 fasse allusion à cela.
Mais, pour le parallèle avec le Président des États-Unis : concernant David, quant à cet adultère doublé d’un quasi-meurtre, il a eu la chance d’avoir affaire, lui, à un prophète discret, le prophète Nathan. Il n’en a pas moins été traité par lui très sévèrement et David a dû s’humilier devant Dieu comme il le méritait. Et a avoué amèrement sa faute devant Dieu. On va voir combien cela est important.
Deuxième exemple dans l’actualité récente : les mésaventures du maire de Toulouse, accusé faussement de toutes les turpitudes et scandales. Faussement, mais, à l’appui des médias friands de ce genre de discrédit porté sur un homme public, tous l’ont cru. Imaginez la force d’appui que cela aurait pu donner à ses adversaires politiques.
Revenons à David : le roi sera d’autant plus accessible à ses ennemis, à ceux qui le trahissent, qu’ils auront « du grain à moudre » comme on dit — fût-ce un tissu de faussetés. Comme c’est le cas dans le Ps 25.
Mais, et c’est là la leçon importante du Psaume, quand les accusations sont fausses, que fait David ? Il demande à Dieu de le pardonner ! Non pas pour les péchés qu’il n’a pas commis, et dont on l’accuse à tort pour mieux l’abattre, pour mieux de trahir ; mais pour ce qu’il est un homme en proie à la faiblesse : si on l’accuse à tort, il ne prétend pas pour autant être l’agneau qui vient de naître. Il n’en sait que mieux le danger auquel il est exposé.
Et il ne présume pas de ses forces propres.
Il ne s’appuie donc pas sur son innocence, pourtant réelle en l’espèce, mais sur la fidélité de Dieu, qui s’est allié avec lui, et dont il n’a pas trahi l’alliance, contrairement à ses ennemis tapis dans l’ombre pour l’abattre.
Et quelle est cette alliance ? L’alliance royale bien sûr — il y fait allusion, selon laquelle son trône subsistera parce que Dieu en est garant. Mais aussi l’alliance qui nous concerne tous, scellée avec Abraham, l’Alliance de la foi, de la fidélité de Dieu, qui ne laisse pas tomber celui qui compte sur lui, et de la confiance qu’on peut lui faire.
*
Voilà qui vaut pour chacun de nous : je suis d’autant plus faible que je suis loin de Dieu. Ce qui fait de moi la proie de toutes les attaques. Derrière les ennemis de David, on peut imaginer tout ce qui peut nous séparer de Dieu — autant de figures, comme les ennemis de David, de celui que le Nouveau testament appelle l’ « ennemi de nos âmes ».
Alors la prière, le Psaume, commence par : « à toi mon Dieu, mon cœur monte » et termine par : « délivre-moi, ne me déçois pas », avant la louange finale : Dieu a exaucé cette prière.
Auprès de Dieu est la vie : monter vers Dieu est recevoir la vie, loin de lui, sont tous dangers. Oui en moi je suis faible, susceptible de pécher, de me laisser abattre par mes ennemis, mon ennemi. Et cela je le reconnais : combien de fois m’est-il arrivé de succomber, et de devenir ainsi la proie de ceux qui veulent me séparer de Dieu, rompre l’Alliance.
Alors, pardonne les péchés de ma jeunesse, — c’est-à-dire éventuellement ceux d’hier matin —. Et garde-moi de présumer de mes forces, et de croire que je puisse me mettre moi-même à l’abri du péché. Dès aujourd’hui je me place devant toi tel que je suis.
Et, « montre-moi, Seigneur la route, qui seule conduit à toi. »
Nous voilà donc entre l’élévation vers Dieu — et l’éloignement de Dieu, qui conduit au péché, et nous laisse en proie à tous les dangers, et à toutes les attaques injustes de l’ennemi qui veut nous abattre, et qui peut être parfois tout à fait personnalisé — voir les exemples mentionnés d’entrée : les gens en vue s’exposent aux attaques, mais pas eux seuls. La haine gratuite, ça existe ! Et rappelons-nous que nous sommes porteurs d’une parole qui dérange, et vaut persécution. Rappelez-vous : « heureux serez-vous lorsqu’on dire de vous toute sorte de mal à cause moi ».
Face à cela est la montée de notre cœur vers Dieu, qui est notre seul abri.
Et déjà ce seul tournement vers Dieu, cette conversion, est le salut, l’entrée sur le chemin de vérité et de vie, quels que soient les dangers, risques, les tentations, etc.
*
Et à ce point le Psaume a été lu dans l’histoire de l’Église comme parlant du Christ.
« Fais-moi connaître tes chemins, SEIGNEUR ; enseigne-moi tes routes. Fais-moi cheminer vers ta vérité et enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve. Je t’attends tous les jours. » (v. 4-5)
Cf. Jean 14, 4-6 : « "Quant au lieu où je vais, vous en savez le chemin." Thomas lui dit: "Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin?" Jésus lui dit: "Je suis le chemin et la vérité et la vie. Nul ne va au Père si ce n’est par moi." »
Les Psaumes ont été lus dans l’histoire de l’Église comme parlant du Christ en ce sens que Jésus s’est identifié aux pécheurs.
Il a fait siennes nos prières, en faisant sienne notre humanité. Et ça, c’est le message de Noël. Le juste, parole éternelle qui ne passe pas, est devenu l’un de nous, un homme mortel. Selon les termes de l’Épître aux Hébreux (4:15) : « Nous n’avons pas, en effet, un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses ; il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans pécher. »
Cela au point de faire siennes nos prières, nos Psaumes tout humains, à un point qui nous choque lorsque dans les Psaumes où nous croyons reconnaître le Christ — on en arrive à des confessions de péché et des demandes de pardon. Mais ce n’est plus le Christ cela, pensons-nous naturellement !
Eh bien en un sens, si, c’est lui. Non pas qu’il aurait péché lui-même ! — mais qu’il a fait siennes les conséquences de nos fautes. Et que donc, il confesse notre faute, nos fautes, en solidarité avec nous.
Il a fait siennes toutes nos limites, jusqu’à notre mortalité. Il a fait siens nos deuils : il a pleuré la mort de Lazare. Il a fait sienne notre humanité au sens le plus précis. Comme nous, il est devenu un individu, cet individu, appartenant à ce moment de l’histoire — né sous César Auguste, crucifié sous Ponce Pilate — ; appartenant à ce peuple, le peuple juif, préparé comme peuple de l’Alliance et donc peuple premier de Dieu. Cela aussi Jésus le fait sien jusqu’au bout ! Nous l’avons entendu avec l’histoire de la femme syro-phénicienne. Et bien, c’est comme cela, qu’il nous sauve. Celui qui est la parole éternelle, qui a fondé le monde et connaît tous les méandres de nos vies a emprunté un chemin, celui de l’Alliance qui va d’Abraham au Royaume. Et il contraint cette femme à le confesser en ses termes à elle, parlant pour sa part de miettes, comme il nous y contraint tous.
Comme il le dit d’une autre façon à une autre femme, la Samaritaine, en devenant cet homme, membre du peuple juif d’où vient le salut pour tous les hommes de tous les peuples. Héritier de l’Alliance royale scellée avec David : nous venons de le lire : « ses enfants après lui auront la terre en partage ». Et ses enfants, particulièrement, en cet enfant particulier qui est le chemin, le Christ. « Montre-moi, Seigneur, la route qui seule conduit à Toi » priait le Psaume de David.
Il est entré en nos chemins pour devenir notre chemin, chemin de vérité en qui seul est la vie. Faisant dès lors de la prière du Psaume celle de notre salut. Une prière où il est aussi question de miettes. Miettes en effet que ma justice : on m’accuse à tort, certes, prie le Psalmiste ; cela dit, mon salut n’est pas dans ma justice, mais dans la fidélité de Dieu à son Alliance. Ma justice n’est rien, elle n’est certes que miette, petit commencement.
L’ennemi est celui qui voudrait me déstabiliser à cause de cela et me séparer de mon seul soutien, de ma seule assurance : Dieu m’a rejoint dans mon chemin, et m’a ainsi montré le chemin, la vérité et la vie. C’est la bonne nouvelle que nous attendons à Noël : Dieu venu tout petit dans nos petits cheminements. Alors « à toi mon Dieu mon cœur monte ! »
R.P.
Antibes, culte "central"
Antibes-Cagnes-Vence
3 décembre 2006
Psaume 25,
Traduction Clément Marot 1543,
adaptée par Marc-François Gonin (éd. Vida 1998) :
I
1 À Toi, mon Dieu, mon cœur monte,
2 En Toi mon espoir est mis ;
Dois-je tomber dans la honte
Au gré de mes ennemis,
3 Jamais on n'est confondu
Quand sur Toi l'on se repose ;
Mais le méchant est perdu,
Car c'est à Dieu qu'il s'oppose.
II
4 Montre-moi, Seigneur, la route
Qui seule conduit à Toi ;
Fais-moi dépasser le doute,
Et progresser dans la foi.
5 Car enfin j’ai reconnu
Ta vérité évidente ;
En Toi, Dieu de mon salut
Est chaque jour mon attente.
III
6 Seigneur si fidèle, pense
Que tu montras en tout temps
La miséricorde immense
À laquelle je m’attends.
7 Mets loin de ton souvenir
Les péchés de ma jeunesse,
Et daigne encor me bénir,
Seigneur, selon ta promesse.
IV
8 Dieu, très juste et véritable,
Est aussi plein de pitié ;
Il ramène le coupable
Sur le bon et droit sentier.
9 Il prend le pauvre homme en main,
Vers la justice il l'oriente.
Il enseigne son chemin
À l'âme pauvre et souffrante.
V
10 Fidélité, bienveillance
Sont les sentiers du Seigneur
Pour qui garde l'alliance
En fidèle adorateur.
11 Hélas, Seigneur Dieu parfait,
Pour l'amour de ton Nom même,
Pardonne-moi mon forfait
Car c'est une faute extrême.
VI
12 Est-il quelqu'un à vrai dire
Cherchant Dieu sincèrement ?
L'Eternel pour le conduire
Parle au cœur du vrai croyant.
13 Il peut reposer la nuit
La paix est son héritage
Et ses enfants après lui.
Auront la terre en partage,
VII
14 Dieu révèle ses pensées
À ceux qui l’aiment vraiment ;
Il les leur fait voir tracées
Au long se son testament.
15 Quant à moi tous mes regards
Se dirigent vers sa face,
Il me sauve sans retard
Du filet où l’on m’enlace.
VIII
16 Jette enfin sur moi la vue,
Je suis seul et humilié ;
Que ta pitié soit émue,
Les hommes sont sans pitié.
17 Hélas, je sens empirer
De jour en jour ma détresse.
Seigneur, viens me délivrer
De ce fardeau qui m'oppresse.
IX
18 Fais sur moi briller ta face,
Vois ma peine et mon souci.
J'ai péché! Seigneur, efface
Tout le mal que j'ai commis.
19 Vois les ennemis qui sont
Contre nous en si grand nombre ;
Tu sais la haine qu'ils ont,
Combien l'avenir est sombre !
X
20 Préserve de toute embûche
Ma vie, et délivre-moi
De peur que je ne trébuche.
Alors que j'espère en Toi.
21 Que la simple intégrité
Qui convient aux tiens me serve.
22 Sauve Israël ; ta bonté
Seule, ô Seigneur, le conserve.
11:15 Écrit par rolpoup dans Dimanches & fêtes | Lien permanent | Commentaires (0)