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11 janvier 2006

Porte de la liberté

 

 

 

Il progressait en sagesse,

en stature et en grâce,

devant Dieu

et devant les hommes...

 

 

 

 



Luc 2, 40-52 :
40 Cependant l’enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui.
41 Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
42 Quand il eut douze ans, comme ils y étaient montés suivant la coutume de la fête
43 et qu'à la fin des jours de fête ils s'en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent.
44 Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.
45 Ne l'ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant.
46 C'est au bout de trois jours qu'ils le retrouvèrent dans le temple, assis au milieu des maîtres, à les écouter et les interroger.
47 Tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur l'intelligence de ses réponses.
48 En le voyant, ils furent frappés d'étonnement et sa mère lui dit: "Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous? Vois, ton père et moi, nous te cherchons tout angoissés."
49 Il leur dit: "Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il me faut être chez mon Père?"
50 Mais eux ne comprirent pas ce qu'il leur disait.
51 Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth; il leur était soumis; et sa mère retenait tous ces événements dans son cœur.

52 Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes.


*

Jean 8, 12 : Jésus leur parla de nouveau et dit: Moi, je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie.


*

 

C'est la Pâque. Le pèlerinage le plus important du judaïsme. On monte en masse à Jérusalem. On marche longtemps sur les routes poussiéreuses — depuis la Galilée, pour Marie et Joseph. On part en groupe, on se découvre en route.

Au retour de la fête, on a lié solidement connaissance. Comme une grande famille. Les enfants circulent d'un groupe à l'autre. Le voyage est long. On fait halte, on bivouaque tous ensemble.

Dans cette joyeuse cohue, Jésus, peuvent se dire ses parents, est quelque part avec ses copains, et comme eux, il est sous telle ou telle tente. Rien que de très normal. Puis on découvre qu’il n'est pas là du tout !
Pour que toutefois le lecteur ne se trompe pas sur ce qui se passe, Luc précise que Jésus « était soumis » à ses parents.
Mais Jésus pourtant est mûr désormais, douze ans, à peu près l'âge de la responsabilité devant Dieu, autour de laquelle l'histoire du judaïsme a forgé le rite de la bar-mitsva.

Dans la tradition biblique, dès les temps les plus anciens, les enfants au tournant par lequel ils deviennent jeunes adultes, sont déclarés responsables devant Dieu — responsables de ce qu'ils ont entendu jusque là. Responsabilité, c'est-à-dire capacité de répondre ; de répondre à, de répondre de — et notamment répondre de la parole reçue.

C'est là ce que le judaïsme appelle « bar-mitsva », ce qui signifie « enfant du commandement » — et que nous faisons correspondre approximativement, dans l’Église réformée, à ce qu’on appelle parfois, assez improprement d’ailleurs, « confirmation ».

La bar-mitsva dit que la circoncision, dans le judaïsme, requerra aussi la circoncision du cœur.
Comme dans l’Église réformée, où l’on a conservé du rite juif le baptême qui y accompagne la circoncision des non-juifs : et puisque les croyants d’origine non-juive sont autorisés en Actes 15 à ne pas être circoncis, on ne garde que le baptême. Cela dit, comme pour la circoncision qui ne présume pas de la grâce qui fait naître d’Esprit, le baptême n’empêche pas que Dieu seul peut susciter des enfants à Abraham, comme dit Jean Baptiste, ou, a fortiori, Dieu seul peut susciter des enfants de Dieu. Dans notre enfance, nos parents sont responsables de notre relation avec Dieu. Puis nous accédons au temps où nous-mêmes devenons seuls responsables devant lui. C'est le passage à l'âge de la majorité religieuse, le sens du rite de la bar-mitsva qui est derrière notre texte.

Jésus a douze ans dans notre épisode. C'est approximativement l'âge où l'on va devenir bar-mitsva. Jésus passera aussi par là. Déjà il se situe devant la parole de Dieu en présence des docteurs de la Loi étonnés.

Ses parents sont montés à Jérusalem pour la Pâque. Tout le début de l'Évangile de Luc les montre observant strictement la Tora. Depuis la visite de Marie au prêtre Zacharie, en passant par la circoncision de son fils et les rites de purification, jusqu'à cet épisode.

Scène ordinaire de la vie religieuse juive. Simplement ici Jésus, atteignant l’âge de la bar-mitsva, va exprimer dans tout son sens, ce qu'est devenir adulte devant Dieu, unique devant Dieu, par soi-même et non plus par ses parents.
Cela correspond à sa parole : « il faut que je m'occupe des affaires de mon Père » : ce qui est une leçon pour ses parents, et aussi pour nous-mêmes — et comme parents et comme enfants.

Dépouillé, comme unique devant Dieu. Jésus s'occupe des affaires de son Père.
Et c'est ce que Dieu nous demande aussi. Tous devons devenir adultes par rapport à ceux que nous recevons comme modèles.

Il s’agit de vivre dans la lumière, la lumière de la parole de Dieu que l’on a appris à écouter… Comme Jésus. Et pour nous autres, par lui. Jean 8, 12 : « Jésus leur parla de nouveau et dit: Moi, je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »

Comme Jésus et, pour nous, par lui. Puisque comme l’annonçait Jean 1, 9 & 12-13 :
Il est « la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
[…] à tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »

C’est ce qui est être éduqué, « conduit hors de » — hors de l’enfance, et de l’enfance spirituelle, pour être devant Dieu.

Et en parallèle, comme parents, laisser être eux-mêmes, face au commandement qu'ils ont appris à connaître, tous ceux que nous tendons à maintenir dans notre dépendance, prolongeant leur enfance, j'ai parlé bien sûr de nos enfants naturels ; cela vaut aussi des enfants spirituels — et cela est vrai aussi concernant tout ce qui peut devenir une chaîne.

Ici, il faut commencer par rompre, symboliquement, d'avec ceux avec qui nous sommes liés, nos proches, nos parents — et aussi nos maîtres, et tout ce qu’on peut imaginer, jusqu’à nos biens et nos propres vies. Rupture sans laquelle il n'est qu'esclavage dans nos relations, et même dans la relation avec nous-mêmes.

Rupture d'avec tout ce qui nous fait exister à nos propres yeux. C'est qu'il n'est de vie à l'image du Christ, de vie en vérité, que sous le regard de Dieu. Et cela suppose, tôt ou tard, l'abandon de tout autre regard dont notre vie serait censée dépendre, pas seulement le regard des parents, mais ce que peut conférer un statut social, ou une position dans la société ou dans l’Église, dans nos assemblées. C’est une devise de la foi réformée : « coram Deo sola fide vivere » — vivre devant Dieu par la foi seule.

C'est de cela que Jésus montre l'exemple dans ce texte qui nous le présente au Temple à douze ans. Il vit dans sa chair cet exemple-là, et dévoile par la même occasion qui il est : le Fils de Dieu. Il est par nature ce que nous sommes tous appelés à devenir par adoption.

Ici les trois jours de sa disparition revêtent un second sens, annonçant sa résurrection : « proclamé Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts », selon les mots de Paul.

Comme Jésus nous en donne l'exemple, devenir enfant de Dieu, c'est-à-dire adulte en Christ, requiert la fin, la mort, de toute dépendance, y compris du regard d'autrui, dans la famille et hors de la famille, hors de l’Église et dans l’Église. C’est le départ de la libération par l’Évangile. Cela concerne aussi, comme les parents, les dirigeants spirituels —, se refusant à maintenir leurs enfants spirituels dans la dépendance, y compris morale et psychologique. La rupture est certes difficile, mais nécessaire : « celui qui aime fils ou fille plus que moi n'est pas digne de moi ».

Cette libération possible est le fruit de la lumière qu’est l’instruction, toute instruction, et tout particulièrement l’instruction dans la parole de Dieu. La lumière — devant sa loi : ce qui induit aussi la transparence, signe de l’être adulte en Christ.
Cela vaut pour nos relations les uns avec les autres, nos relations d’Église à Église. Savons-nous être transparents les uns avec les autres, ne pas croire les rumeurs, avoir les uns avec les autres des relations honnêtes ? C’est un signe du statut d’enfants de Dieu, c’est-à-dire du statut d’adulte en Christ.

Comme Jésus, il faut croître non seulement en stature, mais en sagesse, et en grâce. Et il n'est pas facile de se résoudre à se suffire de la grâce, ou de se résoudre à laisser à Dieu ceux qu'il nous a confiés, à lui passer le relais pour qu'il ouvre leur liberté.

C'est là un acte de la foi, qui est œuvre miraculeuse de la grâce. Se résoudre à assumer et promouvoir ces ruptures est une façon de recevoir sa propre mort, renoncer à toute possession ; mort à soi-même indispensable pour la naissance d'en haut, la naissance à la liberté. Alors, un monde nouveau, prémisse des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, devient possible, un monde de relations humaines reconnaissant l'autre pour lui-même, d’une valeur infinie, être créé selon l'image de Dieu, manifestée en Christ. Un prochain qui n’est pas limité à nos schémas. Voilà tout un programme, qui n'est pas facultatif : abandonner autrui à Dieu. Et, pour cela, nous y abandonner nous-mêmes.

Et dans le cadre de notre thème — défi Michée — cela vaut pour nos relations avec nos prochains, jusqu’à ceux des pays lointains. La possibilité de l’instruction en est la base.
Et déjà de l’instruction au sens le plus naturel du terme : apprendre à lire et à écrire. Les protestants dans la France de l’Ancien régime, persécutés, ont survécu par leur culture.
Ils savaient lire, ils apprenaient à lire dans la Bible dès l’enfance, et l’héritage s’est transmis ainsi, sous la persécution, pour parvenir jusqu’à nous.

Et un jour cette parole doit éclore, comme la semence de la parabole. C’est ce que dit pour nous Jésus ce jour-là. Il s’agit d’offrir à Dieu ce qui n'appartient qu'à Dieu. Nous verrons alors si selon sa promesse, une part abondante de liberté et de bonheur, comme un grand bol d'air, ne vient pas sur nous, sur nos Églises et sur le monde.


R.P.
09.01.2006
Semaine de prière de l’Alliance évangélique

 

 

 

10:30 Écrit par rolpoup dans Silence & paroles | Lien permanent | Commentaires (0)

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